Dans le monde compartimenté qui est le nôtre, peu de compositeurs de musiques de film peuvent se targuer de se sentir aussi bien dans un studio d'enregistrement hollywoodien que dans une salle de concert classique, voire une boîte de jazz.
John Williams est de ceux-là. Non seulement parce qu'il compose dans les deux univers, mais également parce qu'avec lui, les deux univers co-existent totalement. En effet, si ses musiques de film empruntent largement à Stravinsky, Richard Strauss, Tchaïkovsky ou encore Prokofiev, sa musique de concert se fait volontiers narrative ou descriptive.
Témoin ce merveilleux Soundings qui résonne ici une fois encore dans le Walt Disney Concert Hall qu'il avait inauguré. Cette pièce remarquable raconte ce foisonnement d'expériences sonores tandis que l'orchestre, dans sa diversité, prend possession de ce qui était alors, en 2003, son nouveau lieu d'expression.
On pourrait toujours discuter les œuvres choisies pour le présent hommage tant l'œuvre de John Williams est foisonnante, mais le fait est que la diversité est encore le maître-mot du programme : fanfare, musique contemporaine, concerto pour violon, jazz, musique chorale et musique symphonique. Par ailleurs, aucun temps mort dans cette sélection musicale rehaussée par quelques images-clés des films cités projetés sur grand écran au-dessus du Los Angeles Philharmonic.
Si Gustavo Dudamel semble un peu moins à l'aise avec la musique composée pour le film Catch me if you can, légèrement scolaire malgré les excellents musiciens de jazz invités, il impose pour le reste son style à cette musique et contredit les esprits chagrins qui ne voient qu'uniformité chez les musiciens d’orchestre américains. Le simple fait d'inviter John Williams à prendre lui-même la baguette pour la Marche impériale de Star Wars en bis nous fait mesurer l'écart d'interprétation entre les deux chefs.
À John Williams l'exactitude, l'exigence de chaque pulsation, la précision et même la rigueur par endroits. À Gustavo Dudamel une forme de lyrisme principalement axé sur des cordes souples, mais extrêmement denses quitte à apporter parfois un rien de lourdeur. Le chef prend le temps d'écouter, de donner corps au son, tout en accordant sa confiance, en particulier aux cuivres, assez autonomes.
C'est ainsi qu'on trouvera The Throne Room, également tiré de Star Wars, moins héroïque qu'attendu, et surtout une Liste de Schindler un rien hédoniste à défaut de magique, sans que cette remarque soit pour autant dépréciative. Du reste, on appréciera le fait que le chef ne cherche pas à imiter ce que nous avons tous à l'oreille via les disques, ce qui constitue finalement le plus bel hommage : interpréter Williams au même titre que Mozart ou Stravinsky…
Au final, plus encore que Star Wars, mis en scène à grand renfort de Stormtroopers, on retiendra le chœur d'Amistad, qui constitue assurément le climax émotionnel de cette soirée, tant cette musique, belle dans sa simplicité, se trouve magnifiée par le chant poignant du Los Angeles Children's Chorus .
Un concert incontournable, à la croisée des chemins, dans une galaxie pas si éloignée que cela !
Lire le test du DVD A John Williams Celebration
Jean-Claude Lanot