Pierre et le Loup est certainement l'une des œuvres les plus marquantes du XXe siècle. Composée en 1936, elle se distingue par l'utilisation caractéristique des différents instruments de l'orchestre et de thèmes pour incarner les différents personnages de l'histoire, mais également par le fait qu'elle est considérée par beaucoup comme l'archétype de la musique de film. De fait, on la retrouve assez souvent adaptée au cinéma, comme dans la célèbre version de Walt Disney, envisagée en premier lieu comme une séquence pour une suite de Fantasia qu'il n'a jamais produite. C'est sans doute ce même pouvoir d'attraction qui a séduit les créateurs de cette nouvelle version du conte musical associant cette fois maquettes de personnages articulés et effets numériques.
L'autre particularité de cette version tient au fait que l'histoire originale a été légèrement modernisée, adaptée au goût du jour. La réalisatrice a approché son récit de manière plus contemporaine et plus urbaine, accentuant par la même occasion le côté rebelle de Pierre, dont l'amour et le respect de la nature contrastent avec des chasseurs brutaux et stupides : une approche personnelle du célèbre récit, sans jamais le dénaturer. Elle a su trouver sa part de liberté à l'intérieur d'une musique préétablie qui n'en ressort que plus actuelle, comme renouvelée.
Si l'univers de Pierre est plus dur et plus violent que ce qu'on avait l'habitude de voir, la poésie de certaines scènes (le rapport entre le bleu des yeux de Pierre et ceux du loup, ou encore l'idée d'aider l'oiseau à voler en lui attachant un ballon) apporte une touche toute féminine bienvenue. Lire notre Interview de Suzie Templeton. Non pas une "énième" version, mais bien une nouvelle lecture, ce Pierre et le loup d'aujourd'hui apporte une dimension vraiment nouvelle à l'œuvre de Prokofiev, dans un respect qui demeure total.
Jérémie Noyer