Sur la toute petite scène du Teatro Verdi de Busseto, le metteur en scène Lamberto Puggelli s'est attaché à conserver le contexte historique du poème de Lord Byron qui a servi à l'élaboration du livret du Corsaire. Cependant Verdi n'a pas porté une attention soutenue à son œuvre, née pendant ses "années de galère", trois ans avant Rigoletto. D'une durée particulièrement courte au vu du corpus verdien, Le Corsaire possède toutefois de beaux moments visuels traités ici avec sobriété par le metteur en scène. Les lumières d'Andrea Borelli soutiennent puissamment les beaux costumes dessinés par Vera Marzot. Par exemple, les couleurs du harem à l'Acte II chatoient, tandis que les noirs profonds du début du dernier Acte rappellent les contrastes caravagesques pour accompagner le plus intense moment de chant de toute l’œuvre.
Du côté des rôles principaux, l'"Eccomi prigioniero!" retenu à l'Acte III par un Bruno Ribeiro entravé ne laissera pas indifférent. Le ténor qui tient le rôle-titre possède un émission très assurée et sa projection se montre constamment efficace. Son allure volontaire et puissante réussit à faire de son Corrado une vraie réussite.
Luca Salsi, dans le rôle du pacha dominateur Seid, parvient presque à lui voler la vedette en dépit d'une présence sur scène de moindre durée. Le baryton ne semble pas avoir de limites et soutient avec énergie et engagement toutes ses interventions.
Les deux rôles féminins sont tenus par des sopranos.
Medora, l'amante du Corsaire que le livret éloigne de l'Acte II, est chantée par Irina Lungu. La chanteuse assure ici une très belle prestation par la netteté, la tenue et l'extension de ses possibilités vocales, alliées si besoin est à une puissance d'émission non négligeable. Sa dernière note lancée fortissimo tiendra tête à tout l'orchestre.
Sa "rivale" Gulnara, favorite du pacha mais attirée par le Corsaire, voit en Silvia Dalla Benetta une concurrente de taille qui bénéficie de la primauté de la présence en scène et se montre tout aussi en voix d'une façon régulière.
Sous la direction de Carlo Montanaro, très au fait d'une partition dont il ne cherche pas à forcer les effets au regard de la salle, et avec une scénographie elle aussi en accord avec l'espace qui lui est dévolu, ce Corsaire nous fait passer un agréable moment opératique. On sera même assez étonné de trouver une distribution de cette qualité dans un opéra qui n'est pas un chef-d’œuvre. Ceci étant, notre intérêt pour cette partition s'en trouve particulièrement rehaussé et fait que ce Corsaire, sans hésitation, s'intègre avec panache dans l'intégrale Tutto Verdi proposée par C Major.
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Nicolas Mesnier-Nature