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Interview de Monica Bacelli, mezzo-soprano

Monica Bacelli.  © Diego Diaz

 

C'est à la suite d'une représentation du Couronnement de Poppée de Monteverdi au Palais Garnier que nous avons désiré rencontrer Monica Bacelli. Son Ottavia nous avait impressionné par sa présence vocale et théâtrale rendue pourtant peu évidente par l'exigence de la mise en scène de Robert Wilson. Échange avec une interprète sensible et éclectique en termes de choix musicaux…

 

Tutti-magazine : Vous avez fait vos débuts à l'Opéra de Paris il y a 9 ans dans Le Couronnement de Poppée de Monteverdi. Accompagnée de quels souvenirs êtes-vous revenue au Palais Garnier cette saison pour chanter à nouveau le rôle d'Ottavia mais dans une autre mise en scène ?

Monica Bacelli : En franchissant la porte du Palais Garnier c'est tout d'abord la notion du temps qui s'est écoulé entre ces deux productions qui s'est précisée, puis est venue l'image de cette scène magique qui permet de tisser des liens étroits avec le public. Je suis aussi sensible au bâtiment proprement dit, en commençant par les planchers sur lesquels j'adore avancer et ces pièces tout aussi anciennes qui doivent conserver la mémoire des artistes, chanteurs et danseurs, qui se sont succédés dans ce lieu. Mais, ce qui m'a impressionné encore davantage, c'est le foyer qui se trouve derrière la scène, où sont disposées des barres qui servent à l'échauffement des danseurs. Cette découverte était très forte. De plus, j'ai pu répéter dans cet espace incroyable ce que je devais accomplir sur scène dix minutes plus tard et j'y ai trouvé une aide dans la mesure où l'atmosphère de ce foyer est très comparable à celle du plateau. Une atmosphère quasi religieuse, une sorte d'antichambre qui prépare à pénétrer ensuite sur la scène, vue comme un lieu sacré.

Êtes-vous habituellement aussi sensible aux atmosphères ?

Oui, mais je n'oublie jamais que mon devoir est de toujours apporter la même émotion et de servir toujours au mieux la teneur du texte qu'un auteur véhicule par le biais d'un opéra. Aussi, j'essaye de ne pas être trop influencée par le cadre et par ce qui se passe en dehors de la scène. Bien sûr, le lieu, mais aussi le public qui évolue autour de ce lieu, expriment quelque chose. Du reste, un théâtre parle également de son public. Ceci étant, si je ne peux nier qu'il est plaisant de chanter dans une très belle maison d'opéra, l'essentiel pour moi est de rester la même partout où je chante.

 

Marie-Adeline Henry (Valletto), Jeremy Ovenden (Nerone) et Monica Bacelli (Ottavia) dans <i>Le Couronnement de Poppée</i>.  © Opéra national de Paris/Andrea Messan

 

Monica Bacelli dans <i>Le Couronnement de Poppée</i> mis en scène par Robert Wilson.  © Opéra national de Paris/Andrea Messana

Comment trouvez-vous la salle du Palais Garnier ?

L'acoustique me convient très bien, de même que la proximité avec la salle. Mais votre question me fait immédiatement penser à ma dernière scène dans Le Couronnement de Poppée. À l'Acte III, lorsqu'Ottavia est bannie, ma voix semble anéantie sous le choc de la situation et parvient difficilement à sortir un son. À ce moment, il m'est arrivé de regarder en direction des spectateurs et j'ai senti qu'ils se disaient : "Mon Dieu, elle a oublié les paroles !"

Vous abordez en effet votre dernière aria, "Addio Roma" d'une façon très spéciale, comme si l'émotion paralysait le chant…

Pour les premières représentations, je négociais ce passage d'une façon assez timide car j'avais la conviction que cette hésitation traduite dans la manière de chanter était trop étrange, trop excessive. Au moment où je vous parle, c'est-à-dire après huit soirées, j'ai l'impression que la moitié du public ne comprend pas ce qui m'arrive. Autant ce balbutiement peut être la conséquence de l'annonce du bannissement d'Ottavia qui perd absolument tout, autant les spectateurs s'apprêtent à entendre une aria à ce moment de l'œuvre. Or ils ont l'impression que je n'y arrive pas… Il est vrai que cet opéra de Monteverdi accorde une importance énorme au texte, au point qu'il ne s'agit pas vraiment de musique, au sens habituel, mais plutôt de déclamation parfois légèrement outrée. Or cela est particulièrement vrai pour mon rôle qui ne comprend quasiment pas de vrais passages chantés. Ottavia déclame plus qu'elle ne chante, ce qui laisse à penser que ce rôle a sans doute été écrit pour une actrice.

Votre pratique de la musique contemporaine vous a-t-elle aidée à trouver ces sons à mi-voix et expressifs au début de cette dernière aria ?

Il est vrai qu'une partie de la musique contemporaine est inspirée par la musique italienne de l'époque de Monteverdi et par ce type de vocalité. Les compositeurs des années 1970 et 1980 n'aimaient pas la manière de chanter de la période romantique et souhaitaient revenir à l'essence-même du chant représentée par Monteverdi et la musique baroque. Dans cet axe, le texte dit est plus important que le véritable chant. Par exemple, j'ai chanté Outis de Berio au Théâtre de Châtelet, et l'aria de Marina, le personnage que j'interprétais, comportait une sorte d'hésitation vocale en droite ligne de l'aria d'Ottavia dans Le Couronnement de Poppée. Il y a donc pour moi un lien évident entre ces deux écritures.

Monica Bacelli (chant) Fabrizio Gifuni (récitant) et Luisa Prayer (pianoforte) rassemblés en 2012 autour du projet <i>Gli Indifferenti - Parole e musiche da un Ventennio</i>.  © Joyce Rohrmoser

Par ailleurs, est-il difficile de chanter Ottavia ?

La difficulté de ce rôle tient au fait qu'il faille à la fois le chanter et le parler. Or, à certains moments, il serait plus simple de tout chanter. Différents registres de la voix sont sollicités, y compris lorsqu'il s'agit de déclamer en projetant le son avec des accents très théâtraux. De Plus Ottavia n'est pas toujours présente sur scène. Il faut donc retrouver une vraie qualité d'intensité en entrant à nouveau sur le plateau après une longue pause, et cela plusieurs fois dans le déroulement de l'œuvre avant de parvenir à la dernière aria. Rester en scène et voir les autres artistes jouer et chanter rend les choses plus faciles car ils créent l'ambiance dans laquelle vous allez vous insérer. Ce n'est pas le cas ici…

En 2005, la mise en scène du Couronnement de Poppée était signée David Alden. Pour cette nouvelle production, vous avez travaillé avec Robert Wilson. Leur approche du personnage d'Ottavia est-elle radicalement différente ?

Non seulement Ottavia n'est absolument pas la même dans ces deux visions du Couronnement de Poppée, mais je dirais même que les deux visions s'opposent. David Alden me demandait d'exagérer tous les extrêmes du personnage, comme sa colère. Je devais me montrer bien plus cruelle dans la seconde scène. Cette Ottavia n'était pas sensuelle mais ressentait le besoin de capturer l'attention d'Ottone, y compris en utilisant la sensualité comme un moyen d'y parvenir. Je me souviens que je devais le projeter sur une table et le placer à ma merci… À l'inverse, dans la mise en scène de Robert Wilson, une complète immobilité est de mise. J'ai même l'impression de trop respecter ce qu'il m'a demandé de faire. Dans son optique, les chanteurs ne doivent pas raconter l'histoire. Cela ne l'intéresse pas. Il nous disait d'ailleurs en répétition : "N'en faites pas trop, n'expliquez pas trop, afin que le spectateur puisse imaginer et réfléchir à partir de la situation que vous jouez…". Son but était d'ouvrir au maximum le champ d'interprétation aux différentes approches possibles, et je dois admettre que cette immobilité, cette simplicité qui vise à l'essentiel, est susceptible de laisser place à l'imagination du public en même temps qu'elle permet à chaque facette de chaque personnage de s'exprimer. À partir de cette neutralité, le spectateur imagine le sentiment - peur, agressivité - qui lui est propre. C'est indiscutablement un moyen de mettre à jour d'autres strates de lecture du drame qui est raconté… Ceci étant, les approches opposées des deux metteurs en scène s'inscrivent dans une démarche théâtrale tout aussi intéressante, et je les apprécie vraiment toutes les deux.

 

Monica Bacelli dans <i>Le Couronnement de Poppée</i> mis en scène par Robert Wilson.  © Opéra national de Paris/Andrea Messana

Le travail de Robert Wilson s'appuie sur une gestique particulière. Comment se sont déroulées les répétitions ?

Les premières répétitions ont été difficiles, non seulement pour moi, mais pour tous les chanteurs. Si j'ai déjà travaillé avec Robert Wilson à La Scala sur Le Retour d'Ulysse dans sa patrie, le second opus de la trilogie de Monteverdi qui débute par L'Orfeo, il se trouve que je dansais d'une façon particulièrement libre, ce qui était très agréable. Dans Poppée, il est très difficile de chanter des passages particulièrement longs et lourds, ainsi que des notes difficiles tout en restant raide ! J'ai dû m'exercer chez moi et j'avoue que les nombreux miroirs accrochés aux murs du Palais Garnier pour les danseurs nous ont aussi été très utiles, à nous chanteurs. De plus les postures sont difficiles à mémoriser, c'est un vrai travail. Mais je reconnais qu'il convient à cette œuvre.

Comment avez-vous contourné cette privation de mouvements ?

Selon moi, les mouvements d'un chanteur sur scène aident à la mise en place de la respiration et du chant. Ici, c'est très différent, et il m'a vraiment fallu travailler pour trouver mes marques. Je dois du reste toujours veiller à respirer profondément. La seule manière de m'en sortir est de remplir chaque mouvement ou chaque posture de sens de façon à établir une connexion entre le chant et la parole… Je dois reprendre cette production à La Scala en février 2015. Je pense que je serai alors plus à l'aise.

Robert Wilson était-il ouvert à la discussion à propos de ces difficultés ?

Disons que son absence le rendait ouvert ! Nous avons travaillé avec son assistant Giuseppe Frigeni. C'est lui qui a monté cette mise en scène et c'est avec lui que s'est tissée une relation. Giuseppe a recueilli tous nos doutes, nos questions et nos demandes. Il jouait le rôle d'intermédiaire avec Robert Wilson et nous revenait avec les réponses du maître… Lorsque Robert Wilson est arrivé, il nous a dit : " Ne soyez pas trop dramatiques et allégez au maximum le jeu. Souriez et prenez du plaisir…". Au final, c'est une expérience que j'ai appréciée et qui compte dans ma progression personnelle.

 

Varduhi Abrahamyan (Ottone) et Monica Bacelli (Ottavia) dans <i>Le Couronnement de Poppée</i>.  © Opéra national de Paris/Andrea Messana

Ce travail très spécifique a-t-il des répercussions sur les rapports humains entre les chanteurs de la distribution ?

Je pense que cette manière de travailler rend la communication plus difficile car nous ne nous touchons jamais en scène, nous ne nous regardons jamais les uns les autres dans les yeux et nous ne nous sentons pas plus. Ce rapport, ou plutôt cette absence de rapport, favorise peut-être la sublimation des liens entre les personnages mais elle a aussi abouti à une absence de relation entre nous pendant la période des répétitions… Mais, par la suite, cette distance observée constamment sur scène et la façon dont chacun a expérimenté les difficultés inhérentes à cette production nous ont en quelque sorte poussés à aller vers les autres, ne serait-ce que pour savoir comment ils se sentaient par rapport à tel ou tel aspect de la mise en scène. À partir de ce moment, nous avons échangé sur ce que le metteur en scène nous avait demandé séparément et nous avons commencé à nous conseiller mutuellement dans ce contexte ou chacun cherchait de l'aide. Maintenant, les chanteurs sont humainement soudés, s'apprécient beaucoup et se le témoignent.

Ottavia est un personnage complexe. Avec quels sentiments le nourrissez-vous ?

Tout personnage d'opéra est un être humain et je me sers plus ou moins d'une partie de l'expérience qui est en moi. Dans cette démarche, il me suffit de partir à la pêche pour trouver les émotions et les réactions adéquates. Ottavia me fait également penser à ma mère et à ma tante. Quoi qu'il en soit, je cherche ce qui peut convenir le mieux à cette Ottavia.

 

Vous développez une véritable intensité face à Ottone interprété par Varduhi Abrahamyan. Comment avez-vous mis en place cette relation théâtrale ?

Comme je vous l'ai dit, tout contact était proscrit. Nous étions alors comme deux planètes munies d'aimants qui jouent sur leur polarité. Nous avons travaillé devant le miroir mais, plus que tout, je devais ressentir Varduhi. Peut-être, durant cette scène, ai-je l'occasion de la voir davantage, mais je n'en suis pas vraiment certaine. Pour Ottavia, sur le plan théâtral, Ottone est un instrument. Elle est désespérée et l'utilise. Ces deux personnages ne s'aiment pas, ce qui se comprend aisément dans la mesure où ils n'ont rien à faire l'un avec l'autre.

 

Monica Bacelli dans l'intermède <i>Livietta e Tracollo</i> au Teatro G.B. Pergolesi de Jesi en 2010.

 

Andrea Concceti (le Gouverneur) et Monica Bacelli (Isolier) dans <i>Le Comte Ory</i> au Grand Théâtre de Genève en décembre 2011.  © GTG/Vincent Lepresle

De l'opéra baroque à la musique contemporaine en passant par l'opéra français du XIXe siècle et la musique de chambre, vous chantez un très large répertoire…

J'aime la musique, j'aime le texte et le théâtre. Dès lors qu'on a les moyens de s'exprimer de façon correcte dans un domaine, je crois qu'il est bon de le pratiquer. Ma voix n'est pas faite pour chanter Verdi ou Puccini, mais tout ce qui n'est pas cela, j'ai envie de le chanter, ou tout du moins d'essayer ! Lorsque j'étais jeune, j'étais entourée par la Pop Music et la première forme musicale que j'ai écoutée était le rock, que je chantais dans ma chambre. Lorsque j'ai dû apprendre à m'exprimer avec une voix lyrique, je n'aimais pas cette manière de chanter peu naturelle. Puis j'ai compris qu'il me fallait utiliser tout ce que me proposait l'héritage de l'histoire du chant, et c'est ce que j'ai essayé de faire au travers de ces différents styles vocaux.

 

<i>Tamerlano</i> au Teatro Real Madrid en 2008. Au centre, Monica Bacelli (Tamerlano), entourée par  Ingela Bohlin (Asteria) et Placido Domingo (Bajazet).

Dans votre approche du chant, vous privilégiez le texte…

Monica Bacelli interprète Sesto dans <i>La Clémence de Titus</i> mis en scène par Ursel et Karl-Ernst Herrmann à La Fenice en 2014.  © Michele Crosera

Je remarque, particulièrement en Italie, que nous sommes parvenus à un point relativement statique quant à l'art du chant. Je crois même que nous avons perdu le sens des mots et de notre langue : l'italien. Or une grande partie du répertoire opératique est écrite dans cette langue. Aujourd'hui, il est de plus en plus courant de privilégier la recherche du son le plus beau possible, le plus rond, voire le plus sombre ou le plus puissant. Tout cela au détriment de la clarté et de la propreté des mots. Peut-être prendra-t-on conscience de cette perte dans le futur mais, à mon petit niveau, je tente de placer le texte au niveau qui lui revient selon moi. Si l'on peut parler de hiérarchie, je placerais d'abord le texte, puis la musique, et seulement ensuite ma voix, que je considère comme un instrument placé au service des compositeurs et de leurs œuvres. Un instrument important, bien sûr, car sans lui le chant resterait au stade de la partition, mais que je compare à un médium. Or nous oublions parfois cette dimension primordiale qui est de servir la musique et non nous-mêmes.

Cette exigence quant au sens des mots vous rapproche de celle des chanteurs de lieder et de mélodies…

La relation entre musique et mots n'est pas la même dans l'opéra et dans la musique de chambre mais la relation est très forte dans les deux expressions. Elle est de l'ordre, non de la couleur chez un peintre, mais de la matière qui porte cette couleur. Même chez Verdi, qui demande de grandes voix, les mots sont primordiaux car ils sont forts. Là comme ailleurs, la sonorité des mots se conjugue au son de la voix et de la musique.

Travaillez-vous dans cet axe avec un coach ?

En italien, je me débrouille seule. En revanche, pour le français, qui est une langue magnifique à chanter mais si difficile à maîtriser, en particulier en raison des voyelles, j'ai besoin d'un coach. Je travaille avec Muriel Corradini. Elle s'entend parfaitement à faire correspondre la phonétique des mots à la musique, sans jamais perdre de vue le sens du texte. C'est avec elle que j'ai préparé le rôle de Mélisande, mais aussi Proses lyriques et les Ballades de François Villon de Debussy que j'ai chantés en récital à La Scala et à Santa Cecillia. J'aime aussi beaucoup Ravel et c'est un grand plaisir que d'avoir pu chanter de nombreuses fois dans L'Enfant et les sortilèges.

 

Dietrich Henschel (Golaud) et Monica Bacelli (Mélisande) dans <i>Pelléas et Mélisande</i> à La Monnaie.  Photo Bernt Uhlig

La saison dernière vous avez interprété le rôle de Mélisande à la Monnaie sous la direction de Ludovic Morlot dans la mise en scène de Pierre Audi. L'étendue de votre voix vous permet de chanter ce genre de rôle de soprano. Cette capacité est-elle un atout pour une carrière ?

La voix de mezzo-soprano appartient à la grande famille des voix de sopranos. Ce qu'on appelle les "mezzo-sopranos" sont nées au XIXe siècle. Ni Monteverdi ni Mozart n'avaient de mezzo-sopranos. Or c'est la même chose avec le style vocal de Debussy dans Pelléas et Mélisande qui remonte au Moyen-Âge. Mélisande est une soprano mais une "soprano médium"… Je pense que, en dehors des contraltos, toutes les autres voix de femmes sont sopranos/mezzo-sopranos. Parfois, la voix de mezzo-soprano se rapproche beaucoup de celle de soprano dramatique. L'étendue vocale est la même mais, bien sûr, ni la couleur de la voix ni sa puissance sont identiques. Je pense en outre que les compositeurs n'ont pas écrit pour un type de voix mais pour une personne, quelle soit Nannerl pour Mozart ou Giuditta Pasta… L'essentiel est de pouvoir se glisser dans un rôle afin qu'il devienne le vôtre propre. Qu'il soit étiqueté soprano ou mezzo-soprano importe peu. Ces catégories sont celles de notre époque…

 

Monica Bacelli (Le Ver) et Rodrigo Ferreira (Re Orso) dans <i>Re Orso</i> de Marco Stroppa mis en scène par Richard Brunel à l'Opéra Comique en 2012.  © E. Carecchio

Vous partagez la même approche de carrière qu'Anna Caterina Antonacci

Nous partageons aussi le même désespoir lorsqu'il s'agit de chercher des pièces que nous pouvons chanter. Je me suis entretenue avec elle et nous sommes souvent confrontés au même problème : les directeurs d'opéras, les chefs d'orchestres et les agents ne savent pas nous utiliser. Les agents pensent en termes de catégories de voix. Par exemple, chez Mozart, on me distribue facilement en Cherubino et beaucoup plus rarement en Donna Elvira. Pourtant, c'est un rôle que je chante, comme je chante aussi Mélisande et Charlotte dans Werther ! Je me dois de remercier parfois certains metteurs en scène qui me proposent des rôles auxquels les autres ne pensent pas. C'est le cas de Graham Vick, à qui je dois d'avoir pu chanter Charlotte. Si vous saviez comme j'aime entendre cette phrase dans la bouche de ceux qui m'invitent à chanter : "Mais peut-être pourriez-vous chanter…" !

Revenons à la Mélisande assez particulière de Pierre Audi à La Monnaie…

Étrange, en effet, car ce doit être la seule Mélisande de l'histoire du théâtre à être chauve ! Mais cette vision est intéressante à jouer car Pierre Audi est un très bon metteur en scène. Sa Mélisande n'est pas de ce monde mais appartient à une autre réalité. Elle représente plutôt une image psychologique de Mélisande issue de l'esprit d'un homme. Quand elle meurt, quelques minutes avant la fin de l'opéra, je devais me faufiler sur le côté de la scène pour enfiler une magnifique perruque qui me faisait de longs cheveux. Enfin !

 

Serena Farnocchia (Alice Ford) Monica Bacelli (Meg Page), Barbara Di Castri (Mr. Quickly) et Rosa Feola (Nannetta) dans <i>Falstaff</i> mis en scène par Maurizio Santi au Théâtre Petruzzelli de Bari en 2013.  © Carlo Cofano

 

Monica Bacelli.  © Diego Diaz

Comment souhaitez-vous évoluer en termes de rôles ?

J'ai déjà interprété Alcina et Sesto dans Giulio Cesare, et j'aimerais maintenant me diriger vers davantage de rôles travestis chez Handel. De même, je n'ai pas encore pu chanter Octavian dans Der Rosenkavalier et j'espère en avoir l'occasion un jour… On m'a déjà proposé la Rhapsodie pour contralto de Brahms mais je n'étais malheureusement pas libre. J'aimerais beaucoup pouvoir la chanter. Je la travaille dans ce but.

Comment se présente votre prochaine saison ?

Tout d'abord, j'irai à Venise pour un récital de musique française. Je chanterai à cette occasion Debussy, que j'aime infiniment, Satie et des mélodies françaises de Weill. Ce sera à La Fenice le 20 septembre, et je serai accompagnée par Claudio Marino Moretti… Je reviendrai un peu plus tard à Paris pour préparer Mediterraneo II de Fausto Romitelli avec l'Ensemble Intercontemporain. Cette pièce pour voix et quatorze instrumentistes sera donnée le 3 novembre prochain à La Scala. Je chanterai aussi à cette occasion les Trois poèmes de Stéphane Mallarmé de Maurice Ravel… Le 27 novembre, je serai au Royal Albert Hall de Londres pour Méliande sous la direction d'Esa Pekka Salonen. Je reprendrai ensuite le rôle d'Ottavia dans Le Couronnement de Poppée mis en scène par Robert Wilson, toujours à La Scala, en février 2015, et ce sera à nouveau Pelléas et Mélisande, mais à Florence pour le Maggio Musicale dans une mise en scène de Daniele Abbado sous la direction de Daniele Gatti.

Quel sera votre mot de la fin ?

J'aime ce que j'ai eu l'occasion de chanter et ce qu'on me confie. Je fais de la musique de chambre, je chante les compositeurs contemporains et l'opéra. Autant dire que ma vie est remplie de musique et que je suis heureuse !



Propos recueillis par Philippe Banel
Le 26 juin 2014

 

Retrouvez Monica Bacelli dans plusieurs captations d'opéras :


Les Noces de Figaro, enregistré en 2006 à La Scala

 

Tamerlano, enregistré en 2008 au Teatro Real de Madrid

 

Livietta et Tracollo, enregistré à Jesi en 2010

Mots-clés

Le Couronnement de Poppée
Monica Bacelli
Opéra Garnier
Opéra national de Paris
Robert Wilson

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