Elle devait être archéologue, mais la vie en a décidé autrement. Et voilà que la jeune Elizabeth Watts passe de la Sheffield University au Royal College of Music pour entamer une carrière remarquée alors même qu’elle commence à peine. Un très beau récital Schubert chez Sony, et la voici devenir révélation internationale. Elle signe aujourd’hui chez Harmonia Mundi un récital - Bach cette fois - et c’est un nouveau succès.
Une des raisons de ce succès tient à la personnalité très attachante de la soprano, qui n’est pas sans rappeler la fraîcheur de Cecilia Bartoli. Le chant d'Elizabeth Watts n’est pas technique, il vient directement du cœur, en prise directe avec les textes musical et littéraire.
Est-ce la chanteuse qui a inspiré l’English Concert ou le chef Harry Bicket qui a formidablement dirigé la chanteuse ? Qu’importe, le résultat est là et on a rarement entendu un Bach aussi libre, aussi risqué et aussi lyrique. Il faut remonter à Nikolaus Harnoncourt pour entendre une telle liberté par rapport au texte, notamment par l’adjonction de nuances inédites à des partitions qui en sont originellement dépourvues, laissant ainsi le champ libre à l’interprète, ou à la tradition voire aux deux. À ce titre, l’aria "Ich wünschte mir den Tod", extraite de la Cantate BWV 57 est exemplaire de nuances dramatisées avec un goût parfait. Le résultat en est tout à fait poignant.
L’ensemble de ce programme est très équilibré entre l’ombre en première partie (avec notamment la Cantate BWV 199 "Mein Herz schwimmt im Blut"), et la lumière en seconde (avec la Cantate BWV 51 "Jauchzet Gott in allen Landen !"). On louera également les solistes instrumentaux, du délicat hautbois à la trompette virtuose.En revanche, qui dit prise de risque dit également excès de tout genre, et il faut reconnaître que cet enregistrement n’en est pas exempt. Par exemple, l’idée est intéressante de prendre les notes de l’aria "Letze Stunde, brich herein" par en dessous, dans une lumière presque éteinte qui illustre fort bien l’idée du texte. Mais dans le même temps, cela occasionne certaines indélicatesses au niveau de la justesse qui gâchent immanquablement notre écoute. De même, l’articulation de la chanteuse dans les vocalises des mouvements rapides manque parfois de précision et savonne quelque peu. Enfin, certaines accentuations frisent la lourdeur, comme dans la reprise de l’aria d’ouverture de la BWV 51 avec des "jauchzet" malhabilement appuyés à l’extrême.
Ceci observé, cet enregistrement apporte une véritable pierre à l’édifice bachien en se proposant comme une approche historique avec instruments anciens associée à une rhétorique parfaitement digérée et totalement au service du propos et de l’émotion. Peut-être le parcours atypique d’Elizabeth Watts lui a-t-il permis de ne pas plonger dans une norme baroquiste par trop stéréotypée et lui a donné le recul nécessaire pour revivifier son interprétation en allant au cœur même du texte.
On attend avec impatience les prochains enregistrements de l’artiste !
À noter : Ce SACD hybride est compatible avec tous les lecteurs de CD. Pour bénéficier des pistes multicanales et stéréo encodées en DSD, il faut utiliser un lecteur SACD.
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Jérémie Noyer