Interview de Mauro Meli à propos de l'intégrale Verdi éditée par C Major

C Major propose l'intégrale Viva Verdi au sein d'un luxueux coffret de 27 Blu-ray ou de 30 DVD accompagnés d'un très beau livret grand format richement illustré proposant l'argument de chaque opéra, sa distribution et le chapitrage. Chaque opéra sort également en DVD et Blu-ray à l'unité en suivant la chronologie de création des œuvres. L'intégrale des titres disponibles à l'unité sera complète à la fin du 1er semestre 2013. Au programme, les 26 opéras de Verdi soit : Oberto, Un Giorno di regno (première en vidéo), Nabucco, I Lombardi, Ernani, I due Foscari, Giovanna d'Arco, Alzira (première en vidéo), Attila, Macbeth, I Masnadieri, Il Corsaro, La Battaglia di Legnano, Luisa Miller, Stiffelio, Rigoletto, Il Trovatore, La Traviata, I Vespri siciliani, Simon Boccanegra, Un Ballo in maschera, La Forza del destino, Don Carlo, Aida, Otello et Falstaff. Les opéras sont complétés par le Requiem et le documentaire Verdi's Backyard.

Tutti-magazine : Comment situer l'intégrale Tutto Verdi dans votre longue carrière dédiée à l'Opéra ?

Mauro Meli : Cette intégrale des opéras de Verdi est à la fois le projet le plus complet, le plus riche et le plus complexe qu'il m'ait été donné d'organiser de toute ma carrière. Je me suis plongé dans ce travail pendant sept années, dès 2005, à mon arrivée au Teatro Regio de Parme. Je venais de quitter la Scala où j'avais eu à cœur de mettre à l'honneur la musique de Verdi, comme durant tout mon parcours. Mais, à Parme, ma mission était de tenter de dédier à la figure titanesque de Giuseppe Verdi une grande partie de l'activité du Teatro Regio. En vue des célébrations de 2013 pour le bicentenaire de sa naissance, une profonde réorganisation de la structure du théâtre et du Festival Verdi était donc nécessaire. Dans cette optique j'ai d'ailleurs déplacé le Festival de mai à octobre.

Unitel a-t-il été partenaire de cette intégrale des opéras de Verdi dès le départ ?

J'ai tout de suite pensé à Unitel en raison de l'intégrale Mozart qu'il avait produite à Salzbourg et qui était un projet comparable à celui que je voulais développer pour Verdi. De fait, cette intégrale Verdi est devenue en quelque sorte une coproduction entre le Teatro Regio et Unitel.

Ce partenariat a donc influencé la programmation du théâtre…

Le cycle des opéras de Verdi montés sur scène a effectivement été programmé en fonction des captations en Haute Définition. Nous avons débuté les enregistrements en vue de l'intégrale par La Traviata, puis nous avons enchaîné avec Oberto et Luisa Miller. En 2005, nous avions déjà capté Ernani au Teatro Regio et c'est cet enregistrement qui a ensuite été intégré à l'intégrale Tutto Verdi éditée en Blu-ray et DVD par C Major.

Que pouvez-vous nous dire du financement de ce projet ?

Ce projet était colossal. Il faut bien se représenter ce que signifie pour un théâtre de produire la mise en scène de quelque 26 opéras. Je ne vous cache pas que tout cela a été d'une complexité extrême. Avec patience, nous avons partagé ce travail entre les compétences. Unitel a pris en charge les frais afférent aux enregistrements et à la post-production en vue de l'édition Tutto Verdi et le Teatro Regio a produit tout ce qui est scénique.

Monter des opéras très peu connus de Verdi vous a-t-il confronté à la difficulté de convaincre des chanteurs d'apprendre de nouveaux rôles ?

Une telle situation n'est effectivement pas facile, et il a fallu convaincre les chanteurs que les rôles étaient faits pour eux. Cela ne peut se faire sans une relation établie sur la confiance. Sans cette confiance, une chanteuse ou un chanteur ne peut concevoir d'étudier un nouveau rôle. Mais, si ce rapport est tissé, il devient possible de parvenir à monter des opéras peu connus. Ce projet de 7 années nous a permis par ailleurs d'assister à des débuts de chanteurs particulièrement impressionnants.

Quel a été l'accueil du public de Parme vis-à-vis des opéras de Verdi qu'il ne connaissait pas ou peu ?

Généralement, les théâtres ne sont pas confrontés à des problèmes lorsqu’ils programment des opéras peu connus, dès lors qu'il s'agit d'œuvres de Verdi, de Wagner ou du XXe siècle. Le public se montre même le plus souvent curieux vis à vis d'un opéra qu'il ne connaît pas. C'est en tout cas ce qui s'est produit à Parme pour les opéras peu connus de Verdi. Attila ou Un Giorno di regno ont même remporté un succès incroyable !

En vue du montage, combien du captations de chaque opéra ont-elles été réalisées ?

Généralement, chaque opéra a été filmé trois fois. Une quatrième captation était uniquement dédiée au son. Nous n'avons quasiment jamais filmé la générale ou la première de ces opéras afin d'être certains que les chanteurs soient au meilleur de leurs capacités. Or nous tenions à produire des opéras de la meilleure qualité possible. Nous avons ensuite procédé comme on le fait généralement dans ce cas : nous avons sélectionné la meilleure représentation d'un point de vue musical et nous avons apporté à cette captation de légères corrections à partir des autres enregistrements.

Le coffret Tutto Verdi de C Major contient les 26 opéras du compositeur, le Requiem et un documentaire. Avec un peu de recul, que pensez-vous de cette édition ?

Je suis très heureux de pouvoir dire que cette réalisation reflète le projet initial qui était de rendre un hommage unique à Giuseppe Verdi. Or, sur le plan de la cohérence musicale, artistique et scénique, je trouve que le pari est gagné. Il n'était pas évident de parvenir à cette unité, et je pense que le coffret Tutto Verdi peut témoigner de notre recherche constante de qualité. Une qualité visant à respecter au mieux chaque opéra de Verdi intrinsèquement, mais dans une perspective qui le relie aux autres œuvres. Nous avons été très attentifs aux mises en scène, au choix des interprètes et des chefs d'orchestres dans cette recherche d'unité. Le projet de départ était ambitieux et nous l'avons réussi même si le Teatro Regio n'a produit que 22 opéras sur les 26 de l'intégrale Verdi.

Pourquoi le Teatro Region de Parme n'a-t-il pas enregistré la totalité des opéras de Verdi ?

Je ne sais pour quelle raison la nouvelle administration de la ville et du théâtre n'a pas jugé opportun de terminer cette intégrale. Les problèmes posés alors à Unitel et C Major pour conclure cette intégrale étaient tels qu'il a été décidé de compléter l'intégrale Tutto Verdi avec 4 opéras qui n'ont pas été produits à Parme mais qui sont malgré tout d'une très grande qualité. En particulier ce fabuleux Otello de Salzbourg dirigé par Riccardo Muti et Alzira, filmé à Dobbiaco avec une jeune distribution particulièrement intéressante. Mais, en dehors de cette orientation finale différente de ce qui était prévu initialement, je me sens fier du résultat au regard de la complexité de ce projet.

Cette intégrale Verdi pourrait-elle un jour être suivie par un autre projet tout aussi ambitieux ?

Mozart a écrit 22 opéras et Verdi en a écrit 26 et le Requiem. Verdi est aussi le compositeur le plus écouté avec au moins 3.000 représentations annuelles de ses opéras de par le monde ! S'atteler dans le futur à un projet aussi riche et porteur me paraît difficile. Je ne vois pas aujourd'hui ce que nous pourrions imaginer…

En ce qui vous concerne, comment voyez-vous l'avenir ?

Après avoir quitté la direction du Teatro Regio en juin 2012, je continue à enseigner l'économie des entreprises culturelles à l'Université de Parme. Voilà un moment que je suis en charge de cette formation. Pour le reste, j'attends que la situation politique italienne se clarifie pour voir si certaines possibilités peuvent se présenter. Cela pourrait aussi venir de l'étranger. Je reste attentif tout en sachant qu'il n'est pas évident de prendre aujourd'hui la direction d'un théâtre après avoir dirigé pendant 25 ans des institutions prestigieuses telles que Ferrara Musica, le Teatro Lirico de Cagliari, la Scala de Milan et le Teatro Regio de Parma. Mais je reste optimiste…

Propos recueillis par Philippe Banel
Le 18 avril 2013

Pour en savoir plus sur Mauro Meli :
mauromeli.youspace.it

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