Les Brigands (I Masnadieri) a été composé par Verdi juste après Macbeth et ne fait pas partie du répertoire courant des grandes scènes d'opéra. On doit donc sans aucun doute l’existence d’un enregistrement en Blu-ray et DVD à la sortie de l'intégrale Tutto Verdi éditée par C Major en l'honneur du bicentenaire de la naissance du compositeur. De la quinzaine d'œuvres écrites pour la scène avant le véritable succès de la trilogie populaire constituée par Rigoletto, Le Trouvère et La Traviata, I Masnadieri fait partie des "années de galère", comme s'est plu à les nommer Verdi lui-même. Seuls Nabucco, Macbeth, et à un moindre niveau Ernani et Luisa Miller ont survécu de cette période. Pourtant, des chanteurs de haut niveau et une mise en scène originale, secondés par un chef d'orchestre investi suffisent à susciter notre intérêt, a priori sur la défensive.
Au sommet de la distribution, se positionne sans conteste Lucrezia Garcia, seule voix féminine de ces Brigands. Une soprano imposante par son physique et son organe vocal aux aigus lumineux, à l'agilité vocalistique sans limite et à la tenue de note parfaite. Une chanteuse dont on ne perçoit pas les limites dans le rôle d'Amalia, et que l'on aimerait bien retrouver dans celui d'autres héroïnes plus importantes.
Juste derrière elle, dans le rôle du méchant Francesco, le baryton Artur Rucinski se voit ici imputer un défaut physique qui le paralyse du côté droit, défaut absent du livret à notre connaissance. Mais cette infirmité renforce son caractère maléfique, et la scène où il décrit son cauchemar, au début de l'Acte IV, constitue une des réussites de l'opéra.
Aquiles Machado joue le rôle de Carlo, le frère de Francesco. Sa tessiture est celle d'un ténor léger, dont on perçoit les limites dans la tension imprimée au chant. Une voix maîtrisée plutôt monotone qui assure au maximum de ses possibilités, puisqu'il en connaît ses limites.
Au dernier Acte, le petit rôle du prêtre est confié à Dario Russo, bonne basse très à l'aise. À une autre basse, Giacomo Prestia, revient le vieux père, fatigué et mourant Massimiliano. La prestation vocale se montre tout à fait en phase avec le personnage mais nous fait aussi entendre des limites naturelles. Enfin, seule ombre au tableau, le majordome Arminio de Walter Omaggio expose un chant dominé par une faiblesse d'émission évidente et un vibrato envahissant.
Les chœurs du Théâtre San Carlo de Naples, importants puisqu'ils justifient sur le plan théâtral le titre de l'opéra, assurent une bonne présence. Ils sont du reste exclusivement constitués d'éléments masculins.
Bien que tiré du drame homonyme historique de Schiller Die Raüber, le metteur en scène Gabriele Lavia a choisi de transposer l'époque initiale à la fin du XXe siècle. Seuls quelques éléments symboliques nous feront sentir les changements de lieux, l'essentiel du décor, au demeurant assez chargé, restant permanent. Les couleurs générales restent sombres, et seules de grandes écharpes rouges tranchent sur les longs manteaux de cuir noir portés par les chœurs. Pour changer, le temps d'une courte scène tragique, on apercevra d'autres personnages aux tenues vestimentaires très jeunes et originales, bigarrées, témoins muets du drame qui se joue devant eux.
Cette approche d'une œuvre si méconnue permet de renouveler l'intérêt susceptible d'être porté à ce qui restera sans doute pour toujours un opéra mineur de Verdi. La direction très vivante de Nicola Luisotti, dont on perçoit parfois le souffle, signe d'un trop plein d'énergie, remplit la condition essentielle pour porter chanteurs et intentions dans le meilleur axe possible.
Cette production des Brigands de Verdi nous invite à la découverte et constitue une des bonnes surprises de l'intégrale Tutto Verdi.
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Nicolas Mesnier-Nature