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Des images magnifiques dignes des plus beaux reportages filmés en Imax nous accueillent pour un périple qui s'annonce très riche.
Puis de jeunes garçons se présentent. Ils rejoignent les Wiener Sängerknaben, une des rares chorales à attirer des candidats du monde entier et à profiter d'une popularité soutenue par quelque 300 concerts annuels donnés de l'Asie à l'Amérique du nord et en l'Europe.
Le Chœur est présenté comme un aimant attirant les enfants qui disent n'avoir d'autre motivation que l'intégrer. Les aider à trouver leur place dans le monde, développer leur personnalité : voilà des concepts tout à fait louables présentés comme les valeurs fortes de l'organisation, mais très vite ternies par les paroles d'enfants peu spontanées qui jalonnent le documentaire :
"Mon père est un grand chef d'orchestre", dit l'un avec morgue.
"Je ne sais pas pourquoi j'ai obtenu le rôle principal !", confie l'autre avec une modestie très étudiée façon star de cinéma interviewée par HBO.
Bien curieux d'entendre de la bouche d'un enfant que s'il ne décroche pas un rôle, son petit camarade pourrait l'obtenir grâce à son origine différente de la sienne et une autre couleur de peau. Car cette couleur de peau rendrait très bien pour le rôle. Une innocence qui fait frémir…
Mais la formation chorale est superbe et ce programme nous permet d'entendre de remarquables voix. Malheureusement aucun chant n'est présenté autrement qu'en très court extrait.
Chaque enfant joue d'un instrument, nous apprend le documentaire. Parfois, les jeunes chanteurs répètent même "en secret".
Mais leur cachette est une immense salle. La voix off nous explique qu'ils ne devraient pas être là. Alors piètre cachette, car les multiples caméras non plus. Quant à la réverbération de la salle, elle est bien peu propice à la discrétion.
Quoi qu'il en soit, la caméra est très mobile et s'autorise des plongées vertigineuses dans une cathédrale ou de luxueux panoramiques autour des enfants. Mais elle verse aussi très vite dans une esthétique clipesque tandis que le montage maladivement syncopé se situe plus dans l'axe de MTV que dans le propos annoncé de "Route de la soie".
Au bout de cinquante minutes on ne sait du reste toujours pas où le cinéaste nous conduit.
Où sont les vraies répétitions, le vrai travail, les réactions justes, les joies, les larmes ? La mise en scène des enfants est si peu discrète, les réactions tellement surjouées, comme cette audition d'un petit choriste qui fait croire avec malice combien sa famille est dans le besoin devant le visage compatissant des responsables. Et ce parce que le cinéma aime ce genre de situations…
Le spectateur finit pourtant par comprendre que le film soutient la sortie d'un disque de chants du monde - The Silk Road - interprétés dans leur langue originale et pour la première fois par les Wiener Sängerknaben. Et cette Route de la soie est de fait symbolisée par de belles images, parfois réelles, parfois résultantes d'un montage de décors naturels et d'enfants filmés en studio devant un fond vert, pour simuler une tempête de sable en plein désert, par exemple.
Difficile ensuite de savoir si ce que nous voyons de ce grand voyage promis résulte de la réalité de la tournée du chœur ou de trucages de cinéma.
Quelques scènes de reconstitutions historiques esthétisantes et soignées nous présentent en outre l'Empereur Maximilien 1er, fondateur de la manécanterie au XVe siècle, et d'autres jolies scènes sans âme en guise de caution historique.
L'autoproclamé (par la jaquette) grand réalisateur autrichien Curt Faudon, plutôt connu pour ses publicités, ne montre que des qualités de faiseur de clips. Le manque de fond flagrant de son film se cache derrière un montage hystérique et de gros moyens logistiques déployés. On se situe, avec ce Silk Road, à des lieux de la vérité musicale si émouvante véhiculée par le documentaire El Sistema (lire le test).
Reste de ce documentaire, dont on pourrait se demander quels intérêts il sert, un festival de belles images et de cadrages soignés et d'ambiances musicales à la sophistication extrême.
Les Wiener Sängerknaben méritaient mieux.
À noter : La voix off qui commente le film est disponible en français, allemand, anglais, espagnol, italien et japonais. Des sous-titres des mêmes langues s'affichent en fonction de celles des intervenants.
Philippe Banel



























