On a déjà beaucoup dit de Jean-François Zygel : son exceptionnel talent de pédagogue, son enthousiasme ou sa force de persuasion. Son approche de la Symphonie No. 40 Mozart confirme tout cela s’il en était besoin.
La Symphonie No. 40 expliquée par Jean-François Zygel
Pourtant, si la présentation mouvement par mouvement est toujours passionnante, on sent presque dès le départ comme des désaccords "courtois" entre l’animateur et le chef d'orchestre Ton Koopman, qui viendront se confirmer dans les suppléments du programme principal filmé à la Maison de la Radio de Paris.
Dès le premier mouvement de la symphonie se pose notamment le problème de la reprise, dont la justification - "Le compositeur a besoin qu’on ait bien la première partie dans la tête" ! - volera en éclats, mais sans éclat, lors de l’interview proposée en bonus. En outre, l’interprétation de chaque mouvement, à l’issue des commentaires détaillés de Jean-François Zygel, se montre bien mièvre : l’Orchestre Philharmonique de Radio France, composé d’un mélange de grands professionnels et d’étudiants de l'Académie de l'Orchestre et du Conservatoire de Paris, n’est pas suffisamment préparé, et Ton Koopman le dirige dans le style baroque en supprimant le vibrato des cordes, ce qui n’arrange rien. Pourtant, lorsque Mozart nait en 1756, la période dite "baroque" est terminée. De plus, le chef se permet même d’inventer des nuances qui n’existent pas dans la partition.
Dans le deuxième mouvement, le tempo est instable, et devient trop rapide dans le troisième : on parle de menuet à trois temps, mais le chef bat à un temps… Enfin les articulations du quatrième mouvement sont lourdes, et un problème technique, sans doute de montage, rend le visionnement de ce mouvement un peu désagréable : on notera ainsi un décalage entre le son et l’image - quasiment une seconde ! - donnant l’impression que le chef, en plus de ses curieuses mimiques continuelles, dirige tout à coup en retard par rapport à la musique entendue. Tel n’est bien entendu pas le cas…
Les suppléments du DVD
Pour accompagner la prestation filmée en public en février 2010, l'éditeur Naïve nous a réservé des bonus particulièrement intéressants.
- Dans Retour sur la Symphonie No. 40 se révèlent les vraies pensées de Jean-François Zygel. On ne peut qu’être d’accord avec lui sur la question des reprises. En effet, à l’époque, sur laquelle Koopman semble pourtant très bien documenté, on écrivait systématiquement des barres de reprises, mais dans la tête du compositeur, penché sur la partition qu’il écrivait, il y avait une continuité immédiate entre la première et la deuxième partie. D’accord aussi avec la question posée par Zygel sur le tempo : on devrait dire qu’il n’existe qu’un seul tempo pour chaque œuvre, variable seulement par rapport à la résonance de la salle dans laquelle l’œuvre est jouée. Les réponses de Koopman - le pouls, l’humeur, la fatigue… - semblent un peu surréalistes. - Avec Mozart et le mode mineur, l'approche originale et passionnante de Jean-François Zygel est basée sur la conception finalement discutable de Berlioz à propos des tonalités. Sur le plan sonore, on pourra regretter la balance entre le piano et le violon (trop couvert) ou l’absence de la flûte dans le Quatuor avec flûte… Mais le Rondo en la mineur, dont Zygel joue une première partie, vaut à lui seul le détour ! Le pianiste se montre doué d'une extraordinaire délicatesse, laquelle fait penser à une interprétation très ancienne d’Arthur Schnabel. Sans artifice mais avec une sensibilité de toutes les notes, on aurait envie de placer Mozart parmi les Romantiques !
- Jean-François Zygel improvise sur la No. 40. Ces deux improvisations constituent la cerise sur le gâteau. La première mélange avec finesse les différents thèmes de la symphonie, tandis que l’autre nous offre de beaux changements de couleur grâce à de subtiles modulations. Fermez les yeux de temps en temps, on est en pleine poésie…
En conclusion, nous nous permettrons un conseil : suivez scrupuleusement la présentation de Jean-François Zygel, et écoutez chaque mouvement sur CD avec une version de référence. Si vous ne détenez pas celle de Celibidache, exceptionnelle mais rare, vous pourrez vous tourner vers celle de Solti (Decca) ou de Böhm (Deutsche Grammophon), deux grands mozartiens à la tête de très beaux orchestres. Ensuite, direction les suppléments de ce DVD : ils sont particulièrement intéressants !
Daniel Barda