Ce documentaire présente un héros - Emilio Balcarce, dynamique octogénaire, tranquille promeneur de chiens et musicien de tango -, et un jeune contrebassiste, Ignacio Varchausky, qui émet une idée un peu folle : créer un orchestre-école pour une génération nouvelle avide de savoirs et de repères dans un pays en pleine crise économique et sociale.
Le thème fondamental est ici la transmission du savoir.
De jeunes interprètes recherchent partitions et vieux vinyles, écoutent consciencieusement.
Quelque chose manque toutefois, qui ne se transmet ni par la lecture ni par l'écoute, mais uniquement par la rencontre avec les créateurs ou les instrumentistes à l'origine d'un style.
Il faut ainsi remonter le temps, et la recherche se transforme en course contre la montre. Les maîtres du tango sont nés autour des années 1920…La première rencontre musicale entre Ignacio Varchausky et Emilio Balcarce, après un temps de persuasion, se fait dans la cuisine du vieux maître, avec un bandonéon et une chanteuse membre de la famille.
Les souvenirs reviennent, le passé ressurgit, en direct, et le projet se met en place. Difficilement, avec opiniâtreté, il prend forme.
Les anciens se regroupent, parlent de leurs propres maîtres : Troilo, Pugliese et Gobbi, les fondateurs, les créateurs des différents styles, des différentes techniques, ceux qui leur ont transmis les gestes sans passer par l'école, ni le disque, ni les partitions.
Rien n'est écrit, les anciens enregistrements ne renseignent pas sur les coups de poignets donnés sur l'archet de la contrebasse.
C'est un vieux maître qui va l'enseigner aux jeunes du groupe.
Cette nouvelle génération compte de très bons musiciens de tango, mais, comme pour la musique classique, trop proches de leurs partitions.
Ils ont perdu mais retrouveront l'interprétation, le geste, ce rien qui fait tout.
Codifier la technique par le visuel : voici la clé de la préservation pour les générations futures.Le projet mènera le groupe et son mentor à Paris, au Théâtre National de Chaillot : alignement de bandonéons, violoncelle, contrebasse, violons.
Emilio Balcarce dirige et le succès est total !
Parti de sa cuisine, et après 5 années d'une véritable renaissance, nous retrouvons le dynamique Emiio au Théâtre Colon de Buenos Aires. Malgré ses doutes et ses angoisses auditives, le vieil homme a rempli sa tâche.
En 2009, l'UNESCO inscrit le tango sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.
La relève semble assurée…
Nicolas Mesnier-Nature