Tutti-magazine : Vous avez débuté vos études musicales à l'Université de musique de Kunitachi, au Japon. Comment le chant est-il entré dans votre vie ?
Yusuke Kobori : J'avais 18 ans et je vivais alors à Fukushima. J'étais attiré par le chant et j'ai fait part à mon professeur de musique du lycée où j'étudiais de mon envie d'entrer dans une école de musique où je pourrais réellement apprendre à chanter. Il m'a répondu que je montrais de bonnes dispositions mais qu'il lui semblait difficile de pouvoir préparer l'examen d'entrée pendant l'année en cours. C'est donc l'année suivante que je me suis présenté à l'Université de musique de Kunitachi, à Tokyo. Et à ma grande surprise, j'ai été retenu !
Quel est votre premier souvenir de chanteur sur scène ?
Je pense spontanément à une production de Cosi fan tutte dans le cadre de mes études. Je chantais le rôle de Ferrando et j'étais particulièrement nerveux car c'était la première fois que je devais interpréter l'intégralité du rôle en scène. Me voyant aussi agité, mon professeur de chant s'est approché de moi pour me dire : "Calme-toi, nous avons parfaitement préparé ce rôle ensemble. Maintenant, détends-toi car le moment est venu de jouer. Profites-en !". Cette phrase a été d'une importance capitale car elle m'a beaucoup aidé. Sans doute ai-je commis quelques erreurs, mais le fait est que j'ai vraiment expérimenté ce qu'est de jouer un rôle. Mon professeur de chant, Mr. Kei Fukui, est un des chanteurs d'opéras les plus célèbres du Japon. Je lui dois beaucoup et je tiens à le remercier pour tout ce qu'il m'a apporté.
De 2011 à 2015, on vous retrouve successivement dans deux opéras studios de Tokyo : l'opéra-studio de Tokyo Nikikai, puis celui du Nouveau Théâtre national de Tokyo…
Le passage par le système de l'opéra-studio est important pour les jeunes chanteurs dont l'objectif est de devenir professionnels. Personnellement, j'y ai appris beaucoup. Par exemple, des techniques de chant et de théâtre, mais aussi des langues étrangères afin de pouvoir communiquer dans plusieurs pays. L'opéra-studio donne aussi la possibilité de chanter quelques rôles sur scène. En trois ans, celui du Nouveau Théâtre national de Tokyo m'a confié six rôles dans des productions avec orchestre. C'est aussi ce qui m’a permis de rencontrer Sergio Bertocchi, un excellent professeur de chant italien avec lequel j'ai eu la possibilité de travailler. Si de jeunes chanteurs me questionnent sur mes années d'opéra-studio, je leur dirai sans hésiter que les expériences auxquelles on participe sont de celles qui permettent ensuite de se lancer dans une carrière.
Avez-vous trouvé facilement votre répertoire vocal ?
Oh non, cela a même été difficile ! Au cours de mes premières années d'apprentissage, je crois avoir fait subir de bien pénibles moments aux murs des salles de chant qui m'accueillaient ! Je chantais alors Verdi, Puccini, Richard Strauss et bien d'autres. Ces répertoires étaient riches et dramatiques, certes, mais ils n'étaient pas pour moi car ils ne correspondaient pas à mon type de voix… Puis ma rencontre avec Sergio Bertocchi a été déterminante : "Tu devrais chanter Rossini, cela te va bien !". C'est lui qui m'a orienté vers l'Académie Rossini de Pesaro que j'ai pu rejoindre au terme de trois années d'opéra-studio. Il est très important de trouver un bon professeur qui sache vous entendre et qui connaisse parfaitement le répertoire afin de pouvoir vous orienter. Sergio Bertocchi a joué ce rôle pour moi et je lui en suis reconnaissant. C'est un homme que j'apprécie beaucoup.
Vous avez fait plusieurs prises de rôles au Nouveau Théâtre national de Tokyo. Quelle a été l'expérience la plus marquante ?
Pour ma dernière année d'opéra-studio, j'ai chanté Don Alberto dans l'opéra de Rossini L’Occasione fa il ladro. J'avais déjà décidé de me présenter à l'audition de Pesaro l'année suivante, aussi, à la simple idée de chanter Rossini, je sentais l'énergie monter en moi. Je n'ai alors cessé de travailler et de retravailler avec Sergio Bertocchi tous les aspects techniques de la vocalité de l'écriture rossinienne : "Agilita", "Trillo", "Mezza di voce", etc. C'est l'intensité de cette préparation qui m'a permis, l'année suivante, de me présenter à l'audition de Pesaro.
Vous avez terminé d'étudier à Pesaro en août dernier. Qu'est-ce que votre séjour à l'Académie Rossini vous a apporté ?
Tant de choses ! Chaque jour passé à Pesaro me réservait son lot de surprises. Il y a là-bas une Fondation et une Association Rossini dont les membres sont à la fois remplis d'amour envers le compositeur et particulièrement puissants. Je pense en particulier au chef d'orchestre Alberto Zedda. Il est décédé en mars dernier mais, de son vivant, il était le plus jeune membre de l'Académie. Avec de telles personnalités, le terme "passion" prend tout son sens. Nous, étudiants, avons eu la chance de le rencontrer et je peux témoigner de son profond amour pour Rossini et sa musique. Il savait tout et pouvait parler de n'importe quel sujet lié au compositeur et à son œuvre…
À Pesaro, je me suis fait de nouveaux amis, tous très motivés par l'apprentissage de la musique vocale, et bons connaisseurs des opéras de Rossini.
Puis vous avez interprété les rôles de Don Luigino et du Comte Libenskof dans "Le Voyage à Reims". Quels souvenirs gardez-vous de cette production donnée au Théâtre Rossini ?
C'est un souvenir mémorable. Le premier soir, j'interprétais effectivement Don Luigino, et le second, le Comte Libenskof, qui m'a apporté un grand succès. Rendez-vous compte que, alors que j'étais encore au Japon, je m'imaginais déjà jouer ce rôle sur la scène du Théâtre Rossini ! Bien sûr, mon imagination ne me permettait pas de me projeter sur cette scène avec précision mais, croyez-moi, lorsque je me suis retrouvé devant l'orchestre j'ai compris qu'un rêve était en train de se réaliser. Dans Le Voyage à Reims, le baryton William Hernandez chantait le rôle du Baron Trombonok. Lors des répétitions sur scène, il essayait de me déconcentrer et de me faire rire en prenant une toute petite voix ! C'est vraiment quelqu'un de très agréable, et un de mes bons amis.
Rendez-vous compte que, alors que j'étais encore au Japon, je m'imaginais déjà jouer ce rôle sur la scène du Théâtre Rossini ! Bien sûr, mon imagination ne me permettait pas de me projeter sur cette scène avec précision mais, croyez-moi, lorsque je me suis retrouvé devant l'orchestre j'ai compris qu'un rêve était en train de se réaliser. Dans Le Voyage à Reims, le baryton William Hernandez chantait le rôle du Baron Trombonok. Lors des répétitions sur scène, il essayait de me déconcentrer et de me faire rire en prenant une toute petite voix ! C'est vraiment quelqu'un de très agréable, et un de mes bons amis. Je suis très heureux à la perspective de chanter avec lui prochainement pour les Estivales de Musique en Médoc.
Quels rôles vous attirent pour le futur ?
J'aimerais chanter un jour le rôle du Conte Almaviva dans Le Barbier de Séville, avec l'aria finale. Mais, pour le moment, je me concentre sur les opéras seria de Rossini, comme par exemple le rôle d'Idreno dans Sémiramide. J'espère vraiment avoir l'occasion de chanter tous les rôles possibles dans les opéras de Rossini.
Vous avez déjà reçu plusieurs prix de chant. Vous préparez-vous encore à d'autres concours ?
Tout à fait, je vais tenter le Concours international de chant Francisco Vinas, à Barcelone
Le 5 juillet, on va donc vous retrouver au Château Loudenne, dans le Médoc, où vous chanterez avec votre ami le baryton William Hernandez. Qu'allez-vous proposer au public ?
Ce concert est, en ce qui me concerne, à marquer d'une pierre blanche car c'est la première fois que je vais chanter en France. Et ce sera effectivement au Château Loudenne, à Saint-Ysans de Médoc… Ce récital sera placé sous le signe du vin ! Raison pour laquelle nous interpréterons de nombreuses pièces dont le thème est le vin ou l'alcool. Dans ce programme, j'aurai le plaisir de chanter "Ecco ridente in cielo" du Barbier de Séville et le duo avec Figaro "All’idea di quell metallo". William est Costaricain, aussi nous chanterons quelques extraits de Zarzuelas. J'espère que notre programme plaira car nous allons tout faire pour que règnent la musique et la passion de la jeunesse !
Propos recueillis par Philippe Banel
Le 2 mai 2017