Le premier disque nous invite ainsi à découvrir une lecture du chef-d’œuvre de la musique romantique : la Symphonie fantastique.
Comme toujours Jean-François Zygel nous plonge dans le monde secret du compositeur, nous fait visiter une œuvre comme chacun de nous en rêve sans oser se l’avouer ! En termes simples, sincèrement ressentis, comme lus de l’intérieur, il exprime une vision dramaturgique de l'œuvre, prélude à sa conception. Ses commentaires sont parfois accompagnés de ses propres interventions au piano, soulignant telle ou telle spécificité de la partition, parfois par l’orchestre au complet qui vient illustrer le propos par un exemple précis.
Le commentaire est certes essentiellement descriptif et parfois anecdotique. Mais il faut garder à l'esprit que ce programme s’adresse - et c’est là tout son mérite - à un public le plus large possible qui ne possède souvent pas de connaissances musicales. À son intention, cette présentation remplit son rôle et donne un accès tout à fait honnête et authentique à l’ouvrage. Bien entendu sa composition est bien plus complexe que nous le laisse entendre le commentateur, mais l’auditeur un tant soit peu cultivé saura, par la lecture qui en est donnée, le comprendre, l’imaginer.
La richesse de la Symphonie fantastique de Berlioz est telle que c’est à une véritable épopée que se confronte n'importe quelle approche. Il ressort dès les premières pages la vitalité vertigineuse prélude à l’écriture de la partition. Tout y relève du génie : la genèse (l’amour d’Estelle, le songe romanesque), la forme architecturale, l’invention mélodique, la fameuse dramaturgie et l’instrumentation. Ne perdons pas de vue que, par sa nouveauté et l'imagination fulgurant qui l'habite, la Symphonie va révolutionner le genre musical à partir de 1930.
L'œuvre, ensuite exécutée en concert, se montre passionnante à plus d’un titre. La cohésion qui lie Myung-Whun Chung et son orchestre est toujours un régal pour les yeux comme pour les oreilles. Le chef parvient à transmettre, au travers d’une direction claire, dynamique, précise et enthousiaste, le style qu’il entend donner aux inflexions du texte. L’orchestre est d’ailleurs dans l’attente complice de ces gestes et y répond avec la plus grande précision. Il est vrai que les musiciens brillent particulièrement - bois, flûte et hautbois marient subtilement leur timbre - dans ce répertoire qu’ils connaissent parfaitement. C’est justement là que le chef accède par la volonté de son engagement, par l’intention sur tel ou tel phrasé, telle ou telle accentuation, à donner à chaque exécution la fraîcheur d’une lecture spontanée riche en événements. Une réussite, même si on a toutefois pu entendre en concert le chef et son orchestre jouer Saint-Saëns, Ravel, Debussy, Messiaen ou Dutilleux de façon encore plus subtile, plus pénétrée, plus engagée dans la perfection du détail comme de l’ensemble.
Nous nous garderons ici de toute comparaison inappropriée avec un enregistrement de studio. Mais n'aurait-il pas été judicieux, alors que Berlioz l’avait exigé et obtenu à la première exécution, de faire apparaître pour chacun des mouvements, le texte littéraire prévu à cet effet et qui en narre le déroulement dramatique ? L’image véhiculée par le DVD pouvait aisément le permettre sans perturber l’écoute, au contraire, puisque la paternité de l’initiative en revenait à l’auteur lui-même.Le second disque consiste en un dialogue de 38', riche et nourri entre Catherine Clément et Jean-François Zygel. Ils nous racontent plusieurs anecdotes sur Berlioz écrivain, lui qui, outre ses propres Mémoires, fut un critique émérite et l’auteur de nombre d’écrits sur la musique.
Son Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration modernes (1843), que Zygel qualifie à juste titre et fort opportunément de "littéraire", est une référence dont les compositeurs contemporains parlent toujours. C’est l’occasion de découvrir les traits de caractères, une partie de la psychologie de l’auteur d’Harold en Italie, et d’apprécier tant ses talents littéraires que ses extravagances de plume, en totale harmonie avec celles de la composition.
Un régal !
Ces Clés de l’orchestre nous autorisent un contact assez approfondi avec un chef-d’œuvre musical complexe, qu’on lise ou pas la musique, et ce n'est pas là la moindre de leurs qualités !
À noter : Un livret accompagne ce double DVD. Essentiellement axé sur Berlioz et la Symphonie Fantastique, il constitue un intéressant prolongement pédagogique.
Gilles Delatronchette