Nabucco, troisième opéra composé par Verdi deux ans avant Ernani, demeure une des œuvres lyriques les plus connues de la première période de création du maître italien. Grand succès dès sa première représentation en 1842, maintenu au répertoire jusqu'à nos jours, il doit en partie son succès au très fameux " Chœur des esclaves" que l'on entend à la fin de la troisième partie.
Tout comme Aida, Nabucco pose des problèmes de mise en scène de par l'aspect historique et antique de l'action. Transformer Nabucco en péplum démonstratif et surchargé ne peut apporter que de la lourdeur inutile. Or, pour cette production du Teatro Regio de Parme, Daniele Abbado a su rendre le poids de l'Histoire de manière assez subtile. D'une part, grâce à l'omniprésence d'une immense muraille qui n'est pas sans rappeler le mur des lamentations à Jérusalem, unique décor monumental qui changera d'aspect au cours du déroulement de l'opéra, notamment avec l'utilisation judicieuse de la lumière. Et d'autre part avec le mélange bien vu des époques à l'aide d'une répartition nette de costumes modernes pour les choristes et d'habits de l'époque babylonienne pour les solistes. L'ensemble des mouvements scéniques demeure malheureusement assez statique, les interprètes étant amenés davantage à gérer leur espace qu'à occuper la scène.
Leo Nucci chante le Roi de Babylone. Même si la voix du baryton italien n'a plus la consistance et la puissance d'antan, il est juste d'admettre que sa présence sur scène force le respect et que son incarnation de Nabucco rend bien compte des différentes phases par lesquelles passe le personnage : du statut de conquérant au pouvoir absolu à la déchéance de la folie, de l'autocrate destructeur et esclavagiste au versatile magnanime. Les insuffisances vocales sont ainsi largement compensées.
Bruno Ribeiro, particulièrement apprécié dans Le Corsaire édité également par C Major, tient le petit rôle d'Ismaele qui convient très bien à sa voix de ténor léger.
Le grand prêtre Zaccaria offre un contraste saisissant, et Riccardo Zanellato possède indubitablement la stature et la voix de ce rôle impressionnant. Verdi a d'ailleurs particulièrement bien écrit ses parties. On retiendra notamment le récitatif et la prière de la deuxième partie ("Tu sul labbro de' veggenti") écrit avec six violoncelles solos, de même que la prophétie de la troisième partie "Oh, chi piange ?". Couleurs et excellente tenue de notes, à nul moment ne montrent de limites.
Dimitra Theodossiou nous laisse davantage sur la réserve : un timbre assez métallique et globalement tendu, en particulier dans les aigus, fait que le son n'est pas toujours de toute beauté. Avec la progression dans l'ouvrage, la qualité de voix s'améliore et la dernière apparition d'Abigaille - redoutable avantage de clore l'opéra - est une vraie réussite, il est vrai dans le registre "mourant" peu exposé. On peut en revanche difficilement se projeter de manière favorable dans le personnage vindicatif et peu amène que la soprano développe. Ni son interprétation ni sa présence physique ne nous y engagent.
La mezzo-soprano Anna Maria Chiuri (Fenena) emporte au contraire toute notre adhésion et on ne peut que regretter de ne devoir profiter de son merveilleux organe vocal que dans l’unique et tardif air qui lui est dévolu à la toute fin de la quatrième partie. Son aisance et la puissance de projection de sa voix sont étonnantes.
Dans Nabucco, les chœurs ont une grande importance et le très attendu "Va' pensiero" fait figure de test. Mais son entrée élimine ici en quelques secondes toutes nos craintes. Comme tant d’œuvres rabâchées, et souvent très mal chantées, l'interprétation de ce "hit" représente un quitte ou double pour les interprètes. Avec le chef de chœur Martino Faggiani et le tout jeune Michele Mariotti à la direction, le parti pris de lenteur - presque deux minutes de plus que la moyenne – allié à une expression très douce (on dépasse rarement le mezzo forte) font de cette partie une réussite dont on se souviendra. Rien de vindicatif, rien d'exalté, tout s'exprime dans l'intériorité et la retenue, ce qui ne lui en donne que plus de force, renforcées par l'intimité de la mise en scène.
Ce Nabucco se place ainsi en très bonne position dans l'intégrale Tutto Verdi. Une mise en scène sobre, une direction d'excellente facture et un bon équilibre dans la distribution vocale de rôles bien interprétés dans l'ensemble lui assurent même une place de choix dans toute vidéothèque verdienne.
Lire le test du Blu-ray Nabucco de Verdi enregistré à Parme
Retrouvez la biographie de Giuseppe Verdi sur le site de notre partenaire Symphozik.info
Nicolas Mesnier-Nature