C’est un jeune Rossini de 19 ans à peine qui s’essaie à l’opéra avec cet Equivoco Stravagante, et avec quel succès – tout du moins à ce qu’on peut en juger aujourd’hui, avec le recul.
Le sujet de l’œuvre lui a en effet valu à l’époque de sa création une interdiction après seulement trois représentations.
De fait, si l’on considère généralement que la première œuvre aboutie de Rossini est le Barbier de Séville, c’est sans doute par sa maîtrise de la grande forme tant du point de vue vocal qu’orchestral. À ce titre, le chef d'orchestre Umberto Benedetti Michelangeli s’en tire plutôt bien avec son orchestre Haydn di Bolzano e Trento. Présent, précis et même élégant, il participe avec humour et couleur à la narration.
En revanche, le plateau est plus inégal.
Bruno de Simone domine nettement la distribution tant par ses qualités vocales - un beau grave, large et gouleyant - que sa performance d’acteur. On sent vraiment le plaisir de jouer, de s’amuser, de faire résonner la voix et d’échanger avec les autres artistes.
Mais force est de constater que sa fille de théâtre n’est pas vraiment à la fête.
Marina Prudenskaja s’avère en effet assez imprécise sur le plan technique, et peu intéressante sur le plan de la présence.
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Mais cela pose, en fait, davantage le problème de la mise en scène que de ses qualités propres. Nous ne rappellerons jamais assez ce fondamental de l’opéra qu’est une véritable collaboration de tous les protagonistes au service de cet art total.
Ici, visiblement, le metteur en scène Emilio Sagi a fait sa petite cuisine sans vraiment se préoccuper ni des personnalités des acteurs, ni de la musique, ni – pire - du livret lui-même.
C’est ainsi qu’il semble qu’il y ait un véritable hiatus entre la personnalité de l’héroïne rossinienne Ernestina, plutôt "femme savante" et son incarnation scénique plutôt légère dans cette version.
Actualiser un opéra à travers une mise en scène contemporaine, cela s’est déjà fait et bien fait. Le sujet prend une acuité nouvelle et renforcée tant qu’il n’est pas isolé dans le temps et intègre des références de notre époque. Mais cela ne peut fonctionner que dans le respect du livret.
Or ce dernier se voit plutôt dénaturé et les personnages ne sont ainsi, ni en accord avec le texte, ni avec leur incarnation musicale, tant au niveau des voix que de l'orchestration.
Résultat : chacun, du metteur en scène et du chef d’orchestre, tire la couverture à soi.
C’est finalement au musicien de faire son maximum pour éviter que tout s’effondre !
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Vraiment dommage, car il y avait un potentiel énorme dans cette œuvre scénographiée à la va-vite dans un mauvais design pseudo-milanais.
On sent bien que les chanteurs, pour la plupart plus qu’honnêtes vocalement, telle cette belle prestation de la basse Marco Vinco, n’ont pu donner le meilleur d’eux-mêmes.
Jérémie Noyer