À noter : Le master vidéo de ce Blu-ray montre une qualité tellement supérieure à celle du DVD du même programme déjà testé dans nos pages que nous avons décidé de publier une nouvelle critique consacrée au support Haute Définition. Un auteur différent signe ce nouveau texte. Aussi, vous pourrez vous reporter avec intérêt à la critique du DVD afin de confronter les points de vue sur ce concert.
En cet été 2009, le thème choisi pour le Festival de Lucerne était la nature. Un thème qui sied bien à Gustav Mahler, dont la Première symphonie s’ouvre par un mouvement naturaliste : "Fleurs, fruits et épines", d’après une description du compositeur postérieure à la création de l'œuvre. Nul besoin de revenir sur les affinités évidentes du chef avec la musique du compositeur viennois, dont il donne une nouvelle lecture toujours aussi vivifiante, loin des clichés monumentaux et prétentieux qu’on nous sert ici et là. L’intériorité la plus poignante se mêle avec lui à la jubilation la plus extatique, avec un plaisir évident de jouer et une communication limpide entre le chef et les musiciens. Les grands ensembles demeurent robustes sans que jamais le trait ne soit appuyé, offrant une lisibilité optimale du discours musical dans sa richesse et son foisonnement. Des tableaux naturalistes du 1er mouvement au tragique "Frère Jacques" en mineur du troisième, c’est une poésie sans prétention aucune mais, au contraire, profondément habitée qui se déroule devant nous dans cette version exemplaire de la "Titan".Dans le 1er mouvement de cette symphonie, la nature est associée à un autre thème fort, celui de la jeunesse ("le printemps sans fin") et c’est justement à une soliste de 22 ans, la Chinoise Yuja Wang, que Claudio Abbado a décidé de faire appel pour le Concerto pour piano No. 3 de Prokofiev qui introduisait brillamment ce concert. C’est en l’entendant dans la Sonate de Liszt que le chef a été séduit par la pianiste, la comparant à Martha Argerich. Ce concert lucernois était leur deuxième rencontre. Le résultat est d’ailleurs des plus probants, notamment dans les mouvements extrêmes et le début du deuxième où la percussivité du piano, parfaitement maîtrisée, se double d’un sens aigu du dialogue entre soliste et orchestre. La jeune étoile montante n’oublie pas que dans "concerto" il y a "concerter", et à la virtuosité sans faille se mêle une écoute, un échange qui ravissent autant les sens que l’intelligence.
Côté orchestre, les bois sont vraiment à la fête, non seulement parce que Prokofiev les a dotés de beaux instants, mais parce ces musiciens d’exception bénéficient d’un équilibre idoine et quasiment miraculeux au sein de l’orchestre. Un vrai bonheur !
Néanmoins, la magie est moins présente lors des moments plus à découvert du mouvement lent où l’expressivité de la soliste reste plus superficielle et la jeunesse touche à ses limites.
Mais que cela ne gâche pas notre plaisir devant cette version plus qu’honorable, augurant d’une artiste de tout premier plan, à l’image de l’ensemble de ce programme.
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Jérémie Noyer