Une chose frappe d'emblée dès les premières secondes de cette interprétation par le Fry Street Quartet : cela va très vite ! Ainsi, le premier mouvement de l'op.18 ignore-t-il superbement le ma non tanto accolé à Allegro ! De même, l'Allegretto du troisième mouvement devient Allegro, l'Allegro qui suit se transforme en Allegro molto, etc.
Cela ne serait pas gênant si ce parti pris était compensé par une architecture, une sonorité, un respect des nuances telles qu'elles sont indiquées. Malheureusement, les interprètes passent outre. Le mezzo forte devient forte et le forte, fortissimo.
L'énorme Fugue op.133 en fait les frais. Littéralement arrachée, râpeuse à souhait, l'aridité inhérente à ce type de composition alliée à l'évolution stylistique de Beethoven vers plus de complexité rythmique, harmonique et polyphonique, est sacrifiée sur l'autel de la virtuosité à tout prix. Celle qui ne prend pas le temps de chanter.
L'Andante scherzoso de l'op.18 perd la notion de "danse" et se départit de tout humour.
L'Andante de l'op.130 devient superficiel. Quant au mouvement suivant, il fait les frais d'un autre tic d'interprétation omniprésent et insupportable : l'"effet soufflet", malheureux héritage des baroqueux. En effet, certains interprètes ont pris l'habitude d'appuyer par un accent les temps forts d'une mesure. Les instruments à vents ou à cordes frottées, comme les chanteurs, exécutent un petit crescendo pour marquer ces notes et comme pour "lancer" le texte. Pour peu que le compositeur indique à ce moment précis un accent ou un crescendo, l'effet est encore renforcé. Dans l'interprétation du Fry Street Quartet, cette accentuation s'entend dès le début de la première plage.
S'il y a beaucoup – trop – de contrastes entre les nuances, il y en a peu à l'intérieur d'une même partie. Ainsi, dans l'Allegro de l'op.18, la seconde partie du thème poursuit sa fuite, alors que son écriture mérite bien une pause entre les barres de reprise. La vitesse surpasse tout dans le Prestissimo final, joué à bout de souffle.
Ce jeu très tendu en permanence, sans relâchement, trop fort de contrastes, est déséquilibré dans ses relations entre instruments : le violon 1 a toujours voix au chapitre, le violoncelle se montre moyennement présent et l'alto – laid de sonorité – très discret dans le Trio du Menuet de l'op.18, voire souvent inaudible. La notion de polyphonie, comme l'esprit s'en trouvent sacrifiés. Le Menuetto du même opus ignore par exemple la notion de danse à l'ancienne et l'ironie cachée caractérisant bien souvent ce type de compositions de Beethoven.
La Cavatina, juste avant la Grande Fugue, prendra enfin le temps de respirer ! Mais que de maniérisme. La tristesse profonde des quelques mesures où Beethoven marque Beklemmt ("oppressé") échappe elle aussi en partie au Fry Street Quartet. Remarquons également que Beethoven avait prévu la fameuse Grande Fugue comme dernier mouvement mais, sur le conseil de son éditeur, il la détacha de l'ensemble et la remplaça par un Allegro très différent. Les interprètes passent outre.
Ce disque n'apporte de fait rien à la discographie générale de ces œuvres. À vouloir trop faire du neuf, ce quatuor de jeunes interprètes se fourvoie complètement et passe à côté du message beethovenien.
À noter : Ce SACD hybride est compatible avec tous les lecteurs de CD.
Pour bénéficier des pistes multicanales et stéréo encodées en DSD, il faut utiliser un lecteur SACD.
Nicolas Mesnier-Nature