On sait, ou en tout cas on imagine, l’exigence d’un soliste international. De nos jours, avec la concurrence, aucun droit à l’erreur. Travail et concentration intenses et sans répit sont de rigueur dans une vie consacrée à un instrument. On a alors peine à imaginer une soliste internationale sur deux instruments, qui plus est aussi différents et exigeants que sont le violon et le piano.
C’est pourtant le cas de Julia Fischer (née en 1983), plus jeune professeur de violon de l’histoire du Conservatoire de Francfort. Non contente de s’être déjà fait connaître au disque, notamment avec des Concertos, Sonates et Partitas de Bach des plus intéressants, ou un admirable Concerto pour violon de Tchaïkovsky (lire le test de ce SACD), la musicienne se révèle aujourd’hui à la fois dans le Troisième concerto pour violon de Saint-Saëns et dans le Concerto pour piano de Grieg !
La première œuvre de ce programme incroyable a été écrite à l’origine par Saint-Saëns pour Pablo de Sarasate. De fait, on est parti pour des acrobaties ! Cela dit, le troisième mouvement est nettement plus mélodique que virtuose et offre de jolis moments au soliste. Soit un exercice idéal pour Julia Fischer qui excelle sur les deux tableaux. Sans racolage aucun, son jeu est parfaitement maîtrisé. Le coup d’archet est solide sans jamais être brutal, le vibrato présent sans jamais dégouliner, et la matière est riche en harmoniques, juste ce qu’il faut. Une approche un tantinet distanciée, mais qui fait toute l’élégance de l’interprétation de ce Concerto certes pas vraiment le plus profond, mais certainement incontournable du répertoire.
Puis vient le Concerto de Grieg, aux influences nordiques mais aussi très germaniques. Là encore, cette force tranquille qui habite la jeune soliste fait merveilleusement office. L’interprétation est légèrement plus scolaire qu’au violon et le toucher studieux, mais le caractère et la maîtrise de l’ensemble sont toujours là pour nous livrer une version résolument solaire de ce Concerto venu des glaces.L’autre qualité notable de la musicienne est sa connivence avec l’orchestre et son chef. Les solistes des différents pupitres dialoguent idéalement avec l’artiste qui n’est pas avare de clins d’œil. Écoute et échange sont au rendez-vous de ces œuvres jouées de façon très organique, sans surprise, mais avec un réel plaisir de faire de la musique et de la partager.
C’est un nouveau voile important qui se lève en DVD sur la personnalité résolument captivante de Julia Fischer. Assurément la nouvelle pierre d’une carrière qui évolue à l’instar de son jeu, avec maîtrise et naturel, de façon très progressive, voire prudente - une vraie qualité dans une époque où tout va très vite -, et qui fait de chaque jalon de ce parcours une découverte et un plaisir…
Jérémie Noyer