En 2013, le Festival de Salzbourg accueillait ainsi une nouvelle production du Falstaff de Verdi. Face à cette œuvre endiablée, touffue, tissée d'incalculables entrelacs musicaux et de multiples imbroglios, Zubin Mehta à la tête du Wiener Philharmoniker prend le parti d'assagir la truculence permanente par un axe interprétatif traditionnel. Cette option, plastiquement très séduisante dans les scènes descriptives ou d'amour aux sonorités raffinées, manque cependant de fantaisiste dans les moments plus échevelés. Le choix des tempi n'est pourtant pas en cause, mais plutôt l'usage d'une pâte sonore composée de couleurs à la "force tranquille". Une "force fébrile" aurait davantage soutenu l'aspect comique de ce Falstaff.
Damiano Michieletto, pour sa part, réinvente le Falstaff de Verdi. Amateurs d'imagerie traditionnelle, vous ne trouverez pas ici ce que vous cherchez car, non seulement, le metteur en scène transpose la farce Shakespearienne dans notre monde actuel mais il ajoute un second niveau de lecture en nous proposant l’œuvre comme une illustration des songes du héros. La nouvelle dramaturgie se construit dès lors au moyen d'allers et retours constants entre réalité et rêves.
L'action se déroule dans la fameuse Casa Verdi de Milan, maison de retraite destinée aux vieux musiciens en difficulté construite sous l'initiative du compositeur et achevée deux ans avant sa mort. Un lieu d'accueil toujours actif. Nous voilà donc projetés à l'intérieur du bâtiment, avec aides-soignantes, fauteuils roulants, dames âgées et vieux messieurs. Et Flastaff, obèse et somnolent, de trôner au milieu de cette population. Rythmée par les réveils et les assoupissements de l'encombrant personnage, l'action nous projette entre réel et rêve, balises auxquelles on ne pense plus par moments, preuve de la réussite de la narration.
La reconstitution de l'intérieur de la Casa, les décors et les costumes sont en tout point magnifiques. Les solutions trouvées pour les scènes clés (que nous ne dévoilerons pas) sont tout à fait probantes. Face aux situations fortement théâtrales et même tirées par les cheveux du livret original, nous trouver dans un monde aux frontières du réel renforce paradoxalement la véracité de l'entreprise.
Au niveau de l'interprétation, une bonne homogénéité caractérise la distribution réunie pour ce Festival d'été salzbourgeois. Au vu de cette représentation, on ne peut que confirmer les qualités d'Ambrogio Maestri dans un rôle à sa mesure, tout comme celui de Dulcamara dans L'Élixir d'amour. Toutefois, il se montre plus sage et posé que dans la production de Parme en 2011. Le quatuor féminin met en valeur Fiorenza Cedolins en Mrs. Ford et Eleonora Buratto en Nannetta, dont le suraigu dédié à la Lune fait merveille. Massimo Cavalletti en Ford se montre correct, tout comme Javier Camarena en Denton, sans pour autant susciter un enthousiasme débridé. Mais soyons juste en reconnaissant que, dans Falstaff, en l'absence d'airs héroïques le plus souvent représentatifs de l'opéra italien, leurs voix passent au second plan derrière leur jeu scénique.
Au final, ce Falstaff se laisse regarder et entendre avec plaisir. Dédoubler la personnalité d'un gros monsieur - dont on ignore finalement le nom - qui se prend dans ses rêves pour un héros imaginaire est une idée qui fonctionne tout au long de la représentation. Cette lecture, aussi imaginative et originale soit-elle, ne dispense cependant pas de visionner aussi une version plus "authentique".
Lire le test du DVD Falstaff à Salzbourg en 2013
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Nicolas Mesnier-Nature