L'action de La Rondine se passe à l'origine au Second Empire à Paris (Acte I) et à Nice sur la Riviera (Acte III). Or le metteur en scène a choisi de transposer l'histoire dans les années 1920, ce qui est judicieux à défaut d'être astucieux, puisqu'il est aisé de faire un parallèle entre l'esprit de fête parisien sous Napoléon III dominé musicalement au théâtre par la figure incontournable d'Offenbach, et une certaine joie de vivre au lendemain de la Première Guerre mondiale. Mais La Rondine, créée en 1917 à Monte-Carlo, aurait naturellement pu se dérouler au milieu des beaux décors de ces Années Folles. La recherche d'un réalisme basique où tout est pris au premier degré satisfera donc les tenants d'un réalisme opératique certes confortable et rassurant mais peu représentatif d'une vision plus personnelle. On peut donc, selon ses goûts et ses exigences, trouver l'imagerie ennuyeuse. Reconnaissons toutefois, à la décharge du metteur en scène, que la musique de Puccini est difficilement transposable en dehors du contexte où elle a été écrite, vérisme oblige.Nous voilà donc, à l'Acte I, plongés dans la société bourgeoise de l'après-Guerre : beaux vêtements, beau mobilier, belle architecture. Les personnages évoluent dans un univers propret, avec ses personnages mondains plus ou moins ridicules : un trio d'admiratrices bouffonnes – au demeurant bien interprétées -, un pseudo-poète-musicien falot du dimanche, auteur de mélodies romantiques improvisées sur un piano blanc très kitch, un banquier vieux beau sans morale se payant des demi-mondaines de luxe, un provincial un peu gauche se laissant embobiner par une coureuse d'hommes riches et d'aventures au lourd passé, et enfin une soubrette un peu fofolle avide de grimper dans les classes sociales mais retournant à sa condition première.
L'Acte II conserve la même architecture mais modifie le mobilier afin de recréer avec talent l'ambiance d'un café parisien, tandis que l'Acte III plaque une belle verrière style Art Nouveau – applaudie par le public - derrière des meubles en osier évoquant la douceur de vivre, à l'époque, sur la Côte d'Azur.
Des personnages principaux, c'est bien celui de Magda qui domine, physiquement et vocalement. Avec le surjeu qui la caractérise, Angela Gheorghiu parade et joue la carte de la séduction dans le premier acte : robe rouge fendue jusqu'à la taille et collier autour de la tête, puis robe vaporeuse de jeune première, elle virevolte et frétille autour de sa petite société. La puissance du chant en impose, les aigus brillent, mais la tenue en scène semble toutefois un peu forcée, dans le sens de vouloir en démontrer à tous.
Il est vrai qu'il y a peu de concurrence : Marius Brenciu en Prunier possède une voix de ténor léger… très léger, tandis que si la soubrette de Lisette Oropesa paraît très à l'aise, elle se montre aussi vocalement bien légère.
Mais le point noir du casting est en fait Samuel Ramey en Rambaldo : à l'entendre, il est évident qu'il n'a plus du tout sa place sur une scène, tant son organe dévasté au vibrato permanent est épouvantable. Manquait-on de basse au MET pour lui avoir proposé ce rôle ? Eu égard à sa brillante carrière, c'est un supplice pour le nous de l'entendre ainsi, en 2009.Quant à Roberto Alagna : les années ont passé aussi sur sa voix, mais il y a encore de très beaux restes. Il assure une belle prestation dans ce personnage quelque peu naïf, désargenté, finissant par se traîner lamentablement aux pieds de sa maîtresse. Sa qualité d'acteur joue le personnage à fond, forçant lui aussi un peu le trait sans doute pour compenser une voix quelquefois en sous-régime.
Reste Marco Armiliato, qui dirige avec le maximum de conviction et beaucoup d'énergie cette demi-réussite puccinienne.
La seule véritable surprise viendra en fait de la caméra qui prend le temps de s'attarder en coulisses lors des changements de décors. Quelques plans en plongée et contre-plongée épaulent des prises de vues agréables.
La Rondine n'est sans doute pas le chef-d'œuvre de son auteur. Les interprètes font alors ce qu'ils peuvent pour maintenir au répertoire un opéra qu'il serait pour autant indigne de jeter aux oubliettes. Mais son écriture même hésite entre la comédie légère et le drame petit-bourgeois et l'on comprendra la difficulté des chanteurs et du metteur en scène de donner une direction nette à l'entreprise.
À noter : Quelques images backstage sont proposées entre les deux Actes.
Nicolas Mesnier-Nature