Si l'on connaît le cor de basset, il n'en va pas de même de la clarinette de basset, instrument d'époque reconstitué par la marque française Buffet Crampon et joué par Vincenzo Paci sur la scène de la Fenice pour le présent concert. On remarquera à l'image un instrument très allongé entre la main la plus basse et le pavillon, ce qui permet d'obtenir des notes beaucoup plus graves que les clarinettes actuelles qui obligent les instrumentistes à transposer une octave au-dessus un certain nombre de phrases du Concerto pour clarinette KV 622 de Mozart. Avec l'instrument pratiqué ici, on découvrira ce concerto tel que le compositeur l'a probablement réellement écrit.Vincenzo Paci, en véritable virtuose de cette "clarinette de basset", apporte une profondeur inédite au chef-d'œuvre achevé par Mozart en 1791, deux mois seulement avant sa disparition. En revanche - et c'est un peu dommage pour les puristes - il trahit parfois la partition en rajoutant quelques ralentis et rubatos auxquels Mozart n'avait sûrement jamais pensé !
On peut regretter également la position très inélégante du soliste, presque toujours genoux pliés, ainsi que ses balancements incessants dès le début du concerto, qui pourront fatiguer plus d'un spectateur…
Mais on regrettera aussi et surtout, dans le second mouvement - l'une des plus belles pages instrumentales de l'Histoire de la musique* - un certain manque d'émotion, dû en grande partie à la direction très mièvre du jeune chef Diego Matheuz, qui ne fait pas beaucoup plus que battre la mesure...
En outre, deux petites anecdotes s'invitent à cette captation : entre le premier et le second mouvement, chose rare, le soliste vu de dos nettoie son instrument à l'aide d'un chiffon. Plus tard, au milieu du troisième mouvement, le chef nous fait le coup d'un passage de baguette à la main gauche, effet qui n'est pas vraiment justifié...
En bis, Vincenzo Paci nous gratifie d'une petite pièce très jazzy du compositeur contemporain italien Gaspare Tirincanti, accompagné seulement par trois trombones, un tuba et une contrebasse, sans chef et à bonne distance du soliste. Un opus sympathique et plutôt réussi !
* Voir vidéo à la fin de cet article : Vincenzo Paci interprète l'Adagio du Concerto pour clarinette de Mozart.
Quant à la Symphonie No. 1 de Gustav Mahler, il nous semble que Diego Matheuz, jeune chef vénézuélien de 28 ans, en dépit d'un palmarès et d'une carrière déjà bien fournis, devrait avoir des ambitions plus modestes tant notre sensation est de le voir se faire la main sur un ouvrage mal préparé, qu'il dirige la plupart du temps nez dans la partition, à l'aide de gestes souvent disproportionnés par rapport aux nuances.
Le premier mouvement est ennuyeux à mourir ; le second sans relief ; quant au troisième, le jeune chef dirige là encore nez dans la partition et de la façon la plus scolaire qui soit l'emprunt à… "Frère Jacques" en tonalité mineure.
Enfin, on pourrait sous-titrer le dernier mouvement "Beaucoup de bruit pour rien", ou pour pas grand-chose ! À chaque grand coup de percussion, notre chef s'en donne à cœur joie dans une gestique "à la Bernstein", avant de replonger illico dans la partition. Très peu de nuances et encore moins d'initiatives expressives, dans ce pauvre rendu. À voir ainsi Diego Matheuz battre la mesure tout au long de cette magistrale symphonie, on sera même tenté de croire qu'il vit un calvaire, et que l'accord final constitue pour lui une véritable délivrance.
Les applaudissements fournis du public seront surtout adressés à l'orchestre et à ses solistes. On remarquera, du reste, des spectateurs des premiers rangs quitter la salle…
La véritable originalité de ce programme est bien cette clarinette de basset reconstituée, jouée par un virtuose de l'instrument. Mais on aurait aimé de sa part une interprétation plus mozartienne. En définitive, il ne se passe pas grand-chose à retenir dans ce concert donné à La Fenice le 2 avril 2011, et la mise sur le marché de ce DVD semble davantage servir des intérêts particuliers que la Musique.
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Daniel Barda