Comme pour La Passion selon Saint-Mathieu et Le Messie de Haendel, dirigés par Stephen Cleobury à la tête du Brandenburg Consort et critiqués par Tutti-magazine, l'éditeur House of Classics propose un DVD au côté du CD-Audio de la même œuvre. Cette Passion selon Saint-Jean se présente ainsi dans un coffret accueillant 1 DVD, 2 CD et un livret en anglais avec texte de l‘œuvre en allemand.
La Passion selon Saint-Jean dirigée par Stephen Cleobury." width="650"/>
Il est difficile de reconnaître LA Passion selon Saint-Jean de Bach tant elle a connu de versions différentes. On s’accorde volontiers autour de la première version de 1724, tandis qu’on a perdu pas mal de matériel des versions III et IV. Quant à la version enregistrée ici, on l'oublie souvent. Elle fait appel non seulement à des éléments neufs, mais également à un chœur emprunté à la toute première ébauche de cet oratorio datant de 1717, et qui sera repris dans La Passion selon Saint-Mathieu : le fameux "O Mensch, bewein dein Sünde gross", lequel clôt la première partie de la BWV 244.
D’où, au commencement de ce programme, une impression étrange de s’être trompé de DVD !
Mais il n’en est rien et notre écoute de ce monument musical en est même renouvelée. Aucun bouleversement véritable, admettons-le, car il ne s’agit que de cinq numéros se retrouvant en lieu et place de chœurs et d’airs bien connus, à tel point que le livret d’accompagnement a cru bon de les omettre purement et simplement et de leur préférer le chapitrage de la version 1724, ce qui ajoute un peu plus à la confusion…
De plus, les 2 CD qui accompagnent ce DVD proposent quant à eux les numéros de la version I intégrale, ainsi que les nouveautés de 1725 en appendix. Le DVD, lui, propose uniquement la version II, sans alternative.
La Passion selon Saint-Jean de Bach sous la direction de Stephen Cleobury." width="650"/>
Cela dit, au-delà de ce léger imbroglio éditorial, l’intérêt de cette version est réel, tant sur le plan archéologique que musical. D’une part, on découvre une approche résolument concertante voire moderne de cette œuvre, d’autre part les voix d’enfants du chœur de Cambridge déploient un timbre pour lequel cette musique a été originellement pensée. Ils se marient en outre de façon idoine avec les cordes, notamment quand l’orchestre double le chœur, ce à quoi une formation mixte ne pourra jamais prétendre. Enfin, les musiciens ici réunis sont de premier ordre et nous livrent une version vivante, énergique et même prenante par moments, même si elle ne peut faire l’économie d'un certain flegme et de distance.
Certes, le chœur du King’s College ne nous a pas habitués à des enregistrements parmi les plus délurés de la discographie. Mais, pour la présente captation, l’angélisme n’est pas de mise, et on peut dire que ces jeunes chanteurs se donnent à fond, au risque de proposer une articulation parfois un peu rude. Malgré cette réserve, l’ensemble demeure de grande classe et montre une grande propreté dans la technique.
Les adultes dominant malgré tout l’effectif apportent tout autant de rondeur que de vie, que ce soit dans le chœur ou parmi les solistes. Sans jamais bouleverser la discographie, les chanteurs entre eux font preuve d'une belle cohérence. L'interprétation du texte est bonne, à commencer par l’Evangéliste très honorable de John Mark Ainsley. Les tempi sont alertes, les vocalises précises et ad hoc, même si les timbres, notamment de la soprano Catherine Bott et de la basse Stephen Varcoe, ne sont pas d’une présence ahurissante.
Sur le plan visuel, on regrettera une prise de vues qui semble dater des années cinquante, passablement figée, quasi hiératique - L’Évangéliste paraît coincé dans son cadre ! -, et qui tend malheureusement à priver cette interprétation de la vie que les musiciens pouvaient lui insuffler. Une approche visuelle à contre-courant, donc, qui nous ferait malheureusement préférer par moments la version purement discographique, sur laquelle notre imagination peut davantage nous faire voyager et, surtout, éviter des erreurs cruciales de cadrages comme ces hautbois da caccia coupés net. Avec leur corps en bois, courbé, et leur bocal en métal, ces instruments rarissimes sont de véritables curiosités du point de vue de la facture. On aurait beaucoup apprécié de les découvrir dans leur ensemble…
En conclusion, cette version n'est peut-être pas la version la plus passionnante, ni la plus réussie sur le plan éditorial, mais elle revêt un réel intérêt musical et historique.
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Jérémie Noyer






























