Certes avec des solistes, un orchestre et un chœur différents de la présente captation, il reste intéressant de comparer à cette captation vidéo la version gravée sur CD de la Missa Solemnis de Beethoven pour Teldec dans les années 1990 par Harnoncourt. En vingt ans, Nikolaus Harnoncourt a développé une affinité avec d'autres répertoires et a mûri son langage musical. Un simple coup d’œil sur la durée nous donne une bonne base de départ : d'environ 80' en 1990, on arrive en 2012 à près de 100'. Comme la majorité de ses confrères, Harnoncourt a appris la lenteur. Mais peu importe, d'ailleurs, qu'il s'étende davantage, car l'essentiel réside dans le contenu musical. On sait le chef grand directeur d'art lyrique, mais aussi pionnier dans la musique religieuse, notamment celle de Bach. Avec le dynamisme, le phrasé, les chocs quelquefois brutaux des interprétations anticonformistes qui ont fait sa réputation dans ce répertoire, la Missa Solemnis pouvait offrir au Maestro l'opportunité de conjuguer hardiment théâtre et église. Or Harnoncourt se tourne désormais davantage vers la seconde que le premier.
Une sorte de sagesse qu'il n'est pas interdit de mettre en rapport avec le poids des ans domine cette Missa Solemnis, et le contenu humaniste de l’œuvre, plus que l'aspect purement sacré, ressort de manière continuelle sans toutefois l'effacer complètement. Beethoven n'a pas confié de position prédominante au quatuor de solistes - Marlis Petersen, Elisabeth Kulman, Werner Güra et Gerald Finley - et chaque type de voix s'intègre, sans se mettre en avant, à l'imposant Netherlands Radio Choir qui se trouve derrière lui. Sans estrade et sans baguette, Harnoncourt, qui marque de longues pauses assises entre les parties, garde une énergie qui lui est propre, une gestique tempérée compensée par un regard exophtalmique qui doit exercer son effet sur tous les musiciens. Il terminera visiblement très fatigué ce concert.
Nikolaus Harnoncourt connaît bien le Royal Concertgebouw Orchestra pour avoir réalisé avec lui de superbes enregistrements, et il parvenait autrefois à en tirer une couleur tout autre que celle de Bernard Haitink, par exemple. Cet art miraculeux du son a également évolué vers la tempérance et aboutit à davantage de rondeur (ce que possèdent naturellement les musiciens du Royal Concertgebouw Orchestra) et de raffinement. La partie soliste du Sanctus qui transforme la Messe en véritable concerto pour violon baignera dans cette tranquillité, cette sagesse et cette gestion du temps qui illustrent si bien la symbolique de ce mouvement. Les intrusions militaires impromptues de l'Agnus Dei interviendront dans l'allusion, et tout se terminera avec douceur, accompagné du silence recueilli de la salle.
Aucune déception à l'écoute de cette Missa Solemnis de la maturité, née du mariage entre une forme de dépoussiérage musicologique et un respect à la fois spirituel et humaniste.
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Nicolas Mesnier-Nature