
Verdi a 26 ans lors de la création de son premier opéra Oberto, Conte di San Bonifacio. Deux précédents projets - Rocester et Lord Hamilton - sont restés dans les cartons mais on retrouve certainement dans cet Oberto écrit sur les traces de Rossini une partie du matériel composé pour ses "essais" de jeunesse. Toutefois, c'est davantage à Donizetti que l'écriture vocale particulièrement tonique fait souvent penser.
Le livret d'Oberto s'appuie sur un argument "prétexte" à quatre protagonistes d'Antonio Piazza et Temisctocle Solera qui ont fait le choix peu confortable du point de vue narratif d'ouvrir le rideau sans présenter sur scène les "antécédents" indispensables à la compréhension des personnages. Ceci étant, il n'est pas très difficile de se retrouver dans ce schéma habituel de la basse qui contrarie une liaison soprano-ténor.
La direction nerveuse et précise d'Antonello Allemandi convainc dès la Sinfonia construite autour des divers thèmes de l'œuvre. Le chef est raffiné dans son approche et les forts contrastes dynamiques qu'il suscite interpellent, même si les cordes se montrent un peu justes. Pour la suite, l'équilibre entre l'orchestre et les voix montrera une direction attentive aux chanteurs, comme ce n'est pas toujours le cas.
Si la musicalité de la fosse sert de belle façon cette partition toute à l'honneur du jeune Verdi, la distribution rassemblée sur scène est loin de convaincre entièrement. Ce sont les voix masculines qui tirent le mieux leur épingle du jeu, à commencer par le ténor Fabio Sartori dont la vaillance de projection et les aigus parfaits et tenus caractérisent un Riccardo sans grande aura mais bien chantant malgré quelques flottements au début de l'opéra (belles Cavatine à l'Acte I et Romance "Ciel, che deci! Di quel sangue" à l'Acte II). La jeune basse Giovanni Battista Parodi montre plus de présence dans le rôle-titre d'Oberto. Il faut dire que la stature est différente et l'aisance en scène bien supérieure. La voix n'a peut-être pas toute la puissance requise pour cette incarnation mais le timbre est riche, la diction expressive et la musicalité jamais prise en défaut.

Il est bien plus difficile d'adhérer aux voix féminines. On passera très vite sur le timbre ingrat de Giorgia Bertagni dans le rôle peu exposé d'Imelda, confidente de Cuniza. La mezzo-soprano Mariana Pentcheva possède une technique vocale à même d'offrir une belle assurance au personnage de Cuniza mais cette assise ne parvient jamais à être équilibrée par une sensibilité malgré le savoir-faire vocal et quelques nuances plutôt bien gérées. Le jeu est primaire et la physionomie de la chanteuse peu avantagée par sa coiffure. La soprano Francesca Sassu, physiquement plus avantagée et douée d'une expression plus intéressante ne possède en revanche pas un timbre inoubliable et, si la justesse est bonne et la ligne de chant bien conduite, le manque de couleur et, finalement, d'intérêt pour cette expression vocale fade, plombe notre empathie envers Leonora, fille d'Oberto. De plus, empêtré dans une gestuelle factice qui réclame continuellement des positions de mains peu naturelles à la chanteuse, le personnage reste continuellement à distance de la sensibilité du spectateur. Seul son "Tutto ho perduto !" de la scène finale se montrera-t-il plus touchant.
Les chœurs du Teatro Regio de Parme sont en revanche excellents et honorent chaque intervention ménagée par Verdi, tant en soutien des solistes que lors de belles expressions chorales.


La scène du Théâtre Verdi de Busseto n'est pas très grande, et certaines loges ont été utilisées pour y placer des choristes. Une idée intéressante qui permet visuellement d'élargir le plateau. Mais, malheureusement, le metteur en scène Pier'Alli ne semble pas plus inspiré par cet Oberto qu'il l'était pour Les Puritains à Bologne, et on aura rarement vu mise en scène plus statique que celle-ci. Bien entendu, la structure des airs installe souvent les personnages de façon assez lourde, mais on dirait que tout a été fait pour accentuer le statisme. Les chanteurs solistes entrent le plus souvent par le fond de scène par une légère pente, se placent au centre du plateau et chantent, quasiment sans bouger… Le déficit chronique d'éclairage de la scène alourdit encore cette sensation de lourdeur qui ne s'estompe pas au cours de la représentation. Quant à la dominante orange, si elle permet quelques compositions visuelles assez jolies, le manque de variété de couleurs aboutit à une démonstration terne et, finalement, bien monotone.
Pour revenir à la gestuelle imposée à Francesca Sassu, on a bien du mal à en comprendre la raison. La soprano s'en tire plutôt bien et ses bras donnent l'impression de se placer assez facilement en réponse aux phrases musicales. Mais on croirait un automate et l'artifice ne fonctionne plus, passé quelques minutes. Plus largement, les rapports entre les personnages souffrent d'une distance qui les sépare et aucune interaction de jeu ne fonctionne vraiment sauf, peut-être, le face à face nerveux entre Oberto et Riccardo à l'Acte II.

Restent alors quelques passages parfaitement construits sur le plan musical, tels le finale de l'Acte I et son "concertato" de stupeur bien rendu, qui tend à prouver la maturité d'écriture du jeune Verdi et un superbe quatuor à l'Acte II, qui réunit Riccardo, Leonora, Cuniza et Oberto autour d'une écriture très maîtrisée. Mais il faut reconnaître que cette production statique et visuellement peu intéressante défendue par une distribution approximative ne saurait convaincre outre mesure le spectateur, même indulgent.
À noter : Les options sonores et de sous-titrage de ce Blu-ray doivent être sélectionnées une fois lancé le programme principal par le biais du menu pop-up.
Le Blu-ray d'Oberto est également disponible au sein de la luxueuse intégrale Tutto Verdi éditée par C Major. Il constitue le disque no. 1 de la collection.
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Philippe Banel






































