À l'origine, Pierre et le loup n'est pas un ballet mais un conte musical pour enfants. Pourtant, le chorégraphe Matthew Hart réussit à nous convaincre en trente minutes du bien-fondé de sa démarche et la modernisation ne nuit aucunement à l'ambiance attachée à l'œuvre. Sur le plan théâtral, un fond de scène sobre et toujours délicatement coloré se montre idéal pour faire ressortir les costumes inventifs de Ian Spurling. L'action se situe dans les temps modernes, mais un modernisme issu du monde des dessins animés ou de la bande dessinée enfantine. Les personnages sont clairement identifiés par leurs attributs naturels mais une touche de fantaisie bienvenue les rend attachants : un nœud papillon rose posé sur un plastron blanc pour le chat, une paire de lunettes rondes et rouges "à la Harry Potter" pour Pierre, des cheveux et une barbe bleutée pour le grand-père.
Mais, plus encore, le chorégraphe sait ajouter une autre dimension visuelle à l'histoire en confiant à des groupes de danseurs la figuration de décors mouvants. La prairie, la mare, la forêt et le mur sont ainsi créés de façon originale devant nos yeux, et les effets sont très réussis, comme ces ballerines bleues illustrant le monde aquatique.
Un autre parti pris intéressant se retrouve dans la figure du narrateur. Originellement présent en voix off, il fait ici partie intégrante de l'action et joue le rôle du grand-père tout en contant l'histoire* sur scène. Seul adulte de la distribution, avec le personnage du loup, sa déclamation sait rester sobre et la présence scénique est aussi peu caricaturale que possible.
* Anglais sous-titré en français.
Tous les interprètes enfants sont des élèves de la Royal Ballet School, et leur fraîcheur naturelle fait merveille dans l'agilité insouciante de l'oiseau, la naïveté maladroite du canard, la souplesse dangereuse du chat et la spontanéité audacieuse de Pierre. Aux côtés de ces jeunes danseurs, le loup de Sergei Polunin joue à fond l'agressivité inquiétante, grâce à une gestuelle et des déplacements très en rapport avec l'imagerie associée au prédateur. Mais contrairement au récit originel, ce loup ne se fera pas attraper par la queue !
L'accompagnement musical du Royal Ballet Sinfonia dirigé par Paul Murphy respecte la petite orchestration de Prokofiev et apparaît idéal et parfaitement accordé à l'esprit du conte.
Cette production de Pierre et le loup mérite au final tous les éloges car la qualité de ses interprètes, de la chorégraphie et des costumes aboutit à un spectacle à la fois ludique et coloré… Et, à la fin de la représentation, lorsque le loup se présente à l'avant-scène pour être applaudi, que croyez-vous qu'il arrive ?
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Nicolas Mesnier-Nature