N'ayons pas peur de le dire d'emblée : L'Échelle de soie (La Scala di seta) n'est pas un grand chef-d’œuvre. Pourtant, on aurait tort de se priver du plaisir que dégage cette farce légère du jeune Rossini qui porte déjà en elle la verve comique et la jouissive ardeur musicale de celui qui fera office de véritable raz-de-marée dans le monde extravagant des maisons d'opéra contemporaines. Claudio Scimone saisit dès l'Ouverture cette énergie, cette légèreté du discours qu'il va transmettre à tout le plateau. Les récitatifs sont accompagnés au pianoforte.
Cette Ouverture instrumentale est illustrée par une activité visuelle remuante dès les premières notes qui accompagnent des déménageurs affairés à mettre en place les meubles qui serviront de décor durant toute la représentation. Un miroir réfléchissant plaqué sur le mur du fond permettra de donner une autre perspective à la scène vue de la salle. Ce n'est pas une nouveauté en soi, mais l'effet reste bienvenu sur le plan spatial et esthétique. L'appartement figuré est sans murs, mais les pièces sont délimitées par l'artifice théâtral du jeu des chanteurs qui consiste à fermer une porte qui n'existe pas. Le mobilier très moderne trouve sa place avec l'arrivée des artistes présentés comme des mannequins inertes, ce qui ne constitue une idée originale.
La soprano colorature russe Olga Peretyatko tient le rôle féminin principal, celui de Giulia, placé au centre de toute l'action, et la fraîcheur vocale de la jeune cantatrice mérite tous les éloges. Aigus brillants accrochés avec une facilité déconcertante, agilité dans les vocalises et beaucoup de présence scénique : l’artiste tient son rôle sans le charger inutilement. Elle incarne une jeune femme de nos jours, adepte de sports et de bien-être mais moins des contraintes et des tâches ménagères puisqu'elle emploie un domestique, Germano.
De fait très affairé, il trouve en la basse Paolo Bordogna un bon représentant, sans produire toutefois des exploits vocaux inoubliables. On le sent légèrement limité dans l'ouverture de l'émission, mais son air principal, alors qu'il repasse, plie des chaussettes et nourrit le poisson rouge, montre qu'il possède de réelles qualités scéniques et en fait la démonstration avec une aisance certaine.
Blansac, autre personnage masculin, représentatif du hâbleur italien, est incarné par Carlo Lepore, soit l'autre artiste qui domine la distribution. Avec son beau timbre de basse, lui aussi très à l'aise sur le plateau, il est un concurrent sérieux à Germano.
Des deux ténors, on retiendra surtout le Dorvil de José Manuel Zapata, le rôle du tuteur Dormont étant très mineur et, il faut bien l'avouer, très faiblement chanté par Daniele Zanfardino. Contrairement à son physique imposant, José Manuel Zapata laisse s'échapper une voix claire de ténor léger, assez blanche, parfois tentée par des notes nasales, dans l'ensemble pas désagréables mais pas toujours convaincantes. Il faut dire également que le couple formé avec la soprano russe frôle l'erreur de casting, tant on voit mal ces deux chanteurs mari et femme !
Enfin, l'autre personnage féminin de cette Échelle de soie est très bien représenté par la soprano Anna Malavasi, qui sait opérer brillamment la transformation initiale d'une vieille fille coincée en vamp extravertie pour qui le goût de la provocation séductrice n'a aucun secret ! Rossini ne lui a écrit qu'un seul air de séduction, mais qui trouvera un écho de satisfaction comique bien mérité auprès du public.
La réalisation vidéo de cette production italienne confiée à Tiziano Mancini propose certains plans en split screen à des moments judicieusement sélectionnés, ce qui varie les points de vue et se conjugue à l'utilisation du fond en miroir. Les éclairages d'Alessandro Carletti mettent agréablement en valeur les couleurs franches des décors de Paolo Fantin, lequel signe également les costumes de la production.
En conclusion, proposer à l'heure des écrans plats et de l'induction un Rossini dénué de prétention, mais toujours avec la cafetière italienne traditionnelle, est un atout certain pour cette Échelle de soie bien dans l'air du temps.
À noter : Opus Arte a soigné le menu d'accueil de ce DVD. La validation des différentes options proposées nous promène sur le plan de la maison dans laquelle se déroule l'opéra, animé en 3D de façon ludique.
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Nicolas Mesnier-Nature