Dès les premières images, le Montmartre chanté et dansé de Dominique Delouche nous plonge dans un univers à mi-chemin entre la fantaisie musicale poétique et une réalité du quotidien et des sentiments.La mise en place d'une tension vient rapidement ponctuer le ballet des colleurs d'affiches à la gloire de la star Marion Renoir : une jeune femme la déteste et les arrache avec haine.
Très vite la tension recule grâce à un savant dosage de bonne humeur et d'humour.
Ce contraste est un peu à l'image de tout le film qui navigue avec musicalité entre profondeur des sentiments, des émotions, et légèreté de la narration.
Olivier chante dans sa chambre dont les murs sont recouverts de portraits de la star totalement sacralisée.
On peut d'ores et déjà attester du soin apporté à l'écriture des paroles.
Jean-Pierre Ferrière manie parfaitement une forme de poésie faite de richesse de vocabulaire, de rimes qui tombent bien sans alourdir le discours et participent à un dépassement de la réalité qu'expriment le plus souvent les images.
Il faut dire que les cadrages sont parfaits et la caméra devient musique lorsqu'elle suit Danielle Darrieux dans sa loge de star, après une énième représentation de Ruy Blas.
Dès qu'elle se met à chanter - fort bien, au demeurant -, la magie opère au point que l'intrusion de la parole chantée semble aller de soi, parfois même mieux que les dialogues parlés qui n'ont pas la même grâce.La musique signée Bernard Lelou et Jean Claudric n'accroche pas toujours notre intérêt, il est vrai peu sollicité par une qualité de son assez pauvre.
Pourtant, certaines interventions chantées sont joliment écrites et quelques fines mélodies emportent l'adhésion.
Danielle Darrieux se montre très à l'aise dans un registre fait tout autant de gravité que de distance masquant la profondeur.
Elle négocie avec naturel les transitions des dialogues aux chansons et sa présence à l'écran se pare de l'envie de filmer du réalisateur qui lui sied particulièrement bien.
Dominique Delouche surprend souvent par ses trouvailles visuelles : le miroir de la loge de Marion Renoir, transparent afin de pouvoir filmer au travers ; le jeune Olivier projeté dans une réalité rendue magique avant sa rencontre avec la star qui s'est enlaidie ; des jeux de lumière sophistiqués…
Le miroir joue du reste un rôle important.
Car c'est aussi face à lui qu'une dimension dramatique s'installera dans cette même loge aux deux tiers du film.
Réalité et théâtre s'imbriquent parfaitement dans Divine.
La frontière entre les deux vole du reste plus d'une fois en éclat grâce à une mise en scène astucieuse qui enrichit l'intérêt porté au mélodrame.Georgette Plana dans le rôle de femme à tout faire au grand cœur se montre excellente de naturel et d'humanité face aux excentricités d'une Danielle Darrieux dont elle incarne l'intelligent contrepoids.
Jean Le Poulain, dans le rôle de l'agent excentrique, joue dans sa catégorie de prédilection : le burlesque poussif. Son personnage est sans doute le moins intéressant de la distribution qui, globalement, se montre plus habile dans la fantaisie et la profondeur.
Pourtant, un plan nous montre le visage du comédien paré d'une gravité saisissante, avant qu'il ne surjoue à nouveau le reste du film.
En revanche, les passages chantés lui conviennent très bien.
La chorégraphie de Norbert Schmucki sert plutôt bien le sujet.
Mais on regrettera le peu d'inspiration, voire de soin, apporté au ballet final et à ses costumes colorés très marqués années 1970.
Heureusement, une note mélancolique nous cueille après cette déception et nous rapproche de la solitude superbement filmée de Marion Renoir.
Voici un bien joli film musical à redécouvrir ou à découvrir.
Danielle Darrieux y est tout simplement… Divine.
Philippe Banel