La production de Deborah Warner est une réussite : elle a choisi de restituer un prologue dont toute trace a disparu et c’est une merveilleuse idée que d’ouvrir avec une sélection de 3 poèmes déclamés par la comédienne Fiona Shaw. Du théâtre bien sûr, et de magnifiques poésies préludent ainsi à la représentation dans l’esprit originel. William Christie précise dans le documentaire proposé en accompagnement qu’il n’existe aucune documentation sur ce prologue et que l'on ignore même s’il était musical ou déclamé. Le choix effectué ici est parfaitement opportun.
D’un espace scénique parfaitement adapté au format de l’ouvrage, le décor est aussi splendide que les costumes ou les éclairages. À chaque instant un événement intervient et rend particulièrement lisible et rafraîchissant l’ensemble du spectacle. Les personnages d’Enée, de Didon et de ses suivantes, nous apparaissent sous les plus beaux atours de la cour du XVIIe, se donnant en spectacle sur l’Énéide de Virgile. Cela fut d'ailleurs vraisemblablement le cas à la Cour de Charles II, en 1684, lors de la première représentation, soit 5 ans avant celle, généralement plus connue, à la Boarding School for Girls de Londres.
Le chœur est relégué de notre côté, celui des spectateurs, et en remplit le rôle sur scène. Cela fonctionne parfaitement et ne fait que rendre plus attrayant le drame qui se joue : le destin des personnages, comme à nous-mêmes, lui échappe.
Le spectacle tient d’une véritable magie, à laquelle président Les Arts florissants et leur chef William Christie. Comme toujours, l’interprétation colle à la lettre au drame qui se joue sur scène, avec une fraîcheur et une subtilité musicale stupéfiante. L’effectif instrumental est celui utilisé à Londres à l’époque, où l’on s’inspirait généralement de ce qui se faisait à la Cour de France, et qui réunissait une vingtaine d’instrumentistes.La distribution est dominée par l’admirable Didon de Malena Ernman, aussi remarquable musicienne que comédienne. La célèbre mort de Didon "When I am laid in Earth" est émouvante aux larmes.
Le rôle de la sorcière aurait été conçu tant pour une voix grave de femme (ici Hilary Summers), que pour une voix grave d’homme.
L’esprit qui anime la production, avec son goût de la provocation et du mordant, justifie parfaitement le style choisi, qui s’apparente au théâtre chanté : la voix est volontairement monstrueuse et l’essaim de petits sujets, magnifiquement distribué à des enfants, exerce une certaine frayeur. La puissante voix de basse de Christopher Maltman et sa présence scénique imposante compensent largement le rôle d’Énée, aussi court que dramatiquement essentiel.
Tout cela est magnifiquement filmé et nous invite à découvrir des expressions et des postures au plus près, ce que notre position dans la salle ne nous permettrait pas. Avec des artistes d’une telle qualité de jeu et d’engagement c’est là aussi, un vrai régal pour tout public, initié ou pas.
À découvrir d’urgence et si vous avez manqué d’imagination pour vos cadeaux de Noël et puisqu’il n’est jamais trop tard, voici le présent tout trouvé, si personne jusque-là ne vous en a ravi l’idée.
À noter : La présentation du disque est vraiment superbe et le livret d'accompagnement en couleurs particulièrement luxueux, sous son surétui à découpe. Mais veillez à ne pas confondre le DVD avec Blu-ray. Un sticker permet de distinguer ce dernier, ainsi qu'un petit logo différent pour les deux supports, imprimé au bas du dos de l'étui.
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Gilles Delatronchette