Le goût pour la pédagogie est posé en préambule : enseigner est une vocation que José van Dam a décidé de mener en parallèle à une carrière internationale brillante aux côtés des plus grands.
Le documentaire de Jean-François Jung est construit en deux parties bien distinctes.Dans la première nous apprenons comment on construit une voix à travers trois extraits d'airs très connus : "Una voce poco fa" du Barbier de Séville de Rossini, "Non più andrai" et l'Air de Suzanne des Noces de Figaro de Mozart. Les séances se déroulent en compagnie du piano. Les jeunes chanteurs sont en passe de devenir de véritables interprètes, et José van Dam fonde son enseignement sur l'apprentissage du sens à donner au chant.
La virtuosité ne suffit pas : tous l'apprendront, et l'entière intelligence du chant passe par une compréhension du texte. José van Dam n'aura de cesse de le répéter : le chanteur doit baser son interprétation sur une étude méticuleuse du texte musical où chaque indication trouve son sens dans la structure de la musique et dans les paroles. Ce travail de fond doit être mené parallèlement à la technique vocale pure qui nécessite, en plus de la justesse, une gestion en profondeur de la maîtrise corporelle. Ainsi, le cours de chant se transforme en cours de physiologie : le souffle, le diaphragme, l'articulation et la bouche. Si l'on ne comprend pas comment le simple son se transforme en chant, il ne peut y avoir d'interprétation véritable.
L'exigence s'avère encore plus forte dans les deux cours consacrés au lied et à la mélodie. Il s'agit ici de capter un style, donc d'apporter un sens à la relation entre la musique et le texte encore davantage que pour un air d'opéra. Le chanteur est seul avec le piano, à découvert, et plus son art paraît simple, plus il est en réalité complexe. Clairement, le chanteur doit s'adapter : chaque compositeur a son exigence et le maître est là pour indiquer un ralenti, une coupure, une nuance au bon moment qui transforment le banal en judicieux.La seconde partie du documentaire s'adresse à des chanteurs professionnels. Évidemment, les conseils dépassent l'aspect physique acquis pour se pencher durablement sur l'approfondissement des personnages. José van Dam connaît par cœur les rôles pour les avoir interprétés et prodigue en aparté une analyse littéraire. Il est impossible, selon lui, de bien rentrer dans un personnage sans avoir lu ce qui le concerne. Jouer Faust sans connaître Goethe ? Golaud sans Maeterlinck ? Philippe II sans les historiens, sans Schiller ? Impossible, mais on ne peut s'empêcher de se demander si les interprètes actuels se livrent à cette recherche… Vincent le Texier, qui enregistra le rôle de Golaud, tout les autres chanteurs lorsqu'ils sont corrigés par José van Dam, permet de mesurer l'extraordinaire présence de la voix du maître, ne serait-ce que le temps de quelques notes…
Techniquement, la caméra de Jean-François Jung tourne autour du chanteur comme s'il filmait sur scène. Les cours aux professionnels se déroulent "en situation", ce qui donne encore plus de vérité et d'implication à ce prélude à la réalité de la scène.
Les dernières minutes du documentaire dévoilent José van Dam répétant le Iokanaan de Salomé en français pour les représentations à Lyon avec Kent Nagano en 1990. Un moment rare qui nous permet d'observer le chanteur dans sa solitude créatrice.
Nicolas Mesnier-Nature