
Dans ce superbe amphithéâtre hellénisant où purent s'assembler dès sa construction en 1936 - fortement connotée à une époque troublée - plus de 20.000 personnes, un nouveau public assiste aujourd'hui, décontracté, à la clôture de la saison donnée par les Berliner Phiharmoniker.
L'amour de la musique réunit symboliquement toutes les styles et tous les âges. Les nombreuses caméras-grues nous font planer au-dessus des gradins et de l'orchestre avec fluidité. Au détour d'un travelling ou d'un gros plan, nous saisissons l'impact physique que produit la musique sur des gens dont nous ne savons rien mais qui ressentent la même émotion que nous.
Nous nous étions beaucoup amusé lors de la saison 2002 (Open Air, DVD édité par EuroArts - lire le test), mais cette fois, nous sommes placés dans un autre univers, celui de l'amour, de la nuit et de la contemplation. La grande, l'immense, soprano américaine Renée Fleming nous fait don de sa beauté tant vocale que physique. Elle changera trois fois de robe, passant du rouge au bleu vifs pour finir par un élégant blanc.
Mais avant de succomber à son charme, nous entrons dans la nuit par son côté inquiétant. Le monde des sorcières et des spectres danse dans nos oreilles en même temps que sur le Mont Chauve. Une entrée en matière dynamique, d'autant plus surprenante qu'il ne s'agit pas de la populaire version réécrite par Rimski-Korsakov mais de l'original de Moussorgsky qui diffère totalement dans sa dernière partie.

Très vite pourtant, nous voilà partis pour la première prestation de la soprano, le superbe Chant à la Lune tiré de l'opéra de Dvorak Rusalka. Puis viendront la scène finale de Capriccio de Strauss, un extrait de La Ville Morte de Korngold puis un court lieder de Strauss qui conclura une sélection germanique opportuniste mais aussi thématique. Renée Fleming enchaînera sur le répertoire italien : Puccini et un air d'adieu de La Bohème, deux extraits légers de l'œuvre homonyme beaucoup moins connue de Leoncavallo, puis Puccini encore avec "Tu che di gel sei cinta" de Turandot et, en bis, l'incontournable "O mio babbino caro" de Gianni Schicchi.
La voix ne semble pas se soucier ni de l'éclectisme des styles ni de la diversité des langues. Idéalement placée dans les aigus, lisse et charmeuse, elle devient émouvante au possible dans des scènes tragiques très expressives. Renée Fleming théâtralise un minimum, avec justesse et retenue, les grandes héroïnes dramatiques qu'elle incarne à la scène depuis longtemps à la perfection.


En dépit d'un Roméo & Juliette de Tchaïkovsky un peu étiré et d'une Ouverture du Rienzi de Wagner fortement ancrée dans la tradition allemande, les cordes langoureuses de l'Adagio du ballet Spartacus de Katchaturian comme celles du Salut d'amour d'Elgar sauront trouver leur public. L'orchestre reste concentré mais les bénéfices de la pression d'un concert entre quatre murs devant un public attentif s'évanouissent sous cette tente plantée au milieu de la nature verdoyante et sous le ciel étoilé.
Le morceau final, précédé par un bis vocal, redonnera vigueur et enthousiasme après ces rêveries sonores s'achevant au clair de lune. En effet, le Berliner Luft de Paul Lincke, très attendu et devenu en quelque sorte rituel à la Waldbühne, réservera une amusante surprise qui ne touchera pas les seuls amateurs de musique classique en assurant un lien entre deux mondes apparemment totalement étrangers l'un à l'autre.
On ne vous en dira pas plus…
Nicolas Mesnier-Nature







































