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Interview de Guillaume Connesson, compositeur

Guillaume Connesson.  © Ben Morris
Nous rencontrons le compositeur Guillaume Connesson à l'occasion de la sortie de son second disque pour le label Deutsche Grammophon. Pour cet enregistrement, le Brussels Philharmonic, placé sous la direction de Stéphane Denève, montre sa capacité à servir au mieux l'inspiration et la sensibilité orchestrale du compositeur… Guillaume Connesson nous parle de son lien avec le flûtiste Mathieu Dufour qui interprète Pour sortir au jour, son Concerto pour flûte et orchestre, mais aussi de son approche de la composition, de ses rencontres marquantes et de son premier opéra…

 

Tutti-magazine : La pièce centrale de votre nouveau disque est le concerto pour flûte et orchestre intitulé "Pour sortir au jour". Quelle est la genèse de sa composition ?

Guillaume Connesson : Le flûtiste Mathieu Dufour, qui interprète ce concerto, avait participé à mon premier disque en enregistrant plusieurs pièces dont la sonate pour flûte et piano Le Rire de Saraï et Techno Parade pour flûte, clarinette et piano. C'était il y a une dizaine d'années, alors qu'il était flûte solo au Chicago Symphony Orchestra. Puis, du temps a passé, et Mathieu Dufour m'a demandé si je pouvais lui écrire un concerto. Ce projet m'est très vite apparu passionnant à plus d'un titre car il s'agissait de travailler à nouveau avec Mathieu qui est un merveilleux interprète doublé d'une personnalité très agréable, mais aussi de collaborer avec le Chicago Symphony Orchestra, ce qui n'est tout de même pas rien !
Tout est ainsi parti d'une commande. Cela étant, j'ai déjà écrit plusieurs concertos et je peux éprouver une envie de créer pour certains instruments davantage que pour d'autres. Par exemple, je dois écrire un concerto pour Renaud Capuçon, mais cela faisait longtemps que je désirais composer un concerto pour violon. La situation était la même lorsque Mathieu Dufour s'est adressé à moi, et l'envie d'écrire un concerto pour flûte que je portais depuis longtemps en moi s'est concrétisée à cette occasion.

 

Mathieu Dufour et Guillaume Connesson.  D.R.

La thématique attachée à votre concerto pour flûte préexistait-elle ?

<i>Pour sortir au jour</i>, édité par Gérard Billaudot.L'Antiquité gréco-romaine et égyptienne me passionne et on peut retrouver trace de cette passion dans nombre de mes compositions. J'avais envie depuis longtemps d'utiliser cette thématique pour une pièce sans savoir que ce serait précisément un concerto pour flûte… Quand cette commande est arrivée, je me suis demandé ce que représentait et évoquait la flûte pour moi. J'ai bien sûr pensé aux chefs-d'œuvre que nous ont laissés Ibert ou Jolivet, mais au-delà de ces legs, et de façon plus persistante, la flûte m'apparaissait comme une sorte d'instrument originel. Et c'est précisément cette envie de flûte des origines qui m'a renvoyé à l'Antiquité égyptienne qui me parle au plus haut point. Je désirais de longue date composer sur Le Livre des morts égyptien et j'ai pensé que la flûte pourrait devenir en quelque sorte le personnage central de mon opéra-concerto. En effet, il s'agit moins d'un concerto que d'un poème symphonique avec flûte principale. Il y a là une vraie narration, ce qui n'est pas le cas dans toutes mes œuvres, et elle est même assez puissante car cette pièce raconte le voyage au pays des Morts du point de vue du mort, symbolisé par la flûte. J'ai lu plusieurs traductions du Livre des morts ainsi que de nombreuses analyses, tant historiques que scientifiques, voire bien plus ésotériques. Certaines étaient même assez délirantes, mais propres à constituer une source d'inspiration. Progressivement, j'ai ensuite bâti le scénario de ce voyage au pays des morts…

La structure de votre concerto pour flûte est assez singulière…

Je voulais éviter d'écrire un concerto construit sur les trois mouvements traditionnels. Non que je rejette cette forme que j'ai déjà utilisée mais, ici, pour une raison difficilement explicable, je sentais que je devais me diriger vers un grand mouvement dans lequel on retrouverait l'alternance d'usage vif-lent-vif, mais où chacun de ces mouvements serait précédé par une sorte de danse rituelle. Je suis ainsi parvenu à cinq mouvements enchaînés : une première danse rituelle suivie du premier mouvement de la structure habituelle du concerto, une seconde danse rituelle qui précède le mouvement lent du concerto, et enfin le Finale qui rassemble pour la première fois danse rituelle et grand orchestre dans un dialogue.

L'orchestre que vous utilisez est aussi assez particulier…

Outre la thématique et la structure, j'ai effectivement pensé cette œuvre à la manière d'un concerto grosso avec, en plus de la flûte soliste, un petit ensemble qui prend place au sein du grand orchestre. Avec ce que j'appelle "l'ensemble égyptien", je me situe dans une dimension sonore imaginaire de l'Égypte antique et non dans une optique de tentative musicologique, de toute façon impossible. Ce petit ensemble est composé de deux hautbois et d'une trompette bouchée qui évoquent les aulos antiques, deux harpes nous renvoient directement aux instruments caractéristiques de l'antiquité égyptienne, et quatre altos solos tendent à représenter l'orgue hydraulique de l'Égypte tardive. De même, j'ai sélectionné une percussion particulière avec des fouets et des sistres qui font tout de suite penser aux instruments que maniaient les danseuses… Ce petit ensemble accompagne la flûte dans les danses rituelles, à l'exception du Finale où il dialogue avec le grand orchestre.

 

Scène du ballet <i>Lucifer</i> de Thierry Malandain sur une musique originale de Guillaume Connesson.  © Olivier Houeix

Des danses rituelles dans votre concerto pour flûte, un ballet qui porte le titre de "Lucifer" : la danse semble beaucoup compter pour vous…

C'est en tout cas une constatation que les gens font et que je reconnais volontiers : j'écris très souvent des pièces qui ont un rapport à la danse. Mais la danse doit être tellement spontanée chez moi qu'il n'y a rien de prémédité. J'aime la danse, mais je pense surtout avoir une attirance pour le lien qui existe entre le corps et le rythme. Parmi mes grands amours d'adolescence, il y a le compositeur Carl Orff et sa fameuse méthode basée sur l'apprentissage du rythme par le corps et les mouvements. Sans doute me reste-t-il quelque chose de ça.
Chez moi, les rythmes ne sont jamais pensés sur le papier. Ils ont un côté organique et émanent du corps. Du reste, je me trouve toujours gêné lorsqu'un interprète restitue le rythme comme s'il était écrit. Je lui demande alors souvent de chanter ce rythme et de le redonner ensuite comme s'il s'agissait d'un rythme oral, à la manière des musiciens de jazz ou de pop. Lorsqu'un bassiste de jazz exprime un rythme, il le sent et ne le lit pas sur le papier. C'est ce rythme qui ne passe pas par l'écrit que je recherche. Pour moi, la partition n'est là que pour figurer un pont de mémoire entre le rythme et le corps.

"Pour sortir au jour"* a été créé en 2014 par Mathieu Dufour. La personnalité de l'interprète est-elle
entrée en ligne de compte dans le processus de composition ?

Mathieu Dufour.  D.R.Pas du tout ! Je connaissais Mathieu de façon assez professionnelle en raison du premier disque dont je vous ai parlé. Mais, lui habitant Chicago et moi Paris, nous ne nous sommes pas rencontrés une seule fois durant toute la période d'écriture du concerto. Nous n'avons pas non plus spécialement été en contact. Je lui ai envoyé la pièce une fois terminée, il l'a jouée et m'a assuré qu'il ne rencontrait aucun problème particulier. Ce n'est qu'une fois à Chicago que je l'ai vu, le matin même de la répétition avec orchestre. Nous nous sommes retrouvés dans une petite pièce autour d'un piano. Il m'a alors joué le concerto et je dois avouer une chose qui n'est pas si fréquente : je n'avais rien à ajouter ! C'était parfait, et c'est ce que je lui ai dit. Mathieu, comme souvent les gens qui excellent, est un musicien qui doute. Aussi, il était demandeur de remarques que j'aurais pu lui faire. Mais, sauf à inventer, je ne pouvais vraiment rien lui dire. Ensuite, bien sûr, au fur et à mesure du travail avec l'orchestre, se sont imposés des ajustements de nuances ou, parfois, d'articulation. Mais il y avait là comme une évidence absolue…
Quant à la personnalité de Mathieu, il y avait pourtant bien un lien, mais je l'ignorais complètement en écrivant pour lui. Juste après avoir obtenu son Bac, il s'est inscrit à un cursus d'Antiquité égyptienne à la Sorbonne. Cette matière est même une des grandes passions de sa vie. "Tu ne pouvais pas faire mieux !", voilà ce qu'il m'a dit en découvrant le thème sur lequel j'avais composé. Et je vous prie de croire qu'il ne s'agit pas d'une histoire visant à enjoliver les biographies, mais bien d'un hasard résultant de choses non-dites. Ceci dit, avec Mathieu, je peux parler de belle entente entre nous…
Ceci étant, si je me réfère à mes autres concertos, je n'ai pas vraiment davantage composé en pensant aux solistes qui allaient les jouer. Jérôme Pernoo est un grand ami, mais je n'ai pas écrit le concerto pour violoncelle en pensant particulièrement à lui ou à sa personnalité. Je l'ai composé dans mon univers intérieur. Par ailleurs, lorsqu'un compositeur a la chance d'être joué par des interprètes de ce niveau, l'apport ne réside pas tant dans une personnalité que dans une vraie liberté car de tels musiciens sauront réaliser ce que chante votre utopie intérieure. Ensuite, naturellement, ils prennent possession de l'œuvre. Mais cette dimension n'entre pas en ligne de compte dans mon processus d'écriture.
* Un extrait de Pour sortir au jour de Guillaume Connesson, interprété par le flûtiste Mathieu Dufour et le Brussels Philharmonic dirigé par Stéphane Denève, est proposé à la fin de cet article.


Le Brussels Philharmonic répète les œuvres de Guillaume Connesson avant l'enregistrement pour Deutsche Grammophon.  © Ivan Put

Sur ce même disque, sont proposées trois pièces symphoniques dont vous dites qu'elles rendent hommage chacune à un pays et à une culture qui vous est chère : l'Allemagne, l'Italie et la Russie. Les lieux sont-ils source d'inspiration pour vous ?

Partititions de <i>E chiaro nella valle il fiume</i>, <i>Flammenschrift</i> et <i>Maslenitsa</i> de Guillaume Connesson, éditées par Gérard Billaudot.Oui, c'est une dimension à laquelle je suis très sensible, ce qui explique que j'ai composé ce triptyque symphonique. Je connais assez bien et j'aime de façon différente chacun de ces trois pays. J'ai un rapport familial assez fort avec l'Italie et, comme de nombreux musiciens, je nourris une passion de toujours pour la culture germanique, qu'elle soit littéraire, musicale, philosophique ou historique. Quant à la Russie, c'est un pays dans lequel je me suis souvent rendu car une compagne russe a partagé ma vie. J'entretiens donc un lien intime avec ces pays-là et, si je les ai choisis, c'est en raison de l'histoire qui me lie à eux davantage que pour leur histoire musicale.
Dans E chiaro nella valle il fiume appare, par exemple, j'évoque la musique de l'Italie par quelques petites allusions : une chanson napolitaine et une brève citation du Paillasse de Leoncavallo. Mais ce n'est pas là l'essentiel car ce sont des souvenirs personnels qui ont guidé ma composition à la façon d'un carnet intime.
Pour l'Allemagne, les circonstances sont un peu différentes car il s'agit d'une commande de Daniele Gatti pour l"Orchestre National de France, afin d'accompagner un cycle Beethoven. Plusieurs compositeurs ont participé à ce cycle, dont Pascal Zavaro et Fabien Waksman, que j'aime beaucoup. La pièce que je devais écrire, au départ, devait rendre hommage au compositeur, avoir un lien avec sa Symphonie No. 5 et utiliser la même nomenclature d'orchestre. De ce lien avec une symphonie spécifique, j'ai voulu élargir le propos à Beethoven en général et faire un portrait psychologique de ce personnage qui me fascine et m'attire autant qu'il me repousse. Cette pièce - Flammenschrift - se voulait un hommage à l'Allemagne. Des trois pièces, c'est sans doute la plus tournée vers un hommage musical au pays. C'est la raison pour laquelle vous y trouverez des allusions à Brahms et Strauss, qui sont des compositeurs que j'apprécie beaucoup.
Enfin, j'ai reçu commande d'une pièce en forme d'hommage à la Russie que j'ai honorée avec joie, Maslenitsa.
S'agissant de pièces écrites dans des circonstances très différentes, l'idée même de triptyque s'est imposée après avoir composé Flammenschrift et Maslenitsa. Lorsque le Festival de Besançon m'a commandé une pièce, j'ai eu envie de composer un mouvement lent qui se placerait au centre des trois œuvres : E chiaro nella valle il fiume appare.

 

Guillaume Connesson, Daniele Gatti, Bruno Montovani, Pascal Zavaro, Bechara El-Khoury et Fabien Waksman réunis autour du buste de Beethoven de Rodin.  © Radio France/Christophe Abramowitz

La pièce reliée à l'Italie, dans sa partie lyrique, renvoie à une inspiration quasi Hollywoodienne. Vous reconnaissez-vous dans l'esthétique de Bernard Herrmann ou Franz Waxman ?

Le Brussels Philharmonic interprète <i>Flammenschrift</i> de Guillaume Connesson en concert.  © Ivan Put

J'aime beaucoup la musique de films en général, et la musique américaine jusqu'aux années quatre-vingt, c'est-à-dire jusqu'à John Williams. La production qui a suivi m'intéresse bien moins, voire plus du tout aujourd'hui. Waxman s'exprimait dans les années 1940, mais Herrmann n'utilisait plus ce grand orchestre ronflant des Korngold, des Waxman et Steiner. Je ne le place donc pas tout à fait dans la même catégorie, mais je l'adore également. Ceci étant, cette musique fait partie de mon ADN musical et j'ai plaisir à l'écouter au même titre que des grands maîtres classiques.

Sur le pré-CD envoyé aux journalistes ces trois pièces symphoniques étaient proposées à la suite. Mais sur le disque qui est commercialisé aujourd’hui même, le Concerto pour flûte est proposé juste après la première pièce de la Trilogie, qui se retrouve donc scindée. Pour quelle raison ?

Cette décision fait suite à plusieurs échanges avec mon ami Stéphane Denève, qui dirige l'orchestre pour ce disque. Ensemble, nous avons écouté le programme dans l'ordre logique, c'est-à-dire en regroupant les éléments du triptyque, puis le concerto. Mais nous nous sommes aperçus que, de la sorte, le concerto était quelque peu écrasé par l'aspect éruptif de la musique qui le précédait. Par ailleurs, placer le concerto au début du disque nous paraissait curieux. Puis, en raisonnant, nous sommes arrivés à la conclusion suivante : un disque doit pouvoir s'écouter, non plage par plage, mais d'un bout à l'autre de manière équilibrée, comme le serait un concert. Or, dans le cadre d'un concert, on proposerait une ouverture d'orchestre, puis le concerto, et les pièces orchestrales en seconde partie. C'est du reste l'ordre que nous avions retenu pour un concert privé donné au moment de l'enregistrement du disque. Le programme nous avait alors semblé très bien fonctionner ainsi. Nous avons donc conservé cet ordre, au risque de paraître curieux au plan de l'unité, car l'écoute continue en ressort gagnante.

Pour ce nouvel album chez Deutsche Grammophon, vous retrouvez Stéphane Denève qui avait dirigé votre musique pour un disque sorti chez Chandos en 2010. Trouvez-vous ce chef en osmose avec votre style ?

Stéphane Denève.  © Bart DewaeleAvec Stéphane, il s'agit de la collaboration de ma vie. Nous nous sommes rencontrés en 2000 de façon assez étonnante. Un jour, un jeune chef du nom de Stéphane Denève me téléphone : "Nous ne nous connaissons pas. Je vais bientôt diriger mon premier concert américain à Washington et on me propose Métaboles de Dutilleux. Mais je préférerais programmer un compositeur de ma génération. J'ai contacté des éditeurs français qui m'ont envoyé un grand nombre de partitions et j'aimerais diriger votre Supernova !". Stéphane Denève avait beaucoup lu et écouté avant de me contacter et je tiens à le souligner car peu de chefs se familiarisent ainsi avec les œuvres avant de les diriger… Nous nous sommes retrouvés chez moi et là, nous avons eu une grande discussion sur la musique contemporaine et sur nos études. C'est ainsi que notre relation a commencé à se construire. Après ce premier concert où il dirigeait ma musique, il y en a eu beaucoup d'autres, puis il a été nommé à la tête du Royal Scottish National Orchestra et m'a proposé une résidence en tant que compositeur. Je dois dire aussi que Stéphane a commencé par diriger des pièces que j'avais déjà écrites, à l'inverse de chefs qui n'acceptent que des créations, sans doute pour des raisons narcissiques. Dans le cadre de ma résidence, j'ai composé pour le Royal Scottish et lui Une Lueur dans l'âge sombre, puis Aleph. Avec The Shining One, ces pièces ont composé l'enregistrement que nous avons réalisé chez Chandos. Là aussi un très beau moment.
Voilà 16 ans que je collabore avec Stéphane Denève et je dois dire qu'il se montre d'une très grande fidélité à mon œuvre et d'une obstination vis-à-vis d'elle vraiment extraordinaire. Stéphane a été un incroyable ambassadeur de ma musique. Je lui dois aussi de m'avoir fait découvrir plusieurs compositeurs car, contrairement aux chefs qui se focalisent en priorité sur leur plan de carrière, Stéphane découvre et écoute beaucoup de nouvelles pièces.
J'ajouterais que cette collaboration ne se limite pas à ce que je lui envoie des pièces et qu'il les dirige. Tout d'abord parce que cette relation est une vraie amitié et que Stéphane s'intéresse à ce que j'écris, y compris lorsqu'il s'agit d'œuvres qu'il ne va pas diriger. Nous communiquons beaucoup, je l'appelle au téléphone et lui joue au piano ce que j'ai écrit, il me communique ses impressions, approuve ou critique, n'hésite pas à remettre en cause… J'ai avec lui un véritable dialogue artistique que je trouve capital car je ne tiens aucunement à entretenir avec les interprètes un échange qui soit pyramidal où l'œuvre du compositeur descend crânement au niveau des interprètes qui ne sont alors plus que des exécutants, un bien vilain terme ! J'aime l'échange avec les interprètes car il est très stimulant.

 

Stéphane Denève et le Brussels Philharmonic.  © Wouter Van Vaerenbergh

Pour votre dernier disque, êtes-vous beaucoup intervenu durant les sessions d'enregistrement avec Le Brussels Philharmonic ?

Je suis intervenu essentiellement sur des options d'interprétation et de choix de tempi. J'ai également opéré quelques modifications sur certaines pièces. Mais toutes n'avaient pas la même histoire. Par exemple, j'avais eu l'occasion d'entendre plusieurs fois Flammenschrift, alors que je découvrais la pièce italienne par l'orchestre. J'ai donc fait beaucoup d'ajustements d'orchestration sur E chiaro nella valle il fiume appare, allégé certains passages et renforcé d'autres. Quant au concerto, je l'avais déjà retravaillé depuis la création à Chicago. Ceci dit, lorsque j'interviens lors d'un enregistrement, c'est généralement pour des questions d'équilibre et de tempi.

Vos pièces pour orchestre montrent une grande richesse d'orchestration. Avez-vous travaillé avec un ou des maîtres pour parvenir à cette maîtrise ?

Certaines personnalités m'ont indéniablement marqué. Par exemple, ma rencontre avec Marcel Landowski a été déterminante dans ma vie. Mais, strictement au plan de l'orchestration, pas vraiment, et je me sens assez autodidacte dans ce domaine. C’est davantage auprès de nos grands anciens, que malheureusement je n'ai pas pu connaître, que je me suis nourri. Je pense en particulier aux compositeurs du début du XXe siècle, mais aussi à John Adams, avec lequel j'ai eu quelques échanges épistolaires. Olivier Messiaen, que je n'ai eu l'occasion de croiser qu'une seule fois, m'a aussi beaucoup marqué. Ces compositeurs ont été pour moi des modèles.

 

Guillaume Connesson au Danemark pendant l'enregistrement d'un disque de sa musique de chambre.  D.R.

Pour de nombreux interprètes, aucun enregistrement ne peut restituer un concert vivant. Mais, pour vous, le studio semble être un lieu d'aboutissement supérieur ?

Il est nécessaire de bien différencier une œuvre jouée plusieurs milliers de fois par an comme un Prélude de Chopin, pour laquelle je comprends parfaitement qu'un interprète préfère la spontanéité du concert à la comparaison sur disque avec les références en la matière. Mais, s'agissant de musique contemporaine, un compositeur se heurte au fait que sa musique est le plus souvent mal jouée. Cela s'explique par le temps dévolu aux répétitions qui est sensiblement le même pour une œuvre contemporaine que pour une pièce de répertoire déjà connue et souvent reprise. Alors, forcément, le résultat n'est pas le même. Croyez-moi, si vous entendiez une symphonie de Brahms jouée de la même façon qu'on traite la plupart des créations d'orchestre, vous ne pourriez pas demeurer dans la salle tant vous seriez horrifié du résultat ! Sans généraliser, très souvent, l'expérience du concert s'apparente pour le compositeur vivant à une expérience de frustration car il entend seulement une partie de son œuvre.


Guillaume Connesson au Danemark pendant l'enregistrement d'un disque de sa musique de chambre.  D.R.L'enregistrement, au contraire, permet un rendu définitif. Surtout si, comme pour mon dernier disque, on a la chance de bénéficier de conditions de rêve. Celles-ci m'ont permis d'entendre ma musique jouée comme, peut-être, je ne l'ai jamais entendue. Absolument toutes les notes étaient là, bien en place. De plus, les musiciens devenaient tellement imprégnés par mon style qu'ils commençaient à le restituer comme une œuvre de répertoire.
Imaginez que pour un concert d'orchestre, une œuvre de 10 ou 15 minutes n'ait été travaillée que lors d'un demi-service de répétition, c'est-à-dire 1 h 30, puis d'une générale qui sera suivie du concert. Comment voulez-vous défendre de façon aboutie une œuvre inconnue dans ces conditions ? Alors sans doute peut-on reprocher au disque un côté figé, et l’absence de fulgurance de certains rares concerts. Mais, contrairement au concert qui me permet d'entendre environ 60 % de ce que j'ai écrit, l'enregistrement est le lieu qui me place face à ce que j'ai réellement composé. Je pense d'ailleurs que si nombre de mes confrères compositeurs pouvaient bénéficier de 15 jours de studio comme cela a été le cas pour mon dernier disque, ils choisiraient cette solution plutôt que devoir se contenter de CD faits à partir d'enregistrements live peu satisfaisants. Pour cela, je suis persuadé qu'ils sacrifieraient sans état d'âme cette "spontanéité du concert".

Pour le lancement de "Lucifer", votre précédent disque chez Deutsche Grammophon paru en 2014, vous disiez considérer que toute votre production s'apparente à une sorte d' "opéra frustré"…

Je suis aujourd'hui un peu moins frustré qu'il y a 3 ans car j'écris en ce moment un opéra pour l'Opéra de Bordeaux : Les Bains macabres, sur un livret original de l'écrivain Olivier Bleys. Contrairement à ce que le titre pourrait laisser entendre, il s'agit d'un opéra-bouffe, d'une farce macabre. Cet opéra devrait être créé dans deux saisons…
Je ne voudrais cependant pas que la boutade que j'ai sortie à propos de Lucifer laisse à penser que mes compositions antérieures constituent des esquisses de l'opéra que j'écris en ce moment. Mais il est vrai qu'il y a toujours en filigrane dans ma musique la présence du théâtre. Et pour rejoindre votre question sur la danse : le corps en scène dans un espace donné alimente toute mon œuvre.

Dans le livret de votre nouveau disque, Bertrand Dermoncourt écrit que vous cherchez à créer des images fortes, propres à impressionner durablement l'auditeur. On ne pourrait pas mieux dire à propos d'un metteur en scène ou d'un réalisateur de cinéma…

C'est vrai et, d'ailleurs, je suis très cinéphile. Je suis né en 1970 et appartiens à une génération où l'importance de l'image n'est pas un mystère. Du reste, aujourd'hui, l'image est en train de dévorer le sonore, à tel point que se répand beaucoup dans la musique classique et dans la création un besoin de placer de l'image partout, comme s'il fallait remplir un vide et que la dimension exclusivement sonore ne suffisait plus. Une Symphonie de Beethoven se suffit pourtant à elle-même. J'aimerais également croire que ma musique, malgré son aspect visuel, ne nécessite pas pour être intéressante un quelconque support, qu'il soit chorégraphique, visuel ou autre. Mais nous évoluons dans un univers où le visuel est omniprésent quoi que nous fassions et, en tant que compositeur, mon âme est également baignée dans ce contexte.

 

Scènes de <i>Lucifer</i> chorégraphié par Thierry Malandain sur la musique de Guillaume Connesson.  © Olivier Houeix

Votre ballet "Lucifer " a été chorégraphié par Thierry Malandin. Comment avez-vous reçu les images d'un autre créateur qui, sur scène, se sont superposées aux vôtres ?

Il se trouve que j'ai aussi écrit le livret de ce ballet. On peut donc parler vraiment ici de "mes images". Je portais en moi le thème de Lucifer depuis très longtemps et je visualisais parfaitement les différents personnages ainsi que leurs interactions en scène. J'ai donc nécessairement traversé un petit moment de stupeur et d'adaptation car le Lucifer que je voyais sur scène n'était pas le Lucifer intérieur que je nourrissais en moi depuis 10 ans. Ceci étant, j'ai vraiment beaucoup aimé le magnifique travail de Thierry Malandin. Marcel Landowski, qui a écrit beaucoup d'opéras, m'avait dit alors que j'étais adolescent : "Tu vas voir, une chose est dure avec l'opéra : tu vas rêver ton héroïne ou ton personnage, et arrivera une soprano ou un ténor qui n'aura pas du tout le visage de tes rêves, qui ne chantera pas comme tu l'as imaginé, et tu devras accepter d'être dépossédé de ton œuvre". C'est la règle du jeu, et même aussi un enrichissement. Dans le cas de Lucifer, les danseurs de Malandin sur ma musique ont abouti à un spectacle qui m'a réellement bouleversé, et peut-être même davantage que mes propres images intérieures. Quand une collaboration fonctionne, elle apporte une dimension supplémentaire.

 

Guillaume Connesson aux côtés d'autres compositeurs lors d'un voyage en Chine organisé par Radio France.  D.R.

Vous employez en interview le terme de "famille musicale". Que recouvre-t-il ?

C'est assez compliqué à expliquer car ma propre vision ne correspond pas nécessairement à ce que l'on ressent à l'écoute de ma musique. Certaines caractéristiques me semblent cependant communes à toutes mes pièces. Le langage qui peut me définir est un attachement au tonal élargi, dans lequel je regroupe la musique modale. Cette tonalité est si large et si libre qu'elle flirte parfois avec l'atonalité et peut même devenir parfois totalement atonale dans certains passages. Ce n'est pas fréquent chez moi, car j'emploie davantage l'atonalité comme une couleur spécifique et non comme un univers à part entière, mais cela peut arriver. Par ailleurs, j'ai un véritable attachement aux hiérarchies des plans sonores, c’est-à-dire à l'idée d'une ligne dominante soutenue par un accompagnement. Par exemple, je ne me situe pas dans un éclatement de l'espace comme un Pollock en peinture, ce qui caractérise souvent la musique contemporaine. De même, je suis attaché à une certaine pensée rythmique basée sur une pulsation et des rythmes plus spontanés qu'intellectualisés. Tout cela me situe globalement dans le continent que je nommerais plutôt "musique tonale" et me relie à toute une tradition de musique française. Pour moi, la musique tonale a toujours existé et, après la Seconde guerre mondiale, je la rattache à des compositeurs comme Britten, Shostakovich, Barber, Bernstein et Messiaen dans ses premières et dernières périodes. Je m'inscris donc dans la continuation d'un courant et, pour répondre plus précisément à votre question, je rejoins une famille française où l'on trouve Ravel, Debussy, Roussel et Honegger qui était le maître de Marcel Landowski, mon propre maître. D'où, je l'espère, une certaine idée de filiation.

Une autre famille de compositeurs est devenue importante pour moi, la famille américaine de la branche minimaliste, celle de Steve Reich, Philip Glass, et surtout la deuxième génération avec des compositeurs comme John Adams. La découverte de la musique de John Adams à la fin des années quatre-vingt a été pour moi un moment très important, au même titre que la découverte d'Olivier Messiaen quelques années plus tôt.

Avec "Une Lueur dans l'âge sombre" qui constitue la seconde partie de votre "Trilogie Cosmique", puis votre concerto pour piano "The Shining One", ou "Lucifer" entendu comme "porteur de lumière", le thème de la lumière qui éclaire les ténèbres semble vous toucher particulièrement…

Ce n'est pas faux car j'ai très peur de l'obscurité. Je crains beaucoup la nuit et n'aime que le jour et la lumière. Ceux qui vivent à mes côtés savent que la première chose que je fais est d'allumer toutes les lumières car j'ai vraiment besoin d'une grande clarté pour me sentir bien. Ce réflexe très intime remonte sans doute à des peurs enfantines… Au-delà de cet aspect du quotidien, et plus évidemment symboliquement, je retrouve dans mon œuvre cette opposition très traditionnelle de l'obscurité et de la lumière. Mais, comme pour ce qui concerne la danse, je constate cela a posteriori. À la base de mes compositions, il n'y a pas de volonté de m'inscrire dans cette thématique mais le désir doit me porter et, au bout de plusieurs pièces, je remarque que ce thème revient souvent chez moi. Je ne saurais expliquer davantage cet état de fait, mais je me dois d'ajouter que cette symbolique rejoint ma passion pour l'astrophysique. Ce thème de la lumière m'inspire par le biais de la science ou de la religion, et parfois même par la littérature populaire. J'ai ainsi composé The Shining One en me basant sur The Moon Pool*, un roman d'Abraham Merritt, sorte de Jules Verne américain de la fin du XIXe siècle. Dans cette histoire, l'élément central est une entité lumineuse maléfique nommée "The Shining one". Ici, il s'agit d'un cas où la lumière peut devenir angoissante.
* The Moon Pool est traduit en français sous le titre Le Gouffre de la lune.

À 46 ans, quels sont vos désirs de composition ?

Je suis un homme très chanceux car je me situe dans une période où, globalement, mes désirs se réalisent. Un tel moment est particulièrement riche. La composition d'un opéra était un besoin qui me restait à assouvir, et le projet que je développe pour l'Opéra de Bordeaux arrive à point pour me combler. Si je me projette, je souhaiterais poursuivre dans cette voie et composer d'autres opéras. J'espère d'ailleurs que l'opéra occupera mes années à venir…
Un autre point qui me semble important à aborder est celui de la petite sclérose de la formation symphonique. Je suis un grand défenseur du symphonique - 80 % de mes compositions sont écrites pour des orchestres symphoniques -, mais je ressens un caractère très figé à la fois dans les formats de commandes et dans les nomenclatures. La composition de l'orchestre s'est en gros figée en 1910 et a très peu évolué depuis. Les tentatives opérées en ce sens par Pierre Boulez en amplifiant les percussions n'ont pas totalement été réalisées. Il y a certes aujourd'hui davantage de percussions dans les orchestres, et elles sont aussi plus diversifiées, mais il reste compliqué de composer un véritable orchestre de percussions à l'intérieur d'une structure symphonique. Sans parler de l'apport de l'électronique qui reste toujours très problématique dans ce cadre. Le plus souvent, le temps manque pour faire des réglages de son et les personnes compétentes manquent pour réaliser des réglages pointus. Ceci est directement lié à un problème d'argent, car le budget additionnel nécessaire ne rentre pas dans le fonctionnement traditionnel des orchestres. Les compositeurs contemporains réalisent donc leurs rêves avec de petits ensembles, mais forcément dans un cadre beaucoup plus chambriste. Voilà pourquoi je rêve d'un monde symphonique dans lequel les compositeurs jouiraient d'une plus grande liberté quant au choix des nomenclatures et des formats, afin d'échapper aux sempiternelles 10 ou 15 minutes programmées en première partie de concert avant une Symphonie de Mahler en deuxième partie, histoire de jouer la carte de la sécurité.

 

Applaudissements nourris pour le <i>Concerto pour violoncelle</i> de Guillaume Connesson interprété par Jérôme Pernoo et l'Orchestre National de France dirigé par Stéphane Denève, le 22 septembre à Radio France.  © Radio France

Se méfie-t-on toujours du compositeur contemporain ?

Ce monde, dans lequel le compositeur vivant est souvent un alibi ou un invité supplémentaire qu'on case sur un strapontin, est un monde qui m'agace. Et je pense que cela tient à deux responsabilités. Tout d'abord celle des chefs et des directeurs d'orchestres qui devraient se montrer plus curieux voire plus courageux. Paradoxalement, l'apocalypse ambiante devrait aider par une prise de conscience qu'il est grand temps de renouveler le répertoire totalement muséifié des orchestres et des opéras. Ensuite, il y a aussi une responsabilité des compositeurs, car une nomenclature s'impose quand un chef-d'œuvre l'impose. J'entends par là que si deux harpes sont chose courante dans l'orchestre symphonique, c'est parce que des chefs-d’œuvre comme La Mer ou Daphnis et Chloé nécessitent deux harpes. Les pièces dictent la nomenclature. Si l'électronique ou neuf percussionnistes ne s'imposent pas complètement c'est tout simplement qu'aucune œuvre n'est entrée au répertoire avec ce type de nomenclature. Et là on touche le problème du répertoire car force est de reconnaître qu'il y a bien longtemps que les nouvelles œuvres entrant au répertoire représentent quantité négligeable. De plus, si l'on considère que des œuvres relativement récentes comme Métaboles de Dutilleux et The Chairman Dances de John Adams font aujourd'hui partie du répertoire, on remarque que ces pièces utilisent une nomenclature d'orchestre déjà de mise en 1910. Je vous mets au défi de trouver une œuvre faisant appel à une spatialisation, une percussion très élargie ou une nomenclature originale dans un répertoire d'orchestre ! Or cette sclérose du répertoire devient celle de la création.
Il est donc nécessaire de créer des œuvres qui vont susciter suffisamment de désir de la part des interprètes pour entrer dans le répertoire. Ces œuvres-là imposeront de nouvelles normes.

 

Guillaume Connesson par Ben Morris.  D.R.

Le contexte actuel vous semble-t-il favorable à une telle évolution ?

Pas du tout, car nous assistons à un nombre de répétitions qui se réduit, ce qui favorise la reprise d'œuvres déjà jouées qui demanderont nécessairement moins de travail qu'une pièce nouvelle et difficile. Tout le système est organisé de telle façon que l'utopie n'existe que dans un cadre extrêmement restreint. Mais j'ai aussi tout à fait conscience que les utopies musicales de l'après-guerre ont été à l'origine de catastrophes. Autrement dit des œuvres absolument inécoutables, souvent injouables, écrites par des compositeurs à moitié sourds ou qui ne maîtrisaient pas la technique de composition. Peu à peu, tout ce système alimenté par beaucoup de snobisme et d'hypocrisie, a fini par dégoûter bien des interprètes qui se sont alors retournés vers le répertoire, voire vers le baroque qui est devenu une forme de création. C'est en effet le répertoire baroque qui a permis de revivifier aussi le répertoire romantique et du début du XXe siècle qui se limitait à 150 ans d'histoire de la musique… Je n'ai pas de boule de cristal pour vous dire comment la situation va évoluer, mais il me semble que nous vivons la fin d'un monde, et je suis convaincu qu'il faut participer à faire évoluer les choses. À mon sens, cette évolution passe par la composition de nouvelles œuvres convaincantes.

 


Propos recueillis par Philippe Banel
Le 24 juin 2016



Pour en savoir plus sur Guillaume Connesson :

http://www.billaudot.com/fr/composer.php?p=Guillaume&n=Connesson

 

 

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