Œuvre de commande pour le mariage de Louis XIV avec l'infante d'Espagne, l'Ercole Amante est une pièce qui brille à réunir les goûts dans la mesure où l'opéra italien - et plus précisément vénitien - s'y retrouve associé à des mouvements de ballet signés Lully.
C'est aussi l'œuvre de tous les extrêmes. Celui du sujet, avec son lot d'événements surnaturels et d'apparitions divines, mais surtout celui de l'ambition scénique puisque Mazarin commanda pour l'occasion à l'architecte Vigarani une nouvelle salle des machines pour le théâtre des Tuileries, qui allait devenir le deuxième théâtre d'Europe par sa capacité de 8.000 places.
Janvier 2009 : le Concerto Köln reprend l'œuvre à son compte pour l'Opéra des Pays-Bas dans une approche réunissant cette fois les Anciens et les Modernes.
D'un côté, on retrouve en effet tout l'apanage historique "baroqueux" maintenant bien connu des mélomanes : la grammaire idoine portée par des interprètes totalement dévoués à la cause de l'œuvre. L'orchestre est opulent et à son continuo habituel s'ajoute une phalange complète de continuistes extérieurs, histoire de colorer au maximum les innombrables récitatifs de Cavalli.
Les chanteurs sont également au diapason, avec une distribution nettement dominée par un Luca Pisaroni impérial dans le rôle-titre, quelque part plus français qu'italien par sa tessiture, plus baryton que basse.
Ajoutons une Anna Maria Panzarella désarmante de beauté et d'implication dans son rôle de Déjanire et un Marlin Miller irrésistible, presque meilleur comédien que chanteur !
Du côté des Modernes, il y a de nouveau cet Hercule qui tient plus du Musclor que du héros grec, se voulant un Louis XIV devenant héros de pacotille dans une relecture ironique de la personnification des héros d’opéra versaillais.
Ironie, critique du pouvoir, de la propagande, du tape à l'œil, Hercule devient ainsi une figurine de plastique propre à amuser les enfants des années quatre-vingt.
Les couleurs, nettement "flashy", font passer dorures et moulures grand siècle du côté du jaune Stabilo devant lequel des danseurs du même acabit dessinent des pas à mi-chemin entre danse baroque et hip-hop.
Les références contemporaines s'enchaînent, les époques se télescopent, un peu comme dans un imaginarium d'aujourd'hui où il n'y a qu'à se saisir d'une télécommande pour zapper d'un univers à l'autre, où les lieux et les époques se fondent dans un magma indéfinissable où tout se vaut.De fait, cette production signée David Alden interpelle, questionne, interroge, non sans une pertinence certaine, mais dérange dans le même temps par l'indigestion qu'elle occasionne.
Ces références que nous évoquions fusent de tous les côtés et si certains passages comme les tableaux aquatiques magiques, comme suspendus, parviennent à réellement émerveiller, on se perd vite dans ce dédale de clichés tous azimuts, comme un concentré de complexité trop vite ingéré.
Était-ce là le but visé ?
Peut-être, dans la mesure où ce vertige nous prend physiquement pour mieux nous pousser à penser.
Mais on aurait pu imaginer critique plus "digeste" !
Enfin, ne boudons pas le plaisir de cette production engagée et intelligente, souvent belle, excellente musicalement.
Si la machinerie d'Amsterdam est bien plus légère que celle de son aînée de 1672, sa mise en scène aurait seulement gagné à l'être tout autant…
Lire le test du DVD.
Jérémie Noyer