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Interview de Raymond Duffaut, Directeur général des Chorégies d'Orange

Raymond Duffaut, Directeur général des Chorégies d'Orange.  D.R.Raymond Duffaut est une personnalité incontournable de la scène lyrique française. Riche de quarante années passées à la direction de l'Opéra d'Avignon, il est également à la tête des Chorégies d'Orange depuis 1981. Pour diverses raisons qu'il nous explique, la gestion d'un festival d'opéra dans le cadre du théâtre antique d'Orange est chose particulièrement délicate car de nombreux paramètres entrent en ligne de compte pour présenter opéras et concerts de façon quasi autofinancée devant quelque 8.300 spectateurs. Raymond Duffaut répond à nos nombreuses questions avec la clarté et le franc-parler qui le caractérisent…

La saison 2014 des Chorégies d'Orange débutera le 9 juillet par le concert des révélations classiques de l'Adami. Suivront deux représentations de "Nabucco", les 9 et 12 juillet ; "Carmina Burana", le 17 juillet ; deux représentation d' "Otello", les 2 et 5 août ; et un concert lyrique avec Patrizia Ciofi et Daniela Barcellona le 4 août.  Plus d'informations ICI
























Tutti-magazine : Après des études de comptabilité et un parcours professionnel de conseiller juridique et fiscal, vous devenez administrateur général du Festival d'Avignon. Comment expliquer cette orientation vers le spectacle qui vous conduira ensuite à Avignon et Orange ?

Raymond Duffaut : Contrairement à ce qu'on peut penser, la transition n'a pas été immédiate. Je suis natif d'Avignon et j'ai commencé à voir des spectacles à l'Opéra d'Avignon alors que j'avais 7 ans. On m'a d'abord emmené voir des opérettes, et la première œuvre à laquelle j'ai assisté était Le Pays du sourire. Puis mon premier opéra a été Faust, que l'on jouait chaque année en ouverture de saison. À partir de là, je n'ai cessé d'assister aux spectacles et le virus s'est accroché à moi. À 8 ou 9 ans, lorsque j'étais au petit lycée, je me souviens qu'en rentrant des matinées à l'opéra, je prenais un cahier d'écolier dans lequel je notais les distributions des ouvrages que je venais de voir…
Opéra d'Avignon.  D.R.Les années ont passé et, petit à petit, je me suis lié d'amitié avec le directeur de l'Opéra d'Avignon Michel Leduc et son chef d'orchestre Paul Ethuin qui a ensuite été directeur de l'opéra de Rouen. J'ai également été proche du metteur en scène Gérard Boireau qui a ensuite dirigé pendant 25 ans l'Opéra de Bordeaux. Avec eux, j'assistais à toutes les répétitions, je rencontrais tous les artistes… J'ai ainsi mené mes études secondaires, puis supérieures, en vivant parallèlement ma passion pour l'opéra.

Vous avez ensuite été critique lyrique…

Je devais avoir 18 ans quand le rédacteur en chef du Provençal, qui assurait alors toutes les critiques de spectacles, m'appelle. Il n'était pas en mesure d'assister à la représentation des Huguenots que l'on jouait à Avignon et me demandait de le remplacer. J'avoue que je ne me sentais pas à la hauteur de cette tache, mais lui insistait pour que je lui rende ce service. Tant et si bien que j'ai accepté. Cela m'a conduit à faire dès lors pour le Provençal toutes les critiques d'opéras, y compris ceux présentés aux Chorégies d'Orange. J'ai ainsi été critique durant seize années, jusqu'au moment où je suis devenu moi-même directeur d'une maison d'opéra. À l'époque, j'ignorais naturellement que je serais critiqué par d'autres pour mon action à Avignon et aux Chorégies d'Orange !

Mais comment êtes-vous alors passé de la critique de spectacles à la direction d'une maison d'opéra ?

Entre-temps, j'avais fait des études qui devaient me permettre de devenir expert comptable et j'avais travaillé dans une société qui m'employait en tant que conseiller juridique et fiscal… Paul Puaux, qui était devenu Directeur du Festival d'Avignon à la suite de Jean Vilar, savait les études que je faisais et l'intérêt que je portais au théâtre et m'a proposé de l'aider en devenant administrateur du Festival. Au début des années 70, le Festival d'Avignon était beaucoup plus artisanal que ce qu'il est devenu. C'est ainsi que je suis devenu administrateur du Festival d'Avignon et du conseil culturel, qui gérait en quelque sorte le prolongement du Festival durant l'hiver. Au terme de quatre années, lorsque l'heure de la retraite a sonné pour le directeur de l'Opéra d'Avignon qui occupait ce poste depuis une quinzaine d'années après avoir dirigé l'Opéra de Marseille, le conseil municipal de la ville m'a nommé directeur. C'est à ce moment, précisément en 1974, que ma vie professionnelle a définitivement basculé dans le monde de l'opéra.

 

<i>Tosca</i> mis en scène par Nadine Duffaut aux Chorégies d'Orange en 2010.  D.R.

 

Raymond Duffaut - <i>Musiques en Fête</i> 2014 aux Chorégies.  D.R.

Vous êtes Directeur Général des Chorégies d'Orange depuis 1981. Comment avez-vous trouvé la situation des Chorégies à votre arrivée ?

Cela faisait sept ans que je travaillais à l'Opéra d'Avignon lorsque les adjoints à la Culture et aux Finances de la ville d'Orange sont venus me trouver. Jacques Bourgeois et Jean Darnel étaient directeurs artistiques des Chorégies depuis dix ans et ils avaient signé des productions absolument formidables dont un Tristan, un Fidelio ou un Parsifal parmi d'autres réussites. Leur sensibiité artistique était évidente, mais les questions administratives et financières n'étaient pas nécessairement leur fort… Les élus d'Orange - à l'époque, les Chorégies dépendaient directement de la municipalité - m'ont alors proposé de prendre la direction de la structure pour mettre fin aux dérapages administratifs. Il faut dire toutefois que c'était une autre époque. Par exemple, il n'y avait pas de contrats ! Toujours est-il que je suis tombé de ma hauteur à l'annonce de cette proposition, et j'ai demandé un temps de réflexion. J'étais jeune, les Chorégies étaient ce qu'elles étaient et je me demandais si je pourrais assurer la direction d'un tel festival. Je réalisais aussi qu'une telle occasion était unique et ne se représenterait sans doute jamais. J'ai donc accepté, et mes premières Chorégies ont été présentées en 1982.

Quelle a été votre première production à Orange ?

Mon premier spectacle aux Chorégies était La Force du Destin. J'avais demandé à Margherita Wallmann de faire la mise en scène. À l'époque, elle avait signé à l'Opéra de Paris un magnifique Turandot et un Don Carlo tout aussi superbe. Margherita Wallmann travaillait dans la grande tradition de l'opéra. Malheureusement pour moi, autant elle a su superbement utiliser le lieu, autant je crois qu'elle s'était laissée fortement influencer par le décorateur qu'elle avait choisi et qui n'était pas son partenaire habituel. Il avait transposé La Force du Destin pendant la guerre civile d'Espagne ! Or en 1981, les transpositions n'étaient pas monnaie aussi courante qu'aujourd'hui. De plus, certains éléments scénographiques étaient assez ridicules et même mal réalisés… Tout ceci a fait basculer le spectacle, qui a été accueilli par une véritable bronca. Je me suis alors dit que, vraiment, ça commençait très mal ! Qui plus est, je pense que Bourgeois et Darnel étaient très liés à la presse nationale et je me suis retrouvé face à un clientélisme qui ne m'était pas forcément favorable. La critique de Vaucluse Matin-Le Dauphiné libéré avait même utilisé le fait que mon père avait été maire d'Avignon pendant trente ans et qu'il était socialiste en écrivant que "Teresa Berganza avait une robe de la couleur politique du nouveau directeur !". Ces choses font partie de la règle du jeu, naturellement, et il faut les assumer.

 

Patrizia Ciofi dans <i>Rigoletto</i> aux Chorégies d'Orange en 2011.  D.R.

 

Ermonela Jaho - <i>Musiques en Fête</i> aux Chorégies le 20 juin 2014.  D.R.

Aviez-vous une vision à long terme de l'évolution que vous vouliez apporter aux Chorégies ?

Oui, j'avais une vision mais je devais la confronter à la réalité des importantes contraintes qui ont toujours été attachées au Festival et qui se sont renforcées au fil des années. Lorsque je suis arrivé, les équilibres financiers étaient totalement différents de ce qu'ils sont devenus aujourd'hui : nous nous autofinancions alors à 55 %, ce qui était à peu près normal. C'est le niveau auquel se situe à peu près aujourd'hui le Festival d'Aix-en-Provence. Or les Chorégies dépassent actuellement un autofinancement de 80 %, ce qui est purement invraisemblable, supprime la moindre marge de manœuvre et nous conduit à la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement…
À l'époque, ma mission était tout d'abord d'asseoir le festival sur le plan administratif et sur le plan financier. Sur le plan artistique, je souhaitais m'inscrire dans la lignée des choses formidables qui avaient été conçues auparavant aux Chorégies et j'aurais aimé ouvrir le répertoire de façon à répondre à ce que doit être la vocation d'un festival. Mais le cahier des charges qui s'applique depuis de nombreuses années nous l'interdit et m'empêche de sortir des œuvres qui s'adressent au plus large public. Nous sommes donc confrontés au Top Ten, et encore… À partir de là, l'imagination doit s'exprimer au niveau des chefs d'orchestre et metteurs en scène qui sont invités, ainsi que des différentes distributions qui sont composées pour les Chorégies.
Un autre axe de mon travail a été de tenter de conforter le festival. Quand je suis arrivé, on ne jouait qu'une seule représentation par production. À peu près dix années après ma désignation, nous avons réussi à installer le rythme de deux représentations pour chaque œuvre. Nous avons également pérennisé une véritable collaboration avec les chaînes de télévision, notamment avec France 2 et France 3, ainsi qu'un partenariat avec Radio France.

Les Chorégies participent également à des coproductions…

Nous avons effectivement monté des coproductions internationales, par exemple avec le Japon, la Corée et le Liban, avec lequel nous collaborons régulièrement. Ainsi, nous sommes retournés en Corée du Sud il y a deux ans avec La Bohème. Avec le Président Mariani, nous essayons maintenant d'avoir des contacts avec le Moyen Orient et le Qatar. C'est dans cet axe que nous avons négocié une double coproduction avec le grand festival d'opéra de Savonlinna en Finlande.

 

Signature du partenariat entre les Chorégies d'Orange et le Savonlinna Opera Festival.  © Tutti-magazine


[Le partenariat entre les Chorégies d'Orange et le Savonlinna Opera Festival a été signé le 21 octobre 2013 à Paris dans les salons de l'Ambassade de Finlande par Raymond Duffaut, Directeur général des Chorégies, et Jan Strandholm, Directeur du Festival de Savonlinna, en présence de Jorma Silvasti, Directeur artistique du Festival de Savonlinna et Rudolf Berger, consultant en projets culturels.]


Raymond Duffaut à l'Opéra d'Avigon.  D.R.

Qu'attendez-vous du partenariat avec le Festival de Savonlinna signé en octobre 2013 ?

Le but de ce genre de coproduction vise essentiellement à conforter la qualité artistique des productions et à mieux les rentabiliser au niveau des coûts. Ceci dit, ce qui est très difficile au niveau des Chorégies, c'est cette scène de 65 m d'ouverture par ailleurs très peu profonde, peut-être même moins profonde que certains théâtres à l'italienne. Mais aussi l'impossibilité d'accrocher puisqu’il n'y a pas de grill. Cela rend difficile toute coproduction avec d'autres scènes sans tout modifier. Avec Savonlinna, en revanche, nous retrouvons à peu près la même disposition avec une scène rectangulaire certes plus petite que celle d'Orange puisqu'elle fait la longueur comprise entre les deux séries de colonnes du théâtre antique. En revanche, comme à Orange, elle est peu profonde, et le fond est constitué par le mur du château médiéval de 1475 qui tient un peu lieu de celui d'Orange, même s'il est moins haut. Il participe aussi à une excellente acoustique. La jauge de Savonlinna est de 2.246 places. Disons que les similitudes des deux lieux nous permettent d'envisager de collaborer… Nous sommes partis sur la base d'une première coproduction sur deux œuvres et nous verrons au vu des résultats si nous pouvons continuer…

Voyez-vous le public d'Orange comme assez figé dans ses goûts ?

Je ne pense pas. Pour autant, nous n'avons jamais proposé à Orange des mises en scènes de type Regietheater allemand ! De toute façon je ne pense pas que le théâtre antique soit vraiment le lieu pour ce genre de spectacle, à commencer par l'architecture de cet endroit. Mon avis est que le public évolue au fil des années en fonction de ce qu'il a l'habitude de voir ailleurs. Ceci étant, je pense qu'il faut le faire évoluer mais non le brusquer, voire le violer, par des approches extrêmes.
Les Chorégies accueillent évidemment le public des maisons d'opéra, mais attirent aussi des spectateurs qui viennent à Orange pour l'attraction du lieu. Il y a quelques années, une étude avait été réalisée par le CNRS et l'association France Festivals. Il en est ressorti que les spectateurs venaient en premier lieu à Orange pour les œuvres présentées, en second point pour le lieu, et en troisième position pour les artistes, les metteurs en scène, etc. Bien sûr quand une star de l'opéra chante à Orange, cela se ressent sur la fréquentation même si l'attrait pour le titre reste le premier facteur d'attirance pour le public.

Savez-vous la provenance de ce public ?

La composition de notre public est à peu près équivalente à celle du Festival d'Aix-en-Provence, avec en gros, 50 % de public régional. Aix reçoit davantage de spectateurs venant des régions Provence-Alpes-Côte d'azur, et Orange, PACA, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes. 15 % de notre public viennent de Paris et de la région Ile-de-France et nous recevons à peu près 15 % d'étrangers. Le reste est constitué de spectateurs issus des autres régions françaises.

 

<i>Un Bal masqué</i> mis en scène par Jean-Claude Auvray aux Chorégies d'Orange en 2013.  D.R.

La saison dernière, Jean-Claude Auvray a signé une très belle mise en scène d'Un Bal masqué qui mettait parfaitement en valeur le mur des Chorégies. Comment expliquez-vous alors l'accueil mitigé d'une partie du public ?

Peut-être par le fait d'avoir utilisé des costumes contemporains, ou des accessoires, des détails qui nous renvoient à notre quotidien. Je me souviens avoir dit à Jean-Claude Auvray que sa mise en scène était assez minimaliste, ce qui n'était absolument pas péjoratif. Elle me rappelait les premières mises en scènes de Jean Vilar dans la cour d'honneur du Palais des Papes à Avignon, et même sa mise en scène de l'opéra Don Carlo aux Arènes de Vérone. Je pense, d'ailleurs, que s'il avait vécu plus longtemps Vilar serait devenu un immense metteur en scène d'opéra. Quoi qu'il en soit, c'est peut-être cet aspect un peu minimaliste qui a déçu le public qui vient à Orange pour voir des productions plus spectaculaires au niveau de la scénographie et de la mise en scène. Des spectacles en rapport avec l'immensité du lieu… Il faut pourtant reconnaître que la scène du bal, à la fin de l'opéra de Verdi, était absolument magnifique. Personnellement, j'ai trouvé ce spectacle à la fois très esthétique et réussi.

Votre budget vous permet-il d'accueillir aux Chorégies autant de stars du lyrique que vous le souhaitez ?

Dans une production d'opéra, on distingue quatre groupes de dépenses importants qui se répartissent dans le budget global à peu près de façon égale : les solistes et l'équipe artistique, l'orchestre, les chœurs et la production, c’est-à-dire les décors, la lumière, les costumes et accessoires. Selon les productions, ce coût global s'élève à un montant entre 1 million d'euros et 1,200 milion d'euros, tout compris. Quant au cachet des chanteurs, là n'est pas le problème pour nous, même s'il est vrai que ce budget représente une certaine part non négligeable. Mais le coût d'un orchestre, par exemple, et celui des chœurs, représentent une enveloppe bien plus importante. De par la dimension du lieu, entre 100 et 120 musiciens sont dans la fosse et restent une dizaine de jours à Orange. Selon les ouvrages que nous montons, 80 ou 120 choristes restent, eux, une quinzaine de jours. Ces enveloppes financières sont extrêmement importantes.

Patrizia Ciofi et Raymond Duffaut lors de <i>Musiques en Fête</i> 2014.  D.R.

L'année dernière, vous avez dû annuler une représentation du Vaisseau fantôme faute de vente suffisante de places, ainsi qu'un concert lyrique. Comment gérez-vous ces situations délicates ?

Malheureusement, Le Vaisseau fantôme n'a pas rencontré le succès attendu. Quant à l'annulation du concert, Roberto Alagna m'a averti par texto dans la nuit du 15 au 16 juillet à 2h du matin qu'il ne pourrait pas chanter, et son certificat médical nous est parvenu le matin du 16 juillet. Le concert étant prévu le 19 juillet, nous avons immédiatement mis en marche la machine dans la mesure où nous avions déjà loué 6.000 places pour cet événement. Nous avons alors prévenu les plus de spectateurs possible par téléphone ou par e-mail à partir du service location du Festival. Il faut savoir que l'équipe qui gère les Chorégies à l'année ne comprend que cinq personnes, ce qui est vraiment le minimum au regard de notre activité. Nous avons heureusement pu compter pour cette annulation avec le renfort des personnels qui travaillent sur le Festival et nous nous sommes vraiment efforcés de faire le maximum. Le soir du concert, une centaine de personnes se sont présentées. Nous étions donc parvenus à prévenir à peu près tout le monde… Nous nous chargeons bien sûr ensuite de rembourser les places…
Pour ce qui est de l'orchestre qui devait accompagner les chanteurs, en l'occurrence le Philharmonique de Radio France, il était remonté à Paris en raison de l'annulation de la deuxième représentation du Vaisseau fantôme. L'annulation du concert lyrique m'a été communiquée un jour avant que les musiciens ne reprennent la route pour Orange, et j'ai pu faire en sorte d'éviter qu'ils reviennent. Certains musiciens avaient réservé des gîtes qu'ils avaient déjà payés… Tout cela fait bien sûr partie des choses que nous avons à gérer en 48h. La réactivité est donc la première des qualités à avoir dans ce cas de figure. De la sorte, nous avons pu limiter au maximum les dépenses liées au concert annulé.

Êtes-vous assuré pour un cas de figure comme celui-ci ?

Installation d'un praticable pour la production de <i>Nabucco</i> présentée les 9 et 12 juillet 2014 au théâtre antique d'Orange.  D.R.

Tout à fait, mais nous sommes actuellement en procès avec nos assureurs qui contestent la réalité du certificat médical fourni par le chanteur. Le cas a été plaidé devant le TGI de Carpentras le 11 mars et le jugement nous a été défavorable, ce qui nous a conduits à interjeter appel devant la Cour d'appel de Nîmes. Il y a tout de même quelque 500.000 € en jeu…
D'une façon plus large, on peut être assuré sur les pertes pécuniaires, c'est-à-dire dans le cas où les dépenses pour un spectacle sont supérieures aux recettes. Mais cela est rare aux Chorégies car, avec une bonne fréquentation pour un opéra, la recette est toujours supérieure aux dépenses liées à la production. Avec les gradins remplis, nous parvenons à peu près à une recette de 1,8 million d'euros pour une dépense, comme je vous l'ai dit, comprise entre 1 million et 1,2 milion d'euros. Cela nous permet de prendre en charge les frais fixes du Festival, même si ceux-ci ne représentent pas même un tiers de l'ensemble du budget, lequel supporte pour le reste les productions artistiques.

Les trois représentations de Carmen prévues en 2015 sont donc programmées pour compenser les pertes de 2013…

Exactement. Par rapport au budget que je vous ai donné et dans la mesure où l'ouvrage est monté, une troisième représentation de Carmen représente en gros une dépense de 360.000 €. Cette dépense est couverte par un gros tiers de la jauge du théâtre antique. Dans un pareil cas, nous ne prenons pas de risque, et même au contraire…

Que deviennent les décors, costumes et accessoires après les représentations aux Chorégies ?

Nous conservons les costumes sauf quand nous travaillons en coproduction avec une structure extérieure, par exemple avec l'Opéra de Marseille. Lorsque nous sommes en coproduction avec d'autres lieux, nous pouvons avoir à conserver les décors. Mais cela est extrêmement difficile pour nous. Nous utilisons un grand hangar à la périphérie d'Orange, mais vous imaginez sans mal le lieu de stockage dont nous aurions réellement besoin pour stocker des décors construits pour une scène de 65 m d'ouverture ! C'est la raison pour laquelle, en dehors des coproductions, les décors sont a priori totalement éphémères.

 

<i>Les Contes d'Hoffmann</i> mis en scène par Jérôme Savary aux Chorégies d'Orange en 2000.  Au centre, Natalie Dessay dans le rôle de la Poupée.  D.R.

Vous n'avez jamais repris une production ?

Si, mais ça ne marche pas. Nous en avons fait l'expérience avec Les Contes d'Hoffmann que nous avions donné en 2000. Le succès avait été tel que j'avais voulu reprendre cette production 7 ou 8 ans plus tard. Il est vrai que, pour la création, nous avions Natalie Dessay, et Désirée Rancatore pour la reprise. Désirée a été magnifique, mais elle n'a pas la même notoriété que Natalie. La première année, nous avions de même José Van Dam et, à la reprise Laurent Naouri. Mais, surtout, je pense que ce qui n'a pas marché c'est d'avoir repris la production en l'état. Nous avions pu conserver les décors de cette production car ils étaient constitués pour l'essentiel par des éléments rapportés, un peu dans l'esprit des spectacles de tréteaux que montait Jérôme Savary… Cette expérience sur Les Contes nous a fait comprendre que, s'il est possible de reprendre à peu près sans problème les titres, il nous faut éviter de rejouer une production en l'état. Nous devons accompagner l'œuvre d'une nouvelle vision esthétique et d'une nouvelle approche musicale.

Le temps particulièrement court accordé à un metteur en scène pour monter une production à Orange passe pour être une grande difficulté…

Répétition de <i>Nabucco</i> en juin 2014. Le metteur en scène Jean-Paul Scarpitta face à la soprano Martina Serafin. Tous deux font leurs débuts à Orange à cette occasion.  D.R.Il faut effectivement être conscient que le timing donné aux metteurs en scène des spectacles, mais aussi à l'ensemble des maîtres d'œuvre, est extrêmement contraignant. Cela vient de notre convention avec la ville d'Orange qui est propriétaire du théâtre antique et qui nous permet d'en disposer très exactement 46 jours chaque été. Pendant cette période, notre cahier des charges nous impose de devoir monter deux nouvelles productions d'opéras après avoir aménagé le lieu qui est une coquille absolument vide quand nous en prenons possession. Pour un opéra, nous avons ainsi à peu près 18 jours entre le début du montage du décor et la deuxième représentation, sachant qu'il est nécessaire de respecter un délai de trois jours entre chacune des soirées afin de prévoir le report au lendemain en cas de mauvais temps et respecter ce qu'exigent la plupart des grands interprètes d'aujourd'hui, à savoir deux jours de repos entre chaque représentation. À Orange, cela complique bien sûr les choses, à la fois sur le plan technique, sur celui de la réalisation, mais aussi sur le plan financier. En dehors de ces opéras, nous devons également proposer deux grandes soirées, soit avec des oratorios, soit avec des concerts lyriques ou symphoniques. Tout cela en comptant avec les aléas météorologiques qui peuvent nous empêcher de travailler in situ. Or aucune salle de répétition ne possède l'ouverture exceptionnelle de la scène du théâtre antique. Le réglage des éclairages se fait la nuit, après les répétitions, jusqu'au lever du soleil, parfois avec des conditions climatiques invraisemblables dues au mistral qui nous apporte un froid glacial. Tous ces éléments s'additionnent et il est indispensable de composer avec lorsqu’il s'agit de travailler aux Chorégies. Par rapport au timing, ce lieu ne supporte aucune improvisation, et les équipes artistiques qui travaillent ici doivent arriver complètement prêtes dans leur manière d'aborder la mise en scène. J'ai le souvenir d'un metteur en scène dont je ne citerai pas le nom mais par ailleurs de très grand talent, qui travaille beaucoup sur l'improvisation. Quasiment chaque jour, il apportait une idée nouvelle. Au bout d'un moment, je lui ai dit : "Nous allons droit dans le mur !". Hélas j'avais raison et nous avons bel et bien pris le mur…

Le théâtre antique d'Orange n'est-il pas globalement sous-utilisé en dehors de la période du festival ?

Il est vrai que ce lieu extraordinaire de quelque 8.300 places est totalement sous-utilisé. Depuis quelques années, le théâtre antique a été confié en délégation de service public à Culturespaces qui le gère à l'année, en dehors de la période des Chorégies. Nous sommes donc dans le cadre d'une convention tripartite entre la ville d'Orange, Culturespaces et les Chorégies… J'avais proposé au précédent maire d'Orange Alain Labé, qui était également Président de l'association des Chorégies, de construire une programmation parallèle aux Chorégies, bien sûr sous l'égide des Chorégies mais dans le cadre d'un budget annexe. Cela aurait sans doute permis également d'équilibrer celui des Chorégies… Le maire d'alors était en cheville avec IMG McCormack qui avait proposé pendant deux ans une programmation parallèle à celle des Chorégies, Les Nuits d'été du théâtre antique, dont le but était en réalité de prendre la main sur les Chorégies et de les remplacer purement et simplement. Ils se sont plantés au bout de deux ans !

 

Gwyneth Jones dans <i>Elektra</i> mis en scène par Jean-Claude Auvray aux Chorégies d'Orange en 1991. D.R.

 

Sur le plan vocal, y a-t-il un profil type du chanteur d'opéra taillé pour les Chorégies ?

Barbara Hendricks aux Chorégies d'Orange.  D.R.Un profil, non, car le lieu bénéficie d'une incomparable acoustique naturelle, avec des places privilégiées à l'intérieur de ce lieu. Nous avons du reste mené récemment une étude afin de définir l'ensemble des points les plus intéressants sur le plan acoustique, et ce qu'il faut éviter comme matières au niveau des décors afin de ne pas modifier l'acoustique du lieu… Je cite souvent en exemple Monserrat Caballé qui est souvent venue à Orange et qui connaissait mieux que quiconque le théâtre antique. Elle avait repéré une place précise devant les colonnes côté cour, d'où la voix du chanteur donne quasiment l'impression d'être sonorisée. Elle se débrouillait toujours, quelle que soit la mise en scène, pour rejoindre cet emplacement précis à l'approche d'un air principal !
Nous avons aussi accueilli aux Chorégies Barbara Hendricks, qui n'avait pas la réputation d'être la plus grande voix du monde mais qui possédait une excellente technique. Sa voix était parfaitement bien projetée dans le lieu… Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il n'est pas nécessaire de posséder ce qu'on appelle dans notre métier une "grosse voix" car ce ne sont pas ces voix qui passent le mieux. En revanche, il faut posséder une technique irréprochable et une très bonne projection vocale. Cela me permet de toujours associer de jeunes chanteurs aux distributions que je compose, sans les exposer inutilement, car le lieu est tout de même exigeant de par sa taille. Le chanteur doit en effet pouvoir projeter devant 8.000 spectateurs dont le dernier est à 50 m de distance.

Les artistes ne développent-ils pas une certaine crainte à venir chanter à Orange ?

Le mur du théâtre peut effectivement impressionner et certains interprètes auxquels je propose de venir chanter pour la première fois hésitent. D'autres ont toujours refusé de venir chanter ici, comme Mirella Freni qui, jamais de sa vie, n'a chanté en plein air car elle estimait que sa voix ne pouvait faire face. Lorsque j'ai invité Patrizia Ciofi à venir chanter à Orange, elle a tout d'abord refusé en raison de ce qu'elle appelle "sa petite voix". De mon côté, j'étais pourtant certain que son incroyable technique garantissait qu'il n'y aurait aucun problème. Finalement elle a accepté de venir chanter aux Chorégies où elle s'est montrée absolument superbe dans Lucia di Lammermoor puis Traviata. Or voilà un autre exemple d'une chanteuse qui ne possède pas une grande voix mais une telle technique, au-delà de la sensibilité et de la musicalité, qu'elle a pu se produire sans aucun problème dans ce lieu.

Jean Teitgen et Nicolas Courjal (à droite) dans <i>Un Bal masqué</i> mis en scène par Jean-Claude Auvray à Orange en 2013.  D.R.

Vous parlez de jeunes chanteurs… Quel regard portez-vous sur les jeunes artistes formés en France ?

Je pense que la France fait partie des pays qui font naître un nombre significatif de chanteurs de belle qualité, et cela depuis plusieurs années. Cependant, il est vrai que certains répertoires ne peuvent pas encore être défendus par ces jeunes artistes. Je pense en particulier aux opéras de Wagner. À part Sophie Koch, je ne vois pas dans la jeune génération beaucoup de chanteurs susceptibles de défendre cette musique. Il en va peut-être de même pour certains grands opéras de Verdi. Mais il existe en revanche une quantité d'ouvrages qui peuvent être distribués à des chanteurs français. De plus, sur le plan international, nous sommes très bien placés par rapport aux qualités qui sont demandées aujourd'hui aux jeunes voix. On ne chante plus comme il y a 30 ou 40 ans et on demande aux interprètes d'avoir du style, de la musicalité, de connaître des langues, d'avoir une bonne diction… Les jeunes chanteurs possèdent aujourd'hui un bagage que leurs prédécesseurs ne possédaient peut-être pas tous.
Ceci étant, si nous formons des chanteurs de qualité, nous devons aussi les mettre sur scène. À quoi bon avoir des conservatoires ou des écoles comme le CNIPAL, l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Paris ou l'Académie de l'Opéra Comique si on ne donne pas ensuite leur chance aux artistes qui sortent de ces structures ? Bien sûr, c'est parfois une prise de risque pour un directeur d'opéra. Il ne faut pas non plus exposer inutilement de jeunes interprètes. À Orange, par exemple, je leur confie des rôles de second plan qui, du reste, ne sont pour moi pas plus secondaires que les premiers rôles car ils doivent être parfaitement tenus aussi. Je pense à Nicolas Courjal, qui aborde aujourd'hui magnifiquement des rôles de premier plan, ou Marie-Adeline Henry qui est une très belle soprano. Elle chantera le rôle d'Anna dans Nabucco cet été.
Ce que je trouve en revanche vraiment anormal est de constater que, à la lecture des distributions de certaines de nos maisons d'opéras, il y a parfois peu de noms de chanteurs français ! Parfois il n'y en a même aucun. Or c'est un devoir qui nous incombe, à nous, directeurs d'opéras, d'intégrer nos chanteurs aux distributions que nous formons. Pire, je suis extrêmement surpris que certains opéras nationaux fortement aidés par l'État présentent parfois des ouvrages français avec une distribution totalement composée de chanteurs étrangers. Or nous avons à notre disposition un vivier de chanteurs français de très grande qualité pour tenir ces rôles.

La carrière d'un chanteur français vous paraît-elle aujourd'hui plus difficile à gérer ?

Je reconnais volontiers que la carrière de chanteur est devenue plus exigeante qu'elle l'était, et de plus en plus difficile, car on joue de moins en moins. Les saisons sont plus courtes et on propose moins de représentations, non parce qu'il n'y a pas de public, mais pour des raisons purement économiques et financières. La mondialisation de l'offre au niveau des chanteurs ajoute à ces difficultés. Il y a sans doute beaucoup moins de chanteurs italiens que par le passé, mais il y a pas mal d'artistes lyriques anglo-saxons sur le marché, et surtout, une concurrence de l'Est qui est extrêmement forte avec les interprètes coréens et japonais, dans une moindre mesure. À terme, je pense que le marché des chanteurs devra également compter avec la Chine, comme c'est devenu le cas avec les pianistes.

 

<i>Faust</i> mis en scène par Nicolas Joel aux Chorégies d'Orange en 2008.  D.R.

Lors de la conférence de presse organisée lors de la signature du partenariat avec Savonlinna, vous vous étiez exprimé sur le danger potentiel des diffusions d'opéras dans les cinémas pour les théâtres. Pouvez-vous préciser votre point de vue ?

C'est à vrai dire un grand débat. Le fait est que nous devons aujourd'hui compter avec les retransmissions en direct de spectacles dans les multiplexes depuis le Metropolitan Opera, Covent Garden, l'Opéra de Paris ou le Bolchoi. Le tout est de savoir si ces diffusions jouent un rôle de sensibilisation à l'opéra auprès de personnes qui seront peut-être ensuite tentées de venir découvrir un spectacle dans un théâtre, ou si elles représentent une concurrence à terme. Une place de théâtre est en effet nettement moins abordable qu'une place de cinéma, bien que le tarif de ce genre de diffusion soit nettement plus cher que pour un film.
Actuellement, c'est essentiellement un public d'opéra qui fréquente les cinémas pour ces retransmissions et non le public des cinémas qui découvre l'opéra par ce biais. C'est un sujet que j'ai abordé avec l'ensemble de mes collègues et nous sommes d'accord pour dire que cela n'engendre aucun problème dans les grandes villes comme Paris, Bordeaux, Toulouse ou Lyon, car le public potentiel d'une maison d'opéra ne sera pas remis en cause par des projections d'opéras au cinéma. De même, je crois que ces diffusions sont une excellente chose dans toutes les villes privées d'activité opératique. Mais la question peut se poser dans toutes les villes de moyenne importance comme par exemple Metz, Tours, Rouen Avignon ou Reims. Dans un contexte économique difficile, l'opéra dans les cinémas ne représente-t-il pas une concurrence directe dans la mesure où cela permet au spectateur de voir un opéra avec les plus grandes stars du moment pour 22 € s'il est abonné, alors qu'il payera entre 60 et 80 € dans une salle de spectacle ?
Je crois, pour ma part, qu'il faut trouver des passerelles entre les salles d'opéras et les cinémas. Nous avons par exemple instauré un partenariat entre l'Opéra d'Avignon et un nouveau multiplexe qui a ouvert à la périphérie de la ville, le Capitole Studios. Ce cinéma retransmet les spectacles du ballet du Bolchoi et, à l'occasion de la diffusion de Casse-Noisette, le ballet de l'Opéra d'Avignon a fait une classe publique et a présenté de courts extraits de son répertoire avant la retransmission sur écran. Cela crée un lien entre le théâtre et le cinéma. De même, nous distribuons à l'opéra des flyers pour les retransmissions au cinéma et, à l'inverse, le cinéma diffuse une information sur notre programmation tout au long de l'année.

Les chorégies diffusent-elles leurs productions dans les salles de cinéma ?

Par le passé, nous avons fait l'expérience de deux productions diffusées dans les salles du réseau UGC : Tosca et Faust. Cela a très bien marché mais le nombre de salles était assez limité. Nous avions fait 4 ou 5.000 spectateurs dans les salles de cinéma, ce qui est assez dérisoire sur le plan global.

 

Maquette du décor de la production d'<i>Otello</i> mise en scène par Nadine Duffaut aux Chorégies d'Orange en 2014.  D.R.

 

<i>Otello</i> à l'Opéra de Marseille mis en scène par Nadine Duffaut  © Christian Dresse 2013

Que proposez-vous à Orange à l'été 2014 ?

En 2013, pour fêter les années Verdi et Wagner, nous avions souhaité retrouver Wagner après une vingtaine d'années d'absence avec Le Vaisseau fantôme, et célébrer Verdi avec Un Bal masqué, un ouvrage qui n'avait jamais été affiché aux Chorégies. Mais étaient-ce de bonnes idées ? Malheureusement la fréquentation n'a pas été au rendez-vous comme nous l'envisagions, ce qui nous amène à constater qu'au-delà des cinq à sept titres d'opéras qui s'adressent au plus large public, on ne peut prendre aucun risque aux Chorégies, sous peine de déstabiliser financièrement la manifestation. Comme je vous l'ai dit, nous sommes donc condamnés à réussir et à afficher assez régulièrement les mêmes œuvres tout en renouvelant les approches en invitant des metteurs en scènes et des directeurs musicaux différents à chaque reprise de ces mêmes opéras…
Partant de ce principe, j'ai souhaité cette année recentrer la manifestation sur deux ouvrages grand public : Nabucco, les 9 et 12 juillet, et Otello, les 2 et 5 août. J'ai confié la mise en scène de Nabucco à Jean-Paul Scarpitta après avoir vu sa magnifique production à l'Opéra de Rome il y a un an et demi. Ce qui sera monté à Orange sera bien sûr très différent. Martina Serafin chantera pour la première fois le rôle terriblement exposé d'Abigail, tandis que le très bon baryton George Gagnidze interprétera le rôle-titre. Pour Otello, la mise en scène a été confiée à Nadine Duffaut. Il s'agit d'une coproduction avec l'Opéra de Marseille qui avait remporté un très gros succès lors de sa présentation au mois de mars 2013. Elle sera naturellement repensée totalement en fonction des impératifs de la scène d'Orange. La convention de doubles productions avec le Festival de Savonlinna profitera à cet Otello qui sera redonné en Finlande en juillet 2016. À notre tour, nous présenterons à Orange en 2017 le Boris Godounov qui sera créé en Finlande en 2015. Pour servir cet Otello, nous retrouverons Inva Mula dans le rôle de Desdémone, le magnifique baryton coréen Seng-Hyoun Ko dans celui de Iago, et celui que le public attend : Roberto Alagna, lequel fera sa prise de rôle d'Otello et démontrera, j'en suis persuadé, sa capacité à chanter un tel rôle.
Cette programmation est complétée par deux concerts : Carmina Burana dirigé par Michel Plasson le 17 juillet avec Sonya Yoncheva, Max-Emmanuel Cencic et Alexandre Duhamel, ainsi qu'un concert Patrizia Ciofi et Daniella Barcellona accompagnées par l'Orchestre Philharmonique de Marseille le 4 août.

Un Samson et Dalila a été annoncé pour le futur… Quelle programmation prévoyez-vous pour les années à venir ?

Samson et Dalila n'est plus d'actualité. Nos problèmes d'équilibre financier ont récemment abouti à deux conseils d'administration à l'issue desquels on m'a demandé s'il était possible de retravailler et de restructurer la programmation par rapport à ce qui était prévu initialement. En 2015, nous proposerons ainsi une nouvelle production de Carmen, non sur deux représentations mais très exceptionnellement sur trois, qui nous permettront de retrouver Jonas Kaufmann qui avait débuté aux Chorégies il y a quelques années dans un Requiem de Mozart, alors que quasiment personne ne le connaissait. Autour de lui, Kate Aldrich chantera Carmen, Inva Mula sera Micaëla et le baryton américain Kyle Ketelsen chantera le rôle d'Escamillo. Après cette nouvelle Carmen, Roberto Alagna devait débuter dans le rôle de Samson avec Marie-Nicole Lemieux dans celui de Dalila. Mais nous savons pertinemment que l'opéra de Saint-Saëns ne fait pas partie du Top Ten des ouvrages grand public que peuvent présenter les Chorégies et le conseil d'administration m'a demandé de réfléchir à un autre opéra, ce qui n'était pas évident dans la mesure où les grands festivals et maisons d'opéras signent les contrats de deux à quatre ans à l'avance ! Il fallait de fait partir des contrats signés pour proposer un autre ouvrage. J'ai pensé au Trouvère que nous n'avons pas proposé depuis une dizaine d'années. L'opéra de Verdi nous permettra de retrouver Roberto Alagna, Marie-Nicole Lemieux, Hui He qui chantera Leonora pour sa première venue à Orange, et George Petean.

 

Catherine Naglestad et Roberto Alagna dans <i>Tosca</i> aux Chorégies d'Orange en 2010.  D.R.

Nous avons déplacé Boris Godounov prévu en 2016 sur 2017, en espérant que les temps seront devenus plus sereins et nous proposerons en 2016 une nouvelle production de Madame Butterfly avec Ermonela Jaho. La même année, nous avons programmé une Traviata avec Diana Damrau, Francesco Meli et Placido Domingo. Cette Traviata devrait être mise en scène par Rolando Villazon. En 2016, entre les deux productions opératiques, nous aurons un Requiem de Verdi dirigé par Tugan Sokhiev à la tête de l'Orchestre National du Capitole de Toulouse. Le quatuor de solistes sera composé de Krassimira Stoyanova, Ekaterina Gubanova, Joseph Calleja et Dmitry Belosselsky, qui interprétera d'ailleurs Zaccaria dans Nabucco cette année. Tels sont les projets à cour et moyen terme. J'espère que nous pourrons les mener à bien…

Quels sont les plus forts souvenirs de vos 32 ans de Chorégies ?

Il est extrêmement difficile de répondre à cette question car une production peut faire partie de mes meilleurs souvenirs pour sa mise en scène en particulier, sa direction musicale ou sa distribution. Mais, globalement, je crois pouvoir dire qu'il y a eu Elektra qui a été un événement exceptionnel en 1991 avec Gwyneth Jones et Leonie Rysanek, Marek Janowski au pupitre et Jean-Claude Auvray à la mise en scène. Puis le Faust qui a reçu le Prix de la critique en 1990 qu'avaient monté Michel Plasson et Nicolas Joel. Il y a aussi Les Contes d'Hoffmann qu'avait monté Jérôme Savary avec l'équipe dont je vous ai parlé. Je me rappelle aussi d'un magnifique Boris Godounov, également mis en scène par Jean-Claude Auvray. Sur le plan scénographique, cette production est un formidable souvenir. Notre dernière Tosca en 2010 mise en scène par Nadine Duffaut avec cet immense tableau "jeté" devant le mur fait aussi partie de mes très belles expériences aux Chorégies. Certaines productions ont été plus ou moins réussies et parfois même ratées. Je ne les oublie pas non plus et en tiens compte. Ceci dit, je préfère de beaucoup me projeter vers l'avenir…

 


Propos recueillis par Philippe Banel
Le 14 mars 2014
Photos : Philippe Gromelle, Christian Bernateau, Abadie/Abel

 

Mots-clés

Chorégies d'Orange
Festival de Savonlinna
Jean-Claude Auvray
Opéra d'Avignon
Raymond Duffaut
Roberto Alagna

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