La thématique choisie pour les deux poèmes symphoniques analysés – la Danse macabre de Camille Saint-Saëns et L'Apprenti sorcier de Paul Dukas – est le fantastique en musique. Mais d'autres sujets sont également abordés, notamment les problèmes posés par la musique dite descriptive ou narrative, les conflits qui opposèrent en leur temps les tenants d'un certain purisme musical – Mendelssohn et Brahms, par exemple – et ceux davantage attachés au modernisme propre à exprimer des sentiments et à décrire des événements, comme Berlioz, Liszt ou Wagner. Si la conclusion est sans appel - cela n'a pas de sens pour les musiciens, nous dit-on -, cet aspect a le mérite d'être posé et de faire réfléchir ceux qui l'ignoraient !
Ainsi, Camille Saint-Saëns est-il replacé dans le contexte de la création de la fameuse Danse macabre, et l'on sera ravi d'apprendre que le compositeur fut le premier en France à écrire un poème symphonique et à utiliser le xylophone dans un orchestre. Le thème du Dies Irae est finement appréhendé, de même que la chanson ambiguë* qui lui servit de base musicale qu'il composa deux ans avant sa version pour orchestre datant de 1874. Ce texte est interprété et accompagné dans son intégralité en version "caf'conc'" dans les copieux bonus du programme principal. Le simple débat musical est ainsi élargi au contexte historique, indispensable pour comprendre pleinement le sens d'une œuvre et, avouons-le, trop souvent négligé.
* Susan Graham interprète cette œuvre dans un récital de mélodies françaises (lire le test de ce DVD).
Le propos de Jean-François Zygel se déroule de manière très logique, donnant une explication toute personnelle de la façon dont Saint-Saëns composa sa Danse macabre : présentation du solo au premier violon, explication de son grincement initial sur les cordes à vide, entrée des bois, de l'accompagnement, des cuivres et de la timbale. Chaque intervention est méticuleusement appuyée par un plan de caméra sur le soliste ou le groupe qui intervient. On entend ainsi les différentes parties d'un orchestre comme pour une répétition, ce qui est une sensation plutôt agréable pour la majorité du public qui ne connaît pas le travail de mise en place d'un morceau avant le concert. Les échanges se font sans heurts, tout est parfaitement maîtrisé.
L'Apprenti sorcier de Dukas subit exactement le même traitement, avec autant d'efficacité, tant l'œuvre s'appuyant elle-même sur un scénario précis se prête bien à cet exercice.
Enfin, pour conclure, nous assistons à l'interprétation complète de l'œuvre. Et c'est là que le bât blesse.Car, lors de son analyse, Jean-François Zygel développe le thème de la danse, un peu lourdement appuyé lorsqu'il entame un pas sur la scène, évoque un orchestre foisonnant et coloré pour Dukas, puis une ironie et une certaine distance au service d'une écriture plus claire et dessinée chez Saint-Saëns. Or on aimerait retrouver toutes ces éminentes qualités dans le concert qui suit. Pourtant, le Philharmonique de Radio France sans son chef attitré est bien plat, sans vigueur, aux rythmes lourds. Le ton de Jean-François Zygel se retrouve alors dans une démonstration très scolaire bien trop pédagogique et descriptive au premier degré pour mériter le terme même d'interprétation. En fait, l'orchestre n'interprète pas mais joue pour illustrer tout le discours qui précède. L'accumulation de plans rapides sur chaque partie soliste devient de plus rapidement fatigante. Tout est fragmenté et manque de ligne directrice. Si les musiciens et leur jeune chef semblent tout vouloir faire dans l'optique d'une démonstration pédagogique, c'est tout à leur honneur pour la "classe" qui les écoute.
Jean-François Zygel attire les foules et remplit les salles. Le succès public de ses présentations sur la musique classique est indéniable bien qu'un peu réducteur. On trouvera le personnage sympathique, attachant ou agaçant, mais de toute façon bon vulgarisateur et bon musicien. Mais dans le même genre, impossible de ne pas évoquer l'autre grand pédagogue que fut Leonard Bernstein dans ses fameux "Concerts pour les jeunes".
À noter : Au sein d'un digipack, ce DVD est accompagné d'un amusant livret informatif.
Nicolas Mesnier-Nature