Cette production de La Veuve joyeuse bénéficie d’une belle distribution à la tête de laquelle Véronique Gens incarne une superbe veuve Missia Palmieri, noble et, comme toujours, de très belle tenue vocale.La mise en scène de Macha Makeïeff est un véritable régal, tour à tour mutine, désopilante, originale sans jamais déborder sur la caricature ni sur le convenu.
Macha Makeïeff a tout de suite compris que, pour rendre l’opérette totalement conquérante, elle devait lui insuffler une vie théâtrale trépidante, toujours lisible et pleine de relief.
Dans ce cas, où tant le caractère populaire que le style mélodique ou la rythmique sont convaincants, on sait bien que la musique fait le reste. Comme pour la partition, d’ailleurs. Il s’agit avant tout de savoir rester dans le style "opérette" (l’intrigue, les dialogues, le style mélodique, la danse) et son énergie propre, tant pour la direction des acteurs que celle des musiciens.
On a vu des productions où, à trop affiner la posture dramatique on perdait l’accès direct à l’ouvrage, à sa dérision qui devient alors un drame, un opéra, sans en avoir réellement la teneur ni la consistance.
C’est le contraire ici : on s’amuse, on rit à volonté et à chaque instant…Bien évidemment, cela ne signifie pas de relâchement ni de laisser-aller qui serait d’ailleurs fatal à l’ouvrage riche en pages somptueuses et combien célèbres !
Il faut trouver le bon tempo, le bon phrasé, la bonne tenue un rien désuète.
On pourrait ainsi dire "la rigueur germanique au service de la saveur autrichienne".
Cela doit se traduire musicalement, par une articulation et un style appropriés, et dramatiquement, par un jeu de scène pertinent et crédible. C’est encore le cas ici, et une parfaite harmonie règne entre les deux principaux directeurs, celui de l’orchestre avec le chef sud-africain Gérard Korsten, et Macha Makeïeff.
Il en va de même pour la distribution vocale : il s’agit en l’occurrence de trouver des chanteurs qui jouent parfaitement la comédie, s’y engagent pleinement et maîtrisent aussi plusieurs difficultés musicales.
Par son essence, l’opérette ne requiert pas - ou bien on choisit une autre option, parfois inopportune - de voix d’opéra, en tout cas pour la plupart des rôles.
Certes, pour le principal, la Veuve, ses propres caractéristiques sinon celles de la musique qui lui est allouée, il faut une grande artiste, une diction exemplaire et les capacités de chanter ces pages parmi les plus brillantes. Comme nous l’avons dit plus haut, toutes les qualités sont réunies avec Véronique Gens.
Gordon Gietz chante un brillant Camille de Coutanson et se révèle même parfois plus à l’aise qu’Ivan Ludlow en Prince Danilo, qui doit somme toute affronter plusieurs airs d’une redoutable difficulté (Entrée de Danilo, Acte I ; Scène VI, ; fin de l’Acte II). Bien qu'il ne démérite aucunement, on notera çà et là quelques tensions dans l’aigu chez ce dernier, largement compensées par une présence scénique de grande allure.
Magali Léger est parfaitement distribuée et incarne une ravissante Nadia, un rôle où trop d’emphase et de sophistication stylistique raviraient la place de l’héroïne en titre.
Le Popoff de François Le Roux est superbe et nous confirme qu’il est un comédien - il chante ici finalement bien peu - dont on connaît par ailleurs l’immense talent.
Figg (Robert Horn) en "Monsieur Loyal" et Hervé (Hervé Lassïnce) en ordonnance de Danilo - une invention astucieuse de la mise en scène - sont fort drôles et pimentent à merveille le rythme de l’action par leur présence parfois loufoque et par leur jeu impayable.
Le décor grand style et les costumes Belle Époque font merveille et relèvent d’une parfaite unité à laquelle la caméra rend bien justice.
Le travail de plateau suit le rythme implacable des danseurs, des comédiens, des figurants jusqu’à la petite chienne Lubie qui nous régale à la fin de l’opérette, de sa chorégraphie toute personnelle !
À noter : Cette opérette est chantée en français.
Gilles Delatronchette