Dernier opéra de Richard Strauss, Capriccio est intitulé par son auteur "une conversation destinée à être mise en musique, en un acte". L'action est située peu avant la Révolution française, à Paris dans les salons privés d'une jeune veuve, la comtesse Madeleine. Tous les personnages ont une importance musicale à peu près égale.
Le style adopté par Strauss joue en faveur de l'épuration stylistique dans laquelle tout tend à l'essentiel. Dans ce testament artistique, l'auditeur attentif trouvera une multitude d'autocitations d'opéras antérieurs et de références au XVIIIe siècle français, notamment à travers Couperin et Rameau. Un clavecin figure du reste dans l'orchestration et se trouve sur scène. Dans Capriccio, les pastiches musicaux de l'Ancien régime gardent une allure respectueuse et n'ont rien de méchamment ironique.
Richard Strauss développe dans son dernier opéra toutes les ressources de l'art vocal, ce qui aboutit à de lourdes conséquences pour les interprètes : savoir passer de l'une à l'autre avec souplesse. Tous les interprètes réunis sur la scène du Met tiennent le pari : les récitatifs secs ou accompagnés, les airs, le parler-chanter, les ensembles virtuoses extrêmement délicats à mettre en place comme les deux octuors dits "du rire" et "de la dispute" de la Scène 9 sont unis sans heurts et sans coupures pendant près de deux heures trente.
Ce tour de force n'aurait pu exister sans la direction extrêmement souple de Andrew Davis qui a suivi en cela les recommandations du compositeur qui exigeait que l'orchestre ne couvre pas les voix afin que le texte soit totalement audible et compréhensible. La légèreté de la formation y contribue grandement. Seule la conclusion de l'œuvre prendra plus d'ampleur dans le grand air final magnifié par Renée Fleming, incarnation réelle et symbolique - comme son personnage - de l'Art et sublime adieu de Strauss à l'opéra.
Le metteur en scène John Cox a choisi de situer son Capriccio dans un château proche de Paris dans les années 1920. Loin d'être exclusivement de cette époque, des éléments de décors, le clavecin et certains costumes renvoient au XVIIIe siècle français. Mais tout cela reste fidèle à une certaine tradition, le Met étant réputé pour son conservatisme. Le réalisme est à l'honneur et donne beaucoup à voir.
L'humour apparaîtra dans certaines phrases-clés du livret et au cours de la Scène 9, scène-pivot de tout l'opéra : les interprètes - le duo de chanteurs italiens, les deux danseurs - réussiront leurs prestations avec brio, n'en faisant pas trop dans la bouffonnerie.
Richard Strauss a disposé avec Capriccio d'un de ses meilleurs livrets, auquel il a d'ailleurs contribué. Son sujet aborde la question fondamentale de l'esthétique de l'opéra : la primauté doit-elle y être donnée aux paroles ou à la musique ? La solution n'est pas donnée mais le final reste positif. L'impression du spectateur sera de même, pour cette œuvre difficile qui demande à être réentendue plusieurs fois pour en apprécier toutes les richesses.
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Nicolas Mesnier-Nature