
Compositeur à ne pas confondre avec Leonardo da Vinci, peintre et homme d'esprit de la Renaissance, Leonardo Vinci, deux siècles plus tard, fut suffisamment célèbre dans le monde baroque pour inspirer à Hændel sa propre Partenope en 1730. Ce n'est dès lors finalement que justice que de réhabiliter son œuvre aujourd’hui.
Antonio Florio et ses Turchini se sont fait une spécialité de l’opéra napolitain et c’est donc tout naturellement qu’ils se sont tournés vers ce compositeur emblématique de cette forme, même si le présent opéra a en fait été créé pour le Carnaval de Venise et, qui plus est, tout à la gloire de la capitale de la Campanie. Partenope est en effet la fondatrice mythique de la ville et si l’œuvre reste modeste dans ses effectifs - 8 chanteurs, pas de chœur -, elle déborde de morceaux de bravoure tous plus spectaculaires les uns que les autres, à la gloire de la sirène.
Antonio Florio s’est fait le champion de cet opera seria plus jovial que tragique puisqu’il fait tourner cette production à travers l’Europe (du Sud) depuis 2006. Et l'on peut dire que l'expérience s’entend ! L’orchestre est parfaitement rodé et un véritable esprit d’équipe semble souder les chanteurs autour du plaisir de se retrouver régulièrement depuis près de 6 ans pour s'exprimer dans un répertoire qu’ils apprécient visiblement.
Il faut dire que la reconstitution ici proposée ne lésine sur rien pour restituer l’œuvre tant dans sa dimension musicale que visuelle. Les costumes de Jesús Ruiz et les décors signés par Ricardo Sánchez Cuerda sont inspirés de gravures et autres dessins de l’époque de la création en 1699, la chorégraphie de Yolanda Granados emprunte largement aux mouvements d’alors (même s’ils évoquent ici davantage la France) et l’on assiste même à des combats en armure ! À l’inverse, les intermèdes comiques associent l’inspiration d’un Domenico Sarro, contemporain de Vinci, à des arrangements d’Antonio Florio lui-même, sur des textes en espagnol. L’humour est alors pour nous plus difficile à goûter malgré le sous-titrage français, mais cela semble fonctionner sur le public ibérique !

Ceci dit, pour consciencieuse et plaisante que soit cette production, elle souffre malgré tout de nombreux points inaboutis, qui auraient pourtant pu être résolus avec le temps…
Du côté de l'orchestre, on appréciera la direction éloquente des violons. Malgré quelques menues imprécisions, l’articulation et l’enthousiasme passent sans peine et l’on sent un vrai travail de fond en la matière. Malheureusement, le continuo traîne les pieds et n’a visiblement rien à dire. Un comble quand on compte autant de récitatifs ! Et le spectateur d'entendre continuellement le même piqué, guère plus expressif qu’une basse à la Jean-François Paillard. Seul le clavecin tire son épingle du jeu et rend ce continuo acceptable par ses multiples improvisations, son sens de la transition et sa volubilité. Pour le reste, l’imagination est aux abonnés absents, aboutissant à un discours presque scolaire. Vraiment dommage !
Côté voix, c’est aussi la déception. Sonia Prina est peut être incroyable dans le débit de ses vocalises et sa projection, mais cela ne saurait fait oublier une imprécision criante, un timbre gras et une diction de charretier. On retiendra davantage pour ses qualités l’Arsace de Maria Ercolano qui sait, avec discrétion, ménager un rôle très travaillé dans sa diction et son expressivité, et finalement gracieux, brillant d’autant plus que la Rosmira de Maria Grazia Schiavo reste désespérément dénuée de charisme. Sans être inoubliables, les deux rôles masculins parviennent grâce à cette hétérogénéité féminine à se faire une place plus qu’honorable à défaut d’être mémorable.
Au final, on regrettera vraiment qu'une production aussi rodée de La Partenope demeure aussi inaboutie à maints égards, d’autant plus qu’elle ne peut s’empêcher de susciter la sympathie dans le même temps. Nous nous concentrerons donc sur le positif de cette version : la découverte passionnée et passionnante d’un pan mal connu du répertoire opératique.
À noter : Le DVD 1 contient l'Intermezzo I, l'Acte I et l'Intermezzo II (59'30) ; le DVD 2 propose l'Intermezzo III et l'Acte III (110'29).
Jean-Claude Lanot




































