Le mérite de cette représentation revient en premier lieu au chef d’orchestre Antonino Fogliani. En effet, dès l’Ouverture le chef italien insuffle un esprit et une vivacité qu’il ne relâchera pas jusqu’au terme de la représentation. Aucun appesantissement sur un solo d’orchestre ou sur une quelconque réplique des cordes.
En tout instant le chef s’inscrit dans une démarche dynamique remarquable, où le rythme est vif, allégé et truculent.
Pas de vibrato suranné aux cordes, aucun romantisme alambiqué lors des nombreuses et délicieuses interventions des bois, tout avance avec constance.
Cela n’exclut aucunement la poésie, ni n’assèche les délices de la partition. Cela les clarifie au contraire. Sa direction est sûre, sa technique tout autant et l’orchestre intègre superbement son style comme une synthèse de la démarche baroqueuse et de la modernité un peu sèche qu’on peut reprocher à d’autres.
La production scénique de Venise ne viendra toutefois pas vraiment couronner ce Barbier. On est proche du carton-pâte, du cliché, et de bien piètres éclairages ne rendront aucune grâce à des costumes qui n’en possèdent guère.
Heureusement, le jeu d’acteurs impose une lecture un peu plus séduisante avec, au milieu de gestes convenus, quelques bonnes idées originales et drôles.
On a vu mieux ces temps-ci et auparavant.
Mais, à la décharge de La Fenice, nous pouvons supposer que ses déboires - un nouvel incendie en 1996 et sa reconstruction achevée en 2004 - ne lui donnent pas les moyens suffisants pour produire un spectacle de plus grande tenue et d’une meilleure qualité visuelle.
Coté distribution, cette captation propose une distribution homogène de qualité acceptable.
Francesco Meli se présente dans le petit entretien proposé en bonus du DVD, comme bari-ténor.
L’option semble tout à fait recevable et donne au personnage une maturité plus affirmée, de fait moins allégée.
l campe un comte Almaviva dont l’engagement dramatique compense des moyens vocaux, à la vérité, pas totalement adéquats.
Son timbre n’est pas particulièrement solaire, mais sa couleur s’avère originale et douée d’une vraie personnalité.
Il vocalise avec une relative aisance et finit par plutôt nous convaincre dans le rôle du parfait séducteur.
Le Figaro de Roberto Frontali, de manière semblable, compense largement par une belle prestance tant musicale que dramatique, un timbre quelque peu vieillissant et finalement assez peu séduisant.
Giovanni Furlanetto est un Basilio intense qui dispose des moyens requis pour affronter son "Air de la calomnie" avec autorité.
Il s'avère vocalement irréprochable.Bartolo, à défaut d’une voix totalement idiomatique et sans véritable charme ni drôlerie ("A un dottor delle mia sorte", Acte I) possède en outre l’abattage dramatique pour rendre son crédit au rôle.
La Rosine de Rinat Shaham ne possède pas véritablement, elle non plus, la voix du rôle, ni vraiment mezzo (parfois détimbré) ni vraiment soprano légère (plus aisé).
Elle peine sur le plan vocal, musical, à donner à son incarnation le charme, la malice et la candeur qui lui sont indispensables.
Le style de la vocalise rossinienne n’est pas totalement acquis, ni convaincant à nos oreilles ("Dunque Io son", Acte I).
Elle compense certes par un jeu efficace, que son physique tout en grâce et minceur sert magnifiquement.
Mais est-ce suffisant ?
Mais, avant toute chose, nous retrouvons avec bonheur le magnifique théâtre d’opéra de La Fenice de Venise, salle d’une miraculeuse beauté, dont les dimensions relativement réduites permettent une lisibilité acoustique confortable.
Le chef-d’œuvre de Rossini y trouve une place de choix.
Il manque en fait à peine quelques points à l’ensemble de cette distribution, chef excepté, pour en offrir une représentation mémorable.
Gilles Delatronchette