Dans ce document, nous retrouvons un jeune Karajan de 49 ans, proposant à la télévision japonaise NHK et au public nippon présent dans la salle, un programme caractéristique de morceaux de bravoure de la musique germanique romantique et post-romantique.
Signalons d'emblée que, pour l’époque, la mise en images est plutôt bonne et ne se limite pas à des plans d’ensemble ou des plans moyens. Des mouvements de caméras essayent même de mettre en valeur les différents pupitres de l’orchestre.
Ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg
Cet opéra de Richard Wagner a été créé à Munich en juin 1868.
Avec cette ouverture si célèbre, Karajan montre immédiatement sa maîtrise, son charisme, son énergie mêlant unité, discipline, rigueur, mais aussi grande souplesse.
Le chef autrichien avait pris la direction du Berliner Philharmoniker tout récemment, en 1955, un an après la mort de l’immense Wilhelm Furtwängler.
Les deux hommes ne s’appréciaient pas, Furtwängler ayant des conceptions plus emphatiques et Karajan étant surtout attiré par la beauté du son et la clarté du rythme, comme ici.
Le jeune chef autrichien arrondit sa battue dans Wagner, et l’on sait que beaucoup plus tard il publiera une Tétralogie extrêmement allégée, avec Vickers, Crespin, etc.
Don Juan
Ce Poème Symphonique op. 20 de Richard Strauss a été créé à Weimar en 1889.C’est dans Richard Strauss peut-être que Karajan nous montre comment, partant de la tradition de son orchestre, il a su rapidement faire évoluer les musiciens vers des sonorités plus rondes, avec une battue aristocratique et viennoise, pour ainsi dire.
Dans ce superbe poème symphonique, le maestro fait en effet preuve d’une grande douceur dans les attaques, donnant une sonorité voluptueuse, typiquement straussienne, des caresses sensuelles en somme, mais prolongées par des passages plus héroïques.
Tout cela traduit bien la caractérisation complexe du personnage de Don Juan.
On sent et on voit Karajan habité, enivré par cette musique et l'on entend ce qu’il obtient de ce magnifique orchestre.
Répétons que Karajan n’était pas allemand, mais autrichien…, et l’on peut se demander s’il n’y a pas un peu de Sud (d’italianité ?) dans sa conception de l’œuvre.
On remarquera les applaudissements du public japonais à la fin de ce Don Juan.
Cinquième Symphonie en ut mineur op. 67
Cette symphonie de Ludwig van Beethoven fût créée à Vienne en 1808.
Dès le Premier mouvement (Allegro con brio), avec les "premiers coups du destin" (formule très discutable, rappelons-le), le chef fait totalement corps avec "son" orchestre, nous amenant progressivement vers une superbe coda.
À noter : Au début de ce mouvement, quelques images sont remplacées par des plans fixes et le son devient médiocre, passant de la stéréo à un son mono criard. L'éditeur l'indique clairement sur le livret joint au DVD.
Il s'agit d'une archive…Le Second mouvement (Andante con moto), avec sa douceur si caractéristique, révèle à nouveau cette classe aristocratique naturelle du maestro, élément essentiel de sa présence charismatique pour les musiciens de l’orchestre.
Karajan fait ici dialoguer les différents pupitres : le fleuve orchestral des cordes, avec cette assise si caractéristique sur les contrebasses, relayées par les bois ; puis, les passages plus héroïques, mettant en valeur cuivres et percussions.
Pour le Troisième mouvement (Allegro), Karajan obtient des "Berliner" une véritable précision d’horloger, centrée autour des pizzicati des cordes, soutenues par les bois.
C’est alors, sans rupture, l’explosion sonore du début du Quatrième mouvement (Allegro), véritable fusion sonore progressive obtenue par le chef, grâce à son énergie communicative, à la discipline de son orchestre, ainsi qu’au génie du rythme beethovénien, que Karajan sait rendre à merveille.
Là, plus encore que dans le reste du concert, on perçoit à quel point le maestro prend plaisir à diriger ce prodigieux instrument, faisant dialoguer cuivres, cordes, bois et percussions.
Il conduit l’orchestre à une superbe coda, ce qui provoque les chaleureux applaudissements du public japonais.
On sait que cette tournée des Berliner obtint, au Japon, comme dans d’autres pays, un très grand succès.
Karajan revint au japon deux ans plus tard, mais avec son autre orchestre fétiche : le Wiener Philharmoniker…
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