Le metteur en scène Damiano Michieletto profite de l’ouverture de cette Pie voleuse, sans doute une des plus fameuses de Rossini, pour présenter le volatile de la façon la plus originale et attractive qui soit. Cette première démonstration d'inventivité constitue un jubilatoire "spectacle dans le spectacle" annonciateur de tout ce qui attend le spectateur, lequel sera en outre séduit par les éclairages de scène harmonisés avec les agréables couleurs des costumes.
D'énormes tubes constituent l’essentiel du décor et sont exploités au mieux par le metteur en scène, ce qui permet largement de compenser la longueur des scènes. L'Acte II débute sous une véritable averse et les chanteurs auront en permanence les pieds dans l’eau ! Un seul excès est en fait à déplorer dans cet ensemble cohérent : ces hommes armés de kalachnikovs bien peu à leur place face aux personnages inoffensifs qu’ils menacent. Mais reconnaissons que la condamnation à mort d’une domestique accusée d’avoir volé une fourchette et une petite cuillère ne s 'inscrit pas non plus dans la mesure…
Cette Pie voleuse constitue un régal pour les yeux, mais aussi pour les oreilles, et ce dès le début de l'œuvre avec un incroyable chassé-croisé de trois voix solistes et chœur, dont Rossini a le secret. On retrouvera cette maîtrise dans l'admirable point culminant de l'Acte II qui rassemble six personnages dans un somptueux ensemble parfois a capella. En outre, si les airs de cette Gazza Ladra sont particulièrement longs, la musique coule sans ennui, portée par une distribution de haut niveau.
La soprano espagnole Mariola Cantarero prête son remarquable timbre au personnage de Ninetta et lui permet de dégager une forte et constante émotion, même si le trac joue peut-être un peu sur son vibrato au début de l'œuvre.
Lors d’un duo formé avec son père Fernando chanté par Alex Esposito - beau timbre de baryton à l’italienne -, il faudra tout spécialement prêter attention à la superbe orchestration rossinienne alternant vents et cordes avec une très grande habileté.
Dans le rôle du Podestat, le baryton Michele Pertusi se montre lui aussi très convaincant, mais comme pour Alex Esposito, on notera cependant dans l'étendue de sa tessiture une légère gêne dans le registre grave.
Les voix des deux interprètes se montrent en effet un peu hautes par rapport à l'écriture. Mais voilà bien peu de chose au regard de leur jeu scénique excellent au service de rôles de fait parfaitement tenus.
L’émotion ne manque nullement à cette Pie voleuse servie avec sincérité par l'ensemble de la fort bonne distribution. Il faut dire que le livret n'est avare ni en drames ni en rebondissements auxquels les facéties de la pie (Sandhya Nagaraja) apportent souvent une touche d’humour toujours fort bien dosée. L'émotion qualifiera de même les intermèdes orchestraux valorisés par la direction du chef d'orchestre chinois Lü Jia, précise et attentive sans discontinuer.
Lorsqu'au terme de cette Gazza Ladra, un feu d’artifice vocal rassemble tous les chanteurs et la facétieuse pie, on réalise que ces plus de trois heures d'opéras se sont déroulées avec fluidité, nous permettant de conserver un intérêt constant. Une superbe soirée lyrique à laquelle il est bien difficile de résister !
Saluons enfin l'initiative éditoriale de Dynamic dont c'est le premier titre sur support Blu-ray.
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Daniel Barda