Le compositeur et chef d’orchestre d’origine chinoise Tan Dun, est une personnalité très en vogue aux États Unis. Il a en outre, bénéficié de nombreuses commandes dans le monde entier, tant du Metropolitan Opera de New York, que de l’Orchestre philharmonique de Berlin, de Google/Youtube (pour son Internet Symphony) ou encore du Comité international Olympique pour la cérémonie des Jeux de Pékin en 2008. Sa personnalité autant que son profil, l’un et l’autre consensuels par excellence, se reflètent dans son travail créatif tant ils s’emploient à établir des ponts entre les traditions orientale et occidentale, entre le domaine de la musique classique traditionnelle et celui du spectacle, auquel il associe parfois le multimédia et les croisements de répertoires.
Avec son Paper Concerto, Tan Dun concilie en effet une forme concertante de type éminemment classique avec un geste et un matériau qui ne l’est pas. Il utilise pour cela une matière organique, le papier, et génère par sa manipulation, un univers sonore qui nous est à tous aussi familier au quotidien que relativement inconnu au rang des instruments de musique.
La recherche de "nouveaux" sons et instruments ne date pas d’aujourd’hui et on nous pardonnera de ne pas en faire l’historique ici. Depuis les années 60, György Ligeti, pour ne parler que de lui, avait introduit le seul papier dans son instrumentarium des Aventures et nouvelles aventures (1962.65).
Il ne s’agit donc ni d’une première, ni d’une innovation pour ce qui concerne le présent programme. Tan Dun aura choisi d’en élever l’utilisation au rang de Concerto. Le spectacle que donnent ses trois magnifiques solistes japonaises se révèle du coup fort visuel et ajoute une lecture élégante et spectaculaire aux seules sonorités de matières froissées, déchirées, soufflées ou agitées qu’un CD offrirait.
Il faut donc souligner que le fait de filmer et diffuser cette captation de la pièce du compositeur est un plus, qui légitime l’entreprise. La forme et le fond se confondent et rendent aisément lisibles les sonorités singulières qu’on peut entendre : flûte basse et chœur à bouche fermé de l’orchestre ou bruit de pages tournées au premier mouvement, note "pédale" sur laquelle se déroule le temps musical, grands formats cartonnés qui sonnent comme le tonnerre, etc.
Toutefois, organisé en 4 mouvements avec cadences et alternance de climats, le résultat, l’aboutissement du travail musical n’est plus si convaincant. Le discours est facilement esthétisant et nous renvoie, dans notre environnement sonore quotidien d’Européens, aux pires clichés dont on affuble immédiatement ce qui vient de Chine ou du Japon en les confondant parfois outrageusement. L’univers de la publicité est passé par là - il est aussi parfois inventif -, on en décèle ici quelques idées reçues musicales. On reste donc sur sa faim…
Une "ritournelle" au mouvement final tient place de conclusion où le papier n’a plus autre vocation que de nous faire entendre un Concerto pour percussion… comme un autre.
À noter : Le Water Concerto de Tan Dun est également disponible en DVD chez Opus Arte/Codæx France.
Gilles Delatronchette