Cette parution précède de peu la disparition prématurée et brutale du chef Yakov Kreizberg le 15 mars 2011, à l'âge de 51 ans. Il accompagne ici Julia Fischer à la tête du Netherlands Chamber Orchestra.
Musique - Les 3 SACD
Cette formation possède une couleur presque idéale pour nos oreilles contemporaines. Bien que constituée d'un nombre d'instrumentistes largement supérieur à celui requis par Mozart - il préconisait un nombre de cordes toujours inférieur à 10, plus proche de 5 - elle nous satisfera d'un intelligent compromis entre les versions traditionnelles dites "symphoniques" et celles beaucoup plus restrictives et dématérialisées des "baroqueux". Les effets trop romantisants et alourdis des premières et la désentimentalisation parfois excessive des secondes semblent ici fusionner dans le but de produire un rendu très naturel. Sous la baguette de Yakov Kreizberg, il y a du liant, du phrasé, du contraste, de la rondeur et du sentiment dans le respect du chant mozartien. Et autant que l'on puisse s'en faire une idée, de l'esprit galant propre au style dans lequel furent composés ces concertos pour violon.
Julia Fischer trouve aisément la place qui lui est allouée dans cet environnement très favorable à l'échange. L'option de tempi rapides, d'un vibrato très contrôlé présent très légèrement dans les fins de phrase, d'une accentuation bien marquée mais libérée de toute brutalité distinguent le jeu de la violoniste qui s'écarte de tout maniérisme. On peut considérer que la musicienne allemande ne s'approprie pas l'œuvre pour briller indépendamment d'un orchestre qui serait dévolu au simple rôle d'accompagnateur. Dans cette musique qui avance parfois avec jubilation, les parties lentes des concertos deviennent le terrain d'une expressivité et d'une profondeur paradoxalement dénuées de tout alanguissement. Il y a beaucoup de respirations entre les pupitres, ce qui permet de laisser chanter les instruments dans toute leur plénitude.
Il est nécessaire ici de faire deux remarques touchant la forme des Concertos.
Seuls les Concertos Nos. 1 et 2 possèdent une basse continue au clavecin. Il est alors permis de se demander si cela était vraiment nécessaire et, si oui, pourquoi on ne l'a pas reproduite sur les autres opus ?
Chaque concerto est agrémenté d'une cadence originale due aux interprètes, retrouvant en cela la raison même de l'existence de ces morceaux de bravoure : une improvisation mettant en valeur l'imagination et la virtuosité du soliste. Julia Fischer aura là encore l'instinct de ne pas en profiter pour briller inutilement et superficiellement.
On sera un peu plus réservé en ce qui concerne la Sinfonia concertante avec alto supplémentaire. Il apparaît évident que Julia Fischer fait de l'ombre à Gordan Nikolić qui a du mal à faire ressortir la sonorité de son instrument, quelque peu fondue dans l'orchestre. L'effectif original demandé par Mozart – 2 violons, 2 altos, 1 violoncelle, 1 contrebasse, 2 hautbois et 2 cors – s'il avait été observé, aurait sans aucun doute permis une meilleure lisibilité des solistes.
Le Concertone pour deux violons rétablit l'équilibre entre les deux instruments, tout à la gloire de Gordan Nikolić.
À noter : Les 3 SACD hybrides rassemblés dans ce coffret sont également déjà disponibles à la vente à l'unité.
Les œuvres de Mozart se répartissent ainsi :
Disque 1 : Concertos Nos. 1, 2 et 5.
Disque 2 : Concertos Nos. 3 et 4, Adagio K.261 et Rondo K.269.
Disque 3 : Sinfonia concertante K.364, Rondo K.373 et Concertone pour deux violons K190.
Ces SACD hybrides sont compatibles avec tous les lecteurs de CD.
Pour bénéficier des pistes multicanales et stéréo encodées en DSD,
il faut utiliser un lecteur SACD.
Vidéo - Le DVD
Le complément proposé sur DVD, "impression de diverses sessions d'enregistrements" dit-on, aurait pu être plus intéressant. En effet, il se compose de prises de vues très médiocres en plans-séquences, à la qualité d'images et de lumières du plus pur amateurisme. Autrement dit, on pose la caméra et on laisse tourner, faisant l'impasse sur une variété de plans. On ne voit quasiment pas le chef sauf en plan global éloigné. Son bras passe parfois devant Julia Fischer. Les membres de l'orchestre forment un ensemble indistinct peu à leur avantage. En fait, tout est concentré sur la soliste.
Pourquoi, en outre, avoir filmé en totalité les deux derniers mouvements du Second concerto ainsi que l'Allegro maestoso de la Concertante, mouvements qui ne figurent pas dans l'enregistrement final ? On y perçoit seulement quelques erreurs de solistes, les échanges visuels avec Gordan Nikolić et le visible amusement de Julia Fischer. Aucun dialogue, aucun avis personnel, aucun travail de fond lors de la mise en place. Ce sont pourtant les arrêts, les reprises, les indications d'interprétations et tout ce qui construit un résultat final satisfaisant qui intéresse le mélomane.
Si l'on voulait uniquement voir Julia Fischer, on aurait acheté un DVD de concert.
Caractéristiques du DVD : Plein écran - 1.78 - Stéréo PCM - 25' - NTSC - Zone ALL.
Au final, on regrettera d'autant le décès de Yakov Kreizberg qu'il a su, en marge d'une belle carrière de chef, accompagner à ses débuts une des meilleurs violonistes de la nouvelle génération. Bien dans un certain esprit d'époque dont on ne peut que fantasmer la réalité, les versions proposées ici correspondent opportunément avec la personnalité pleine de vitalité et d'humour de Mozart que l'on connaît à travers ses correspondances. Les interprètes ont compris que celui-ci n'est ni le "divin", ni le galant ni le romantique qu'on a voulu en faire au XIXe siècle, romantisme dont il n'est le précurseur qu'a posteriori…
Nicolas Mesnier-Nature