Interviews

Interview de Xavier de Maistre, harpiste

Xavier de Maistre.  © Felix Broede

Le harpiste Xavier de Maistre nous avait conquis il y a quelques mois dans son fabuleux duo avec la soprano Diana Damrau paru en DVD. Nous le retrouvons aujourd'hui pour un beau disque Mozart édité par Sony Classical, aboutissement musical de diverses attentes que le musicien nous révèle. L'occasion également, pour nous, de l'interroger sur l'évolution possible de la harpe, sa vision de l'enseignement et ses désirs d'interprètes…

 

Tutti-magazine : Vous avez enregistré votre nouveau disque consacré à Mozart dans la grande salle du Mozarteum de Salzbourg. Si vous vous projetez dans l'ambiance de cet enregistrement réalisé en février 2013, quels souvenirs conservez-vous ?

Xavier de Maistre : C'était pour moi un vrai rêve d'enregistrer cet album à Salzbourg. J'ai fait partie durant 10 ans du Philharmonique de Vienne et nous venions chaque été à Salzbourg. Ces séjours ont fait naître en moi l'idée que, lorsque le jour d'enregistrer le Concerto pour flûte et harpe serait venu, ce serait dans la salle du Mozarteum. Cette salle est magique et je mesure ma chance d'avoir pu y concevoir ce disque. Habituellement, deux heures sont nécessaires pour régler la balance avec l'orchestre et là, vingt minutes ont suffi ! Le Mozarteumorchester Salzburg connaît parfaitement sa salle, ce qui change beaucoup de choses. Quant à la ville, elle respire Mozart. Impossible d'échapper à un petit "Mozart" à chaque coin de rue, ce qui frise sans doute le kitch, mais il est indéniable qu'on ressent quelque chose. Lorsque je me suis retrouvé dans la grande salle du Mozarteum, avant l'arrivée de cet orchestre qui connaît Mozart de long en large, l'émotion était assez particulière…Cliquer pour commander le CD de Xavier de Maistre consacré à Mozart…

Les chanteurs apprécient généralement les acoustiques qui leur permettent un retour de leur voix. Vous servez-vous aussi du retour du son de la harpe pour ajuster votre dynamique ?

Sur le plan acoustique, il est toujours plus facile de jouer dans une salle qui vous renvoie une certaine forme de réverbération car cela permet des ajustements en fonction de ce retour. En studio, l'acoustique est très sèche et la réverbération est ajoutée après coup. Il est certain que les moyens techniques dont nous disposons aujourd'hui sont infinis et, à l'étape du mastering, il est tout à fait possible de "faire le son". Mais, indépendamment du fait que je prends bien plus de plaisir à jouer sur scène qu'en studio, je préfère un son naturel au travail de l'ingénieur du son, quand bien même il parvient généralement à un résultat très satisfaisant. Je crois que j'ai rarement pris autant de plaisir que durant ce dernier enregistrement justement en raison de l'acoustique de la salle, de cette possibilité de me projeter dans une situation de concert et d'oublier de temps en temps qu'une multitude de micros pendaient partout.

 

Xavier de Maistre.  © Felix Broede




La harpe, comme la guitare, peut engendrer des bruits parasites. Votre enregistrement n'en contient pas. Portez-vous une attention particulière à cela ?

C'est une exigence énorme de ma part. Du reste, les micros sont placés tellement près de la harpe qu'il est quasiment impossible de gommer ces bruits au montage. Généralement, je suis d'ailleurs tellement obsédé par ces bruits parasites - le toucher sur la corde ou les bruits de pédales - que je me trouve toujours agréablement surpris de constater une très grande pureté de son lorsque j'enregistre. Cela a toujours été le problème du harpiste qui se trouve face à un instrument avec lequel il entretient un contact direct. Éviter les bruits parasites demande une attention constante et une grande propreté de travail.

Pour ce programme consacré à Mozart, vous avez vous-même arrangé pour la harpe le Concerto pour piano No. 19 et la Sonate pour piano No. 16. De quelle nature sont ces arrangements ?

Contrairement à mon disque consacré à Vivaldi et aux compositeurs vénitiens, lequel avait demandé un vrai travail d'adaptation pour passer d'un instrument monodique à l’instrument polyphonique qu'est la harpe, pour les œuvres de Mozart, je joue la partie de piano quasiment telle quelle. J'avais déjà procédé ainsi il y a quelques années pour mon disque consacré à Haydn. Sur la totalité du Concerto No. 19 de Mozart, il doit y avoir au maximum dix mesures sur lesquelles j'ai apporté quelques modifications en raison d'un chromatisme trop rapide qui n'était pas réalisable à la harpe, ou pour transposer un passage une octave plus haut afin d'éviter des bruits ou un côté un peu brouillon venant d'une articulation moins claire. Rien d'autre n'a été modifié par rapport au texte original. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une version pour la harpe.

 

Le harpiste Xavier de Maistre photographié par Felix Broede.  D.R.

Dans le livret qui accompagne le disque, on parle de la tessiture haute de la harpe qui sonne avec clarté et précision. Êtes-vous confronté à un registre médium un peu mou et plus ingrat, comme les violonistes ?

Le médium de la harpe est beaucoup moins brillant, plus mat qu'au piano, pour vous donner un exemple. Cette tessiture n'est pas équilibrée. De la même manière, lorsqu'on écoute la harpe, on a très souvent l'impression qu'il y a un manque de basses. Dans le médium et le grave, l'instrument a un problème de netteté et d'articulation. Les cordes sont très longues, avec un faisceau de vibration assez important, ce qui ne permet pas au harpiste d'obtenir le même impact que dans l'aigu où il bénéficie d'une projection bien supérieure. Il est donc nécessaire de travailler à rééquilibrer cela. Pour revenir au Concerto, je l'ai justement choisi car quasiment toute l'œuvre se joue dans la tessiture haute, ce qui n'engendre aucun problème d'équilibre avec l'orchestre. Lorsque je descends dans le médium-grave, je suis couvert par l'orchestre. C'est le même problème qu'au violon. La harpe brille vers le haut et, plus on descend, plus on tend vers un son plus amorti, étouffé. Cela peut être intéressant dans certaines pièces mais c'est un problème lorsqu'on joue avec un orchestre.Le harpiste Xavier de Maistre.  © Uto Titz

Si la harpe pouvait évoluer, pensez-vous que ce serait à ce niveau que des progrès pourraient être accomplis ?

Plusieurs tentatives ont été faites. Le système de pédales peut aussi se montrer un peu handicapant et limité au niveau des chromatismes. Des programmes informatiques ont été ainsi créés dans le but de prérégler les pédales. Mais cela prive ensuite de toute marge de manœuvre pour revenir en arrière ou corriger, ce qui est très dangereux. À mon avis, c'est sans doute au niveau des cordes qu'une évolution peut être attendue afin de proposer une alternative aux cordes en boyau qui posent des problèmes au niveau de l'accord et qui peuvent avoir tendance à casser. On étudie des pistes avec des matières synthétiques qui pourraient peut-être également apporter plus de brillance au médium. Ceci étant, au niveau de la construction, la harpe en bois est arrivée à maturité. Il y a bien eu des essais avec des matériaux composites, mais ils n'ont pas été concluants au niveau du son. La harpe, aujourd'hui, est malgré tout un instrument fiable sur le plan technique, qui est capable d'une belle projection. Lorsque je joue dans de très grandes salles, le son de mon instrument parvient à passer. C'est réellement au niveau des cordes que le progrès est attendu car les harpistes seraient heureux de ne plus être confrontés aux problèmes d'accord et à la sensibilité aux variations de température

Sur quelle harpe avez-vous enregistré le disque consacré à Mozart ?

Sur une harpe américaine Lyon & Healy, la marque leader sur le marché à l'heure actuelle. Je joue sur des harpes très récentes, justement pour des raisons de bruits et de fiabilité technique. Dès que les instruments commencent à vieillir un peu au niveau mécanique, c'est comme pour les pianos, il commence à y avoir un petit peu de jeu et le réglage devient beaucoup plus délicat.

Vous avez enregistré le Concerto pour flûte et harpe avec Magali Mosnier. Est-elle la flûtiste que vous attendiez pour cette pièce ?

Lorsque j'ai rencontré Magali, dès la première fois où nous avons joué ensemble, j'ai tout de suite accroché car elle fait passer la musique en premier. Avec elle, ce n'est pas la flûte qui est mise en avant, ce qui est particulièrement important dans un dialogue qui peut être desservi par un problème d'ego, mais tout est placé au service de la musique, du chant. Nous venons de parler des bruits parasites, eh bien je trouve chez elle une pureté de son et une vraie humilité devant la musique. Pour cet enregistrement, j'attendais bien sûr de trouver la flûtiste, mais aussi de réunir des conditions tout aussi importantes à mes yeux : pouvoir choisir la salle, l'orchestre et le chef. Car il ne faut pas oublier que le Concerto pour flûte et harpe est le seul concerto à avoir été enregistré avec de grands chefs tels Karajan ou, plus près de nous, Harnoncourt. C'est la seule pièce que les organisateurs de concerts ont à l'esprit quand on leur parle de harpe ! Mon enregistrement devait donc apporter quelque chose. En outre, je voulais que ce concerto entre dans un concept de disque de harpiste et non de celui d'un disque de flûtiste, comme cela a toujours été le cas par le passé. Avant de proposer mon Concerto de flûte et harpe, il était important pour moi de m'être fait un nom sur d'autres enregistrements et être connu comme un soliste à part entière.

 

Xavier de Maistre.  © Sony Clasical

Vous aviez déjà joué ce concerto avec Magali Mosnier avant l'enregistrement ?

Quelques fois, mais c'est de toute façon une œuvre que je joue très rarement. Ce n'est pas forcément le concerto le plus intéressant pour la harpe et, généralement, je refuse. Cela devait faire 6 ou 7 ans que je ne l'avais pas vraiment joué, et cet enregistrement m'a permis de retrouver une certaine fraîcheur. En tout cas, je l'ai abordé avec des oreilles vierges et sans a priori. J'ai également essayé de faire abstraction de tout ce que j'avais pu entendre auparavant, mais aussi d'éviter tout romantisme et tout maniérisme. Je me suis inspiré de ce que j'ai appris ces dernières années en travaillant avec des instruments anciens. La vague baroque nous a aidés à dépoussiérer ce côté un peu conservateur et lourd qui marque ce genre de répertoire. Ainsi, je suis très heureux d'avoir pu repenser toutes les appoggiatures, toutes les petites notes, de manière plus courte et d'essayer de ne jamais laisser les tempi s'enliser afin d'obtenir plus d'allant. C'est en tout cas ce qui me tenait à cœur et c'est précisément pour cette raison que j'ai choisi d'enregistrer avec Ivor Bolton. Ce chef vient de la musique ancienne mais travaille avec des orchestres jouant sur instruments modernes. Cette approche m'intéressait. Je pense du reste qu'on n'est pas obligé de jouer sur des instruments anciens pour retrouver une authenticité au niveau du phrasé et de l'esprit de la musique.

D'une façon plus globale, votre trajectoire de musicien est-elle jalonnée d'œuvres que vous considérez comme des étapes à franchir le moment venu ?

Je fonctionne par projets. Il est vrai que je me situe un peu en décalage car je travaille en ce moment sur la genèse de mon prochain projet, alors que je joue actuellement le programme Mozart. Je reconnais que cette situation a quelque chose de schizophrénique ! Mais ce qui me passionne, c'est de choisir le thème sur lequel je vais travailler. J'ai la chance d'avoir une maison de disques qui me suit et me permet de réaliser mes rêves, ce qui n'était pas gagné au départ. Je m'efforce toujours de ne pas me laisser enfermer dans un répertoire ou dans une case comme celle du Baroque quand j'enregistre Vivaldi, ou comme celle du harpiste classique ou virtuose. J'évite, toutefois, d'avoir l'air de papillonner. Le fait que je sois quelqu'un de très organisé me permet de structurer mes envies. Le harpiste ne dispose pas non plus d'un répertoire infini, aussi, je dois me montrer économe quant aux projets que je propose. Quoi qu'il en soit, il y a une vraie réflexion derrière mes choix. Je reconnais également que c'est une chance de me retrouver face à des producteurs qui ne connaissent pas le répertoire pour harpe. Je mûris généralement mes projets avant de leur soumettre et ils sont généralement validés. J'ai cette grande chance de ne pas me voir imposer ce que je dois faire !

Discographie de Xavier de Maistre chez Sony Classical.

Plutôt que d'utiliser les cadences déjà existantes, vous avez confié celles du Concerto pour flûte et harpe à Sylvain Blassel. Doit-on y voir un désir de personnalisation ?

Je n'étais pas satisfait de ce qui existait. Ces cadences étaient soit totalement conventionnelles et sans intérêt, soit en dehors du style. Je les ai toutes regardées. Il y avait bien sûr, parfois, certaines choses intéressantes mais, je ne voulais pas faire comme certains collègues qui ont réalisé une sorte de patchwork en rassemblant différentes idées. Sylvain est un confrère pour lequel j'ai la plus haute estime. Il est également professeur d'analyse et sa culture musicale est tout à fait étonnante pour un harpiste, ce qui n'est pas la règle ! Je lui ai demandé s'il acceptait de se lancer dans cette aventure et il s'est montré très enthousiaste. Mais ça n'a pas été facile non plus pour lui car il avait dans l'oreille toutes les cadences que je connaissais aussi. Il a pourtant réussi à ne faire aucune citation tout en nourrissant son écriture de nombreux éléments originaux qui apportent une vraie fraîcheur tout en restant absolument dans le style. Les cadences qu'il a composées évitent habilement de sonner XIXe siècle ou d'utiliser des modulations hasardeuses. Je les trouve absolument étonnantes et, partout où nous les avons jouées en concert, elles ont reçu un très bel accueil.

Vous jouez donc à nouveau le Concerto pour flûte et harpe en concert…

Absolument, et une très grande tournée de 15 ou 16 concerts m'attend avec l'Academy of St Martin-in-the-Fields. J'alternerai le Concerto No. 19 couplé avec le Concerto pour flûte et harpe de Mozart ou le Concerto pour harpe de Parish Alvars.

 

Xavier de Maistre et Diana Damrau.  © Virgin Classics

 

 Diana Damrau et Xavier de Maistre.  D.R.

En 2008 sortait le disque Nuit d'étoiles dans lequel vous accompagniez Diana Damrau dans des mélodies de Debussy. Vous l'avez ensuite retrouvée pour former un duo dédié aux mélodies de Strauss. Que pouvez-vous dire de cette collaboration ?

Cliquer pour lire la critique du concert de Diana Damrau et Xavier de Maistre en DVD…Diana et moi nous sommes rencontrés il y a quelques années à Salzbourg, un peu par hasard. À cette époque, j'étais dans l'orchestre, et elle n'était pas aussi connue qu'elle l'est devenue par la suite. Nous avons sympathisé et avons essayé deux ou trois choses, très simplement, pour nous amuser… Tout de suite, une vraie complicité s'est mise en place. Diana est une musicienne douée d'une grande curiosité, en particulier pour la musique française avec Debussy, Duparc et Chausson. Elle chante beaucoup de choses très bien mais je trouve que Strauss lui convient de façon extraordinaire. De mon côté, c'est un répertoire que j'adore, et je pense que la harpe est à même de recréer une réelle dimension symphonique.
Accompagner une grande chanteuse a toujours été un rêve. À l'adolescence, j'écoutais beaucoup aussi bien l'opéra que les lieder de Brahms ou de Schumann. De plus, j'aime accompagner. Porter une voix aussi exceptionnelle que celle de Diana est un moment privilégié. De l'Opéra de Paris à Genève en passant par Londres, nous avons fait de nombreux concerts ces derniers mois. Chacune de ces soirées apporte une émotion particulière. Il n'y a pas deux concerts que nous abordons de la même manière. Avec Diana, nous partageons cette même soif de vivre le moment et de communiquer avec le public. En fonction du retour que nous ressentons, nous influons sur l'interprétation de ces œuvres.

Le duo que vous formez avec Diana Damrau est-il susceptible d'évolution ?

Le programme du DVD qui est sorti chez Virgin Classics est le premier que nous avons donné ensemble. Ensuite, nous en avons proposé un autre avec lequel nous avons pas mal tourné. Nous avions remplacé Debussy et Fauré par Chausson, Duparc et Reynaldo Hahn. Au moment où je vous parle, nous avons déjà prévu un programme différent pour dans 2 ans dans lequel nous aborderons Smetana et Dvorák. Nous conserverons bien sûr Strauss, mais nous irons chercher aussi du côté de Canteloube.Les mains de Xavier de Maistre photographiées par Felix Broede.  D.R.

La harpe est souvent associée à un sentiment de légèreté. Pourtant les mains du harpiste sont en contact avec des cordes. Y a-t-il là une dichotomie entre l'imaginaire véhiculé par le son et la réalité de l'instrument ?

Je dirais que le contact avec la harpe est un contact physique. Il est vrai que c'est un des rares instruments où celui qui joue crée à proprement parler le son. Cela en fait pour moi l'instrument par excellence. Le harpiste entretient un contact charnel avec les cordes. Par exemple, lorsqu'on joue fort, on exerce une vraie pression, une vraie tension sur ces cordes.

Le contact avec les cordes peut-il être blessant ?

Lorsqu'on commence à jouer de la harpe, la peau se protège et forme une sorte de corne. J'ai la chance de ne pas avoir les doigts secs et ma peau demeure souple, ce qui est un avantage pour le son. Ceci dit, on ne ressent pas de douleur en jouant. En revanche, lorsque je joue avec force assez longtemps ou que je travaille beaucoup, une fatigue physique peut survenir. Mais elle est tout à fait comparable à celle d'un violoniste qui joue un certain temps dans la position réclamée par son instrument.

Lorsque nous avons rencontré le harpiste Nicolas Tulliez, il a parlé de la voix comme la référence du phrasé pour tout musicien. Partagez-vous ce point de vue ?

Je pense qu'un grand nombre de musiciens aspirent au legato et à la conduite de phrase dont une voix est capable. J'ai beaucoup appris des chanteurs lorsque j'étais à la Philharmonie de Vienne et que nous jouions à l'Opéra. Les grands chanteurs représentent certainement ma plus grande source d'inspiration. Pour moi, accompagner un chanteur est particulièrement facile en raison de la respiration qui est visible.

Votre expérience de musicien d'orchestre est maintenant loin derrière vous. Aujourd'hui, votre indépendance vous apporte-t-elle tout ce que vous souhaitiez en quittant l'orchestre ?

Elle m'apporte même bien davantage que ce que je n'avais pas même osé rêver ! Depuis que je suis très jeune, on m'avait tellement dit qu'il était impossible pour un harpiste de faire une carrière de soliste et que le meilleur qui puisse m'arriver serait d'entrer dans un grand orchestre, qu'en intégrant la Philharmonie de Vienne à 24 ans je me suis dit : "Bon, voilà, maintenant, c'est fini !"… Croyez-moi, il ne m'est jamais arrivé de me retourner sur cette époque en ressentant un manque quelconque. Pour autant, je garde de bons souvenirs de cette expérience, et je peux même dire qu'elle a été très formatrice. Mais je suis aujourd'hui tellement comblé au niveau artistique par tous ces projets et concepts que j'ai la possibilité de développer moi-même… Je suis très créatif et j'aurais été très malheureux si j'avais dû rester 40 ans au fond d'un orchestre, fut-ce l'Orchestre Philharmonique de Vienne !Xavier de Maistre.  © Sony Classical

Vous enseignez la harpe à Hambourg et vous donnez régulièrement des masterclasses, quelle est votre vision de l'enseignement de la harpe aujourd'hui ?

Je pense que la harpe n'est pas un but en soi, ce qui me différencie, je crois, de beaucoup de collègues. Le message que j'essaye de faire passer à mes étudiants qui sont âgés de 17 à 25 ans, est qu'il faut dépasser l'instrument. On doit oublier toutes les contingences techniques. Le harpiste doit se placer au service de la musique. Ce qui m'attriste encore trop souvent est de constater que de nombreux harpistes sont des instrumentistes et ne dépassent pas ce stade. Ils n'essaient pas de chanter et n'ont pas une culture musicale suffisante. Jouer brillamment et faire preuve de virtuosité, pour moi, cela va tellement de soi qu'il ne devrait même pas être nécessaire d'y penser. Tous les moyens en ma possession, toute ma technique, doivent être au service de la musique. Je pense que la force de la harpe, et c'est peut-être aussi ce qui me différencie des autres, est sa palette sonore. Ce qui me fascine est d'essayer de recréer avec ma harpe toutes ces couleurs que j'ai pu trouver lorsque je faisais partie de l'orchestre.

À la fin de la saison, les 11 et 12 juin 2014, vous allez créer avec l'Orchestre de Paris sous la direction de Yutaka Sado le concerto que vous dédie Krzysztof Penderecki. Pouvez-vous nous parler de cette pièce ?

Je n'ai pas encore cette partition car Krzysztof Penderecki commence juste à composer. C'est une grosse année pour lui car il va fêter ses 80 ans. Il a demandé qu'on lui envoie des manuels sur la façon dont on écrit pour la harpe. Je l'ai déjà rencontré une fois, chez lui, avec ma harpe, et nous avons commencé à travailler. Je compte bien sûr y retourner… Je pense recevoir la partition au mois de mars et, entre-temps, pouvoir communiquer avec lui. Quoi qu'il en soit mon attente est très grande. Penderecki est une sommité et j'espère que sa connaissance de la composition va permettre de renouveler le langage et la manière de penser la harpe. J'espère que cette œuvre accédera à la postérité du répertoire des harpistes. Avant même qu'elle soit écrite, je sais déjà que je la jouerai avec un grand nombre d'orchestres. Après l'Orchestre de Paris, ce sera le Philharmonique de Londres, puis celui de Copenhague et de Cologne, qui sont co-commanditaires. Ce projet bien évidemment, revêt une grande importance…



Propos recueillis par Philippe Banel
Le 9 octobre 2013



Pour en savoir plus sur Xavier de Maistre :
www.xavierdemaistre.com

 

Mots-clés

Diana Damrau
Harpe
Magali Mosnier
Wolfgang Amadeus Mozart
Xavier De Maistre

Index des mots-clés

Vidéo

Xavier de Maistre – Impromptu de Fauré

Imprimer cette page

Imprimer

Envoyer cette page à un(e) ami(e)

Envoyer

Tutti Ovation
Wozzeck mis en scène par Andreas Homoki - Tutti Ovation
Saul mis en scène par Barrie Kosky à Glyndebourne, Tutti Ovation
Adam's Passion d'Arvo Pärt mis en scène par Robert Wilson - Tutti Ovation
L'Elixir d'amour - Baden-Baden 2012 - Tutti Ovation
Les Maîtres chanteurs de Nuremberg - Salzbourg 2013 - Tutti Ovation

Se connecter

S'identifier

 

Mot de passe oublié ?

 

Vous n'êtes pas encore inscrit ?

Inscrivez-vous

Fermer

logoCe texte est la propriété de Tutti Magazine. Toute reproduction en tout ou partie est interdite quel que soit le support sans autorisation écrite de Tutti Magazine. Article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle.