Neeme Järvi est le directeur musical de l’Orchestre de la Résidence de La Haye depuis 2005.
Son nom s’ajoute à la prestigieuse liste de ses prédécesseurs qui comprend Willem Van Oterloo, Jean Martinon, Ferdinand Leitner et Evgenii Svetlanov pour ne citer qu’eux.
Rappelons qu’il a étudié la direction d’orchestre auprès d’Evgeny Mravinsky à Leningrad et qu’il est le père de deux éminents chefs d’orchestre, Paavo et Kristjan.
C’est une excellente idée que de coupler ce programme Strauss avec l’œuvre orchestrale du compositeur hollandais, méconnu chez nous, Alphons Diepenbrock.
Ce dernier voit le jour à Amsterdam en 1862.
Disparu en 1921, vingt-huit ans avant lui, il est quasi contemporain de Richard Strauss.
Mais la proximité s’arrête là.
On ne trouvera rien dans sa musique qui l’apparente davantage à l’auteur d’Ainsi parla Zarathoustra.
Elektra
Sa Suite symphonique Electre (arrangée pour l’orchestre par Eduard Reeser) se compose de quatre mouvements.
Elle date de 1920, soit un an avant la mort de l’auteur.
Cette Suite possède une couleur musicale proche de celle des Pélleas et Mélisande de Fauré ou de Sibelius, sans en avoir toutefois le charme singulier. Malheureusement ici, le Second mouvement est copieusement pollué par des toux intempestives dans la salle, qui ruinent probablement la concentration des musiciens et viennent à bout de la nôtre.
Les quatre mouvements de la Suite font malgré tout assez pâle figure.
Les artistes, tant le chef que l’orchestre, ne parviennent pas vraiment à installer un climat propice à faire ressortir les caractéristiques de la pièce.
Plusieurs accidents (entrées de cordes, justesse approximative de certains accords aux bois, violon solo laborieux) ajoutent à ces écueils que les deux derniers mouvements, plus réussis, parviennent avec peine à faire oublier.
Il ne s’agit pas, on le comprendra, de la meilleure production de Diepenbrock, mais elle légitime par la finesse de son orchestration notre curiosité.
Concerto pour hautbois
Suit le Concerto pour hautbois de Richard Strauss.
L’histoire de la musique ne nous donne pas si souvent l’occasion d’entendre un concerto pour hautbois, instrument pourtant central de l’orchestre symphonique, classique et romantique.
Strauss écrira d’ailleurs également deux Concertos pour cor d’harmonie. Il est là aussi pratiquement seul en son temps à doter l’instrument d’un répertoire propre.La soliste du Concerto, Pauline Oostenrijk, fait merveille.
Sa sonorité est solide et directe, sa musicalité sûre et franche.
On se laisse assez vite conquérir par sa fort belle complicité avec le chef, et donc avec l’orchestre tout entier, sur le terrain de l’atmosphère générale du Concerto.
On devine combien Strauss affectionne l’instrument, auquel il confie un nombre très important de solos dans ses œuvres, Don Quichotte ou Mort et transfiguration notamment.
Les modulations "chavirantes" dont le compositeur a le secret, font ici plus que jamais sensation et semblent comme en véritable adéquation avec le timbre du hautbois soliste.
Le final du Concerto, plus espiègle dans le ton, évoque cette fois davantage les facéties d’Ariane à Naxos et constitue la page la plus brillante et capricieuse de la pièce.
Symphonie alpestre
Dans la Symphonie alpestre, le chef estonien insuffle une énergie puissante et intériorisée à un orchestre qui, au départ, n’en manque pas.
Point d’éclat rutilant ou proche de la saturation ici, alors que les dimensions sonores exceptionnelles de l’œuvre s’y prêtent vraiment.
Partant, la partition se déroule avec une vigueur dont il ressort fraîcheur et spontanéité plutôt que pesanteur ou magma comme c’est parfois le cas.
La fanfare au lointain de la vigoureuse "ascension", au troisième "chapitre" de la partition, fait un instant penser à celle de Tristan de Wagner, à l’introduction de l’Acte II.Cette lecture allante du chef souligne les contrastes de l’œuvre de façon plus évidente.
Elle offre une vision plus large et dans la continuité de la partition ; c’est une caractéristique majeure de la présente exécution du chef-d’œuvre de Strauss.
La cohésion orchestrale est remarquable, et c’est la discipline collective, le jeu commun qui prime sur tout, qui donne à l’interprétation une incomparable unité.
Rappelons que l’orchestre rassemble, avec quelques autres pièces de Mahler ou de Schönberg, parmi les plus grands effectifs de musiciens réunis, soit plus de 100 exécutants. C’est un risque majeur, si le chef ne maîtrise pas un tel ensemble, d'en percevoir la masse plus que le détail ou l’alchimie obtenue grâce aux combinaisons de timbres que permet l’effectif.
C’est en outre une excellente idée que d’afficher à chacune des "ascensions", le nom de la scène montagnarde à laquelle l’auteur fait référence. Et c’est, au passage, une des vertus essentielles du DVD que de permettre ce type de lecture d’une œuvre musicale.
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Gilles Delatronchette