Après la version récemment parue en DVD de Laurent Pelly, faisant de l'opéra d'Humperdinck une fable anti-consumériste, et celle testée dans nos pages filmée à Covent Garden (lire le test de ce DVD), voici une lecture signée Johannes Felsenstein, résolument tournée vers l'enfance, mais dans une approche réellement moderne et innovante.Ce que l'on retient tout d'abord de cette production est cette association inattendue, d'abord intrigante et qui s’avère au final totalement pertinente entre opéra et images d'archives des informations des années trente projetées en préambule à chaque acte.
D'une part, ces actualités d’époque nous permettent de véritablement ressentir toute la pauvreté d'Hansel et de Gretel à travers ces enfants que la crise et la guerre ont privés de tout, créant dès le départ une empathie avec le sujet et les personnages.
Mais ensuite, c'est la dimension métaphorique de ces images qui vient à l'esprit, dans la mesure où la sorcière revêt une dimension hitlérienne tandis que les parents désirant chasser cette sorcière sont alors associés à l'image de l'Oncle Sam.Ceci dit, ce n'est pas là le seul point remarquable de cette production. On se souviendra longtemps des balais du père d'Hansel et Gretel qui, tombant des cintres, deviennent autant d'arbres de la forêt que les enfants vont traverser (est-ce la réalité ou un rêve ?).
Enfin, c'est bien le souffle de Noël qui souffle dans la maison de la sorcière, à travers une décoration et une mise en scène aussi intelligentes que créatives, tablant autant sur la tradition que sur l'innovation à travers des couleurs vibrantes et un intéressant jeu de marionnettes.
En parfait accord avec les citations de chants d'enfants que Humperdinck a disposées ça et là dans sa partition, cette version nous fait délicieusement retomber en enfance, sans pour autant régresser tant les images oniriques se mêlent à des références qui ne manquent jamais de nous faire réfléchir…
Côté plateau, on ne pourra que louer la véritable complicité qui unit Hansel (Sabine Noack) et Gretel (Cornelia Marschall) – au timbre volubile, élégant, et à la projection idoine.
La performance de Ludmil Kuntschew dans le rôle du père des deux enfants aurait pu faire craindre certaines difficultés techniques tant la comédie l'emporte parfois trop sur la précision du texte, mais son interprétation très juste de la sorcière "balaie" bien vite nos réserves et nous gagne à sa cause.
Côté orchestre, Markus L. Frank a su à merveille mettre en exergue les touches de magie de cette partition inoubliable sans jamais forcer le trait, tirant profit d'une orchestration scintillante et exquise, magnifiée par l'orchestre mesuré mais chaleureux de la Philharmonie de Dessau.
Une nouvelle référence à l'actif de cet opéra dont on ne peut que se réjouir qu'il soit si bien servi, non seulement par les grandes maisons mais aussi par la vidéo.
Jérémie Noyer