L’idée si féconde d’adapter les opéras de Mozart à notre époque sans pour autant toucher à leur essence propre fait ici encore recette. Le palais napolitain du livret fait place à une villa californienne et la soubrette Despina devient une femme de ménage arrivant au travail à moto en écoutant son iPod ! Cela dit, là où l’adaptation de Don Giovanni (lire le test de ce programme) apportait une véritable lecture nouvelle à l’œuvre, on reste ici sur une simple transposition, plus superficielle. Certes, la mise en espace joue sur le mouvement et on ne s’ennuie guère dans ce qui n’est finalement qu’un huis clos autour de trois couples (les quatre tourtereaux ; le philosophe et la soubrette). Mais il en faut plus pour apporter une véritable actualité, c’est-à-dire pour nous montrer en quoi cette écriture du passé nous parle encore aujourd’hui et parlera encore aux générations futures. L’ambition est là, mais le metteur en scène est visiblement passé à côté de quelque chose.
Sur le plan musical, les couples se déforment comme dans le livret de Da Ponte. Sur les six chanteurs, trois dominent nettement cette distribution. Il y a d’abord le Gugliemo impressionnant de puissance et de générosité de Florian Boesch, dont la stabilité et la justesse demeurent infaillibles de bout en bout. Puis il y a l’interprétation vivante de Miah Persson dans le rôle de Fiordiligi, aux aigus d’une élégance folle. Et enfin la Despina irrésistible de Patricia Petibon, très à son aise dans ce rôle idéal pour le "jeu" à tous les niveaux.
En revanche, on trouvera la Dorabella d’Isabel Leonard par trop éteinte, malgré de réelles qualités vocales, le Ferrando de Topi Lehtipuu à l’articulation par trop anguleuse et au timbre étroit, tandis que le Don Alfonso de Bo Skovhus (excellent dans La Veuve joyeuse à Glyndebourne - Lire le test de ce programme) se perd dans une gestique abstraite et souvent incompréhensible à l’image de son articulation saccadée qui rend l’italien incompréhensible et rend impossible un véritable phrasé et de véritable graves.
Dans la fosse, Adam Fisher anime avec bonheur le Philharmonique de Vienne tout en conservant des tempi mesurés et un certain classicisme.
En conclusion, voici une version très honnête d’un opéra qui peine néanmoins à trouver "sa" version d’aujourd’hui…
Jérémie Noyer