Déjà en 2006, le Rossini Opera Festival de Pesaro, ville natale de Rossini, avait renoué avec Adelaide di Borgogna, mais en version de concert, et si ce ne sont quelques reprises relativement récentes à Paris et dans les Pouilles, cet opéra ne s’est jamais véritablement remis de ses débuts difficiles, desservi alors par une troupe au niveau insuffisant.
Or tel n’est pas du tout le cas ici, et si la distribution réunie autour de Dmitri Jurowski (frère de l’excellent chef d'orchestre Vladimir, directeur musical de Glyndebourne) ne fait état d’aucune star internationale, nul doute que le niveau de ces artistes est à la hauteur. À commencer par la très rossinienne Daniella Barcelona qui apporte au rôle d'Ottone la virtuosité qui lui sied, avec une technique parfaitement solide, mais surtout une véritable musicalité, notamment dans les couleurs graves, et une présence qui fait de son personnage masculin un des piliers de cette production au final très homogène et très cohérente. Son "couple" avec l’Adelaide de Jessica Pratt fonctionne ainsi à merveille. Tenant son rôle de demoiselle en détresse avec la dignité qui sied à son personnage historique, la jeune soprano lui apporte une émotion à fleur de peau, atteignant une perfection vocale qui justifie à elle seule la Siola d’Oro qu’elle vient de recevoir (cf. notre interview de Jessica Pratt).
Le reste du plateau vocal se situe dans la même veine, sans que jamais aucun interprète ne tire la couverture à soi, investi au service de l’œuvre. Quand l’ego se joue du talent et s’oublie pour la musique, le résultat ne peut être que magnifique. Et cela se vérifie bien à Pesaro, que ce soit avec l’Adelberto de Bogdan Mihai, dont le timbre superbe aurait bien la capacité de ravir la vedette à n’importe quel rôle-titre et qui pourtant tient son rôle d’acteur avec une conscience et une modestie louables, ou avec le chef, Dmitri Jurowski, qui rejette ici toute forme de spectacle facile - ce Rossini de 25 ans ne se prive pourtant pas pour glisser force feux d’artifice musicaux tout au long de son opéra ! - pour mieux privilégier une approche à la fois fine et discrète de l’œuvre. Reconnaissons que ceci témoigne d’une personnalité intelligente et largement moins superficielle que plusieurs photos de presse ne le laissent augurer !
Côté mise en scène, Pier’Alli a su totalement nous convaincre en rendant pleinement justice à la complexité de l’intrigue tout en la rendant accessible grâce à des moyens multimédias - essentiellement des projections -, comme un hypertexte narratif que l’on capte à l’envi. Sans jamais polluer l’intrigue principale autour du couple central, ce soutien narratif, au contraire, la rend plus lisible. Contraste entre la toile et le couple rendu plus prégnant encore par le recours à une gestique épurée et symbolique inspirée du théâtre No.
Cette Adelaide di Borgogna fort bien enregistrée en 2011 par les caméras de Tiziano Mancini signe une belle réussite, moderne, actuelle et intelligente comme on aimerait en voir plus souvent !
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Jean-Claude Lanot