Joaquín Achúcarro et Simon Rattle, chacun de leur côté, avait avoué leur admiration pour l’autre. Pour le pianiste, c’était l’année dernière au cours d'une interview accordée à Tutti-magazine*. Chacun rêvait de faire de la musique avec l’autre. Joaquín Achúcarro et Simon Rattle ont enfin pu jouer ensemble l’un des chefs-d’œuvre du XXe siècle, Nuits dans les jardins d’Espagne, véritable rencontre à leur image, entre l’école de piano espagnole et l’orchestre debussyste.
* Lire l'interview de Joaquín Achúcarro publiée par Tutti-magazine.Achúcarro/Rattle, deux générations mais un même esprit : le refus de la facilité et des modes, le respect de la tradition et la passion du son, plein, solaire et généreux. Le soir du 7 septembre 2010, à la Philharmonie de Berlin, l’émotion était palpable. La musique, et uniquement la musique, parlait. D’où, au final, une légère retenue parfois, un bref retrait et une pudeur d’artistes dont la modestie n’a d’égal que le génie.
Dans la lignée de cette captation, EuroArts propose en complément de retrouver Joaquín Achúcarro dans un récital de piano enregistré au Teatro Real de Madrid le 7 octobre, soit un mois plus tard. D’une rare intelligence, ce véritable panorama de la musique espagnole exprime non pas ce qu’elle contient de nationalisme, mais bien le dialogue entre son identité propre et son rayonnement européen à travers des compositeurs comme Falla (voir en bas de page la vidéo - Hommage - "Pour le tombeau de Claude Debussy"), Albéniz et Granados, mais aussi Debussy et Ravel. Les parallèles entre l’Espagne et la France sont mis en lumière par l’exemple avec une pédagogie consommée, totalement absorbée par le plaisir de jouer.
Et comme si cela ne suffisait pas, le pianiste se fait auteur et nous livre une excellente notice en complément de cet enregistrement où l’histoire se mêle subtilement à l’anecdote, soulignant une fois encore, mais de la plume, les liens entre les deux écoles nationales, mieux : entre les compositeurs.Et toujours cette maîtrise du vieux lion, jamais démonstrative mais non plus jamais anodine. Réconciliant les contraires, les doigts vont au fond de la touche sans aucune lourdeur, les mains volent au-dessus du clavier sans aucune superficialité. Dans son approche du piano, Joaquín Achúcarro fait preuve d'un professionnalisme qui jamais ne tourne à la routine. Sans doute parce qu’il est toujours question d’échange.
À Madrid, la réalisation d'Ángel Luis Ramírez nous permet de sentir que le public savait qu’il assistait à un moment rare. C'est aussi notre cas…
Lire le test du Blu-ray Achucarro & Rattle : Nuits dans les jardins d’Espagne
Jean-Claude Lanot