Yuri Bashmet a été filmé à Montpellier en 1990, ville dans laquelle il s'installe la même année avec les "Solistes de Moscou" qu'il dirige, tandis que les événements politiques en URSS venaient de changer la donne pour les artistes soviétiques, les autorisant à sortir de leur pays.C'est avant tout sur les trois élèves que l'intérêt pédagogique se concentre dans le reportage de Jacques Deschamps. Et on ne manquera pas de comparer la manière très différente dont le savoir de Bashmet est transmis avec celle de Gérard Poulet [faire lien], objet d'un autre intéressant volet de la série Les Leçons particulières de musique.
Hormis la barrière de la langue, ou peut-être en raison de celle-ci, les relations maître/élèves prennent une direction tout autre. Si les mots sont parfois impuissants, l'intention est suppléée par le geste, par l'exemple musical. Ainsi, souvent Yuri Bashmet s'empare-t-il de l'alto de l'élève pour jouer à sa place, un bon exemple valant mieux, semble-t-il, qu'un long discours.
Ses idées fondatrices sont simples : d'abord jouer ce qui est écrit puis seulement alors travailler le son et l'interprétation. Le musicien peut faire ce qu'il souhaite du moment qu'il respecte les idées musicales du compositeur. Un de ses élèves fera d'ailleurs les frais de son exigence : avec une gentillesse moqueuse mais ferme, il lui dit simplement qu'il ne connaît pas la partition et qu'il doit aller la travailler ! La pédagogie est brute et se cherche, mais l'essentiel est dit. Bashmet n'a pas de temps à perdre…
Les séquences captées en dehors des cours nous en apprennent un peu plus sur la vie privée de l'altiste, son parcours musical totalement atypique et les raisons de son choix porté sur l'alto. Devant son impossibilité à faire deux choses à la fois avec assurance et sa quête d'un son idéal rêvé mais, pour lui, toujours introuvable, Yuri Bashmet avoue une certaine impuissance. Mais cet aveu n’est pour lui, on le comprend, qu'un moyen pour mieux avancer.
Les quelques séquences de travail avec sa jeune fille au piano sont de rares moments dont nous sommes les témoins privilégiés.
À noter : Dans ce documentaire, Yuri Bashmet et les musiciens rencontrés s'expriment soit en anglais, soit en russe.
Nicolas Mesnier-Nature