Gérard Poulet avoue qu'il prend autant de plaisir à jouer en soliste qu'à enseigner. Pour lui, les deux activités sont indissociables et l'on comprend immédiatement sa vocation en étant témoin de la passion avec laquelle il transmet son savoir.
Le violoniste ne se présente pas comme une figure hautaine et distante propre à créer un fossé infranchissable entre l'élève et l'enseignant. Par son vocabulaire, ses gestes et ses regards, l'art de la transmission ne prend pas des routes détournées et savantes. Le style est direct et le langage du corps rappelle celui d'un chef d'orchestre. Conjointement à la parole, le geste approuve ou désapprouve mais n'interrompt que pour corriger.
En marge des rapports tissés entre maître et élève, ce dernier parle peu ou pas du tout car l'enseignant, tout ouvert qu'il se montre, n'incite pas au dialogue. On ne perd pas son temps dans la classe de Gérard Poulet avec de longues explications théoriques et quelques indications simples mais efficaces suffisent à la compréhension : laisser parler le violon, ne pas jouer trop fort et laisser respirer la corde incitent à une réaction immédiate et efficace.Ainsi, Marie Scheublé dans Sibelius – qu'elle enregistrera superbement par la suite chez Arion – joue presque en continu, le maître intervenant le plus souvent sur l'interprétation même, alors que pour Thierry Huchin, l'aspect technique prend largement le dessus. Le jeune Renaud Capuçon, lui aussi futur grand soliste, affronte sans bouger les remarques techniques et expressives dans le délicat Mozart.
Tous ces élèves obtiendront leur diplôme très peu de temps après cet enregistrement.
Mais on retrouve le franc-parler de Gérard Poulet lorsque, seul face à la caméra, il répond précisément aux brèves questions qui lui sont posées : la technique n'est qu'un moyen permettant l'expression musicale ; la justesse, la qualité du son, le legato et le vibrato doivent rester primordiaux, dans une obsession qualitative.
On retrouve cette familiarité énergique et éminemment sympathique du personnage lorsqu'il évoque ses relations familiales, notamment avec son père, son premier professeur. Et c'est presque paradoxalement que l'on entend Gérard Poulet parler de conflit stylistique avec la figure paternelle qui ne comprenait pas pourquoi son fils se détournait du style violonistique de l'époque, déjà démodé… En effet, lui qui a voulu se démarquer de cette ancienne école imposée par son père Gaston Poulet pour se diriger vers la modernité incarnée par la figure charismatique de Jascha Heifetz se présente volontiers à ses élèves comme modèle à suivre. Or on les imagine mal le contredire - les images nous confortent - pour prendre une autre voix. Car son but avoué est bien de transformer l'élève en disciple qu'il suivra bien après l'obtention de son prix de Conservatoire.
Gérard Poulet suivrait-il alors la voie de son père qu'il a pourtant combattue pour affirmer sa personnalité, en se posant à sa suite comme un modèle à suivre ?
Accompagné au piano par Noël Lee, Gérard Poulet interprète avec inspiration le premier mouvement de la Sonate pour violon de Debussy avec laquelle il entretient un rapport personnel. Son père a en effet connu le compositeur avec lequel il a collaboré pour des conseils techniques lors de son élaboration. Gaston Poulet créera cette Sonate en 1917, avec Debussy au piano…
Nicolas Mesnier-Nature