I- Portrait de Mariss Jansons
Nous passerons rapidement sur le film de Robert Neumüller consacré au chef d'orchestre Mariss Jansons. Ce documentaire intitulé Music is the Language of the Heart and Soul (La Musique est le langage du cœur et de l'âme) se veut en effet une biographie du chef avec retour sur son passé et visite des lieux de son enfance et où il étudia, mais l'ensemble est somme toute assez formaté. On retiendra cependant quelques idées personnelles sur la musique, intéressantes mais non révolutionnaires, et de nombreuses vues de répétitions de productions récentes, comme Eugène Onéguine, ainsi que de plus anciennes.
À noter : Ce documentaire en allemand est sous-titré en français, anglais, espagnol, chinois et coréen.
II- Gustav Mahler : Symphonie No. 2
La Symphonie No. 2 dite "Résurrection" de Gustav Mahler peut être considérée comme une œuvre extraordinaire : dès les premières mesures, avec l'unisson à la ronde des violons et altos sur la dominante de la tonalité principale ut mineur, le decrescendo immédiat aboutissant sur la réponse fff (Fortississimo) des violoncelles et des contrebasses de la mesure 2, réponse nuancée "Wild" (sauvage) par Mahler, tout est dit. En haut du conducteur, le compositeur précise "Mit durchaus, ernstem und feierlichem Ausdruck", ce que l'on peut traduire par "D'un bout à l'autre avec une expression grave et solennelle". Il est d'ailleurs quasiment impossible de suivre à la lettre les multiples indications parcourant toutes les symphonies de l'auteur car, au bout d'un moment, chef et orchestre se laissent emporter par la vague gigantesque mise en mouvement et la subjectivité devient très vite le maître mot interprétatif. Cela aboutit d'ailleurs aux meilleurs comme aux pires résultats. Mais qu'en est-il avec Mariss Jansons à la baguette ?
Le chef letton impose dès ces premières notes une prise de position plutôt posée, voire apaisée. Les tempi, tout au long de l'œuvre, suivront le chemin de l'expression dans une cohérence somme toute logique. L'écriture chorale des bois et des cuivres, puis des voix, va également dans ce sens. Mariss Jansons abandonnera par moments la battue de ces moments intenses pour accompagner les musiciens au moyen de deux mains expressives, comme pour prendre à bras ouverts les émouvantes lignes mélodiques de la composition. La nuance "Sauvage" n'est pourtant pas opposée à celle "solennelle", si cette dernière est soutenue par le "Grave" judicieusement indiqué. Or Mariss Jansons aura toujours tendance à effacer le "Wild" pour garder le "Solennel" de manière cohérente à travers les différentes parties de la symphonie.
Le deuxième mouvement, Andante moderato, joue sur la suavité des cordes du Concertgebouw, particulièrement probantes dans le chant des violoncelles auxquels répondent les violons I et II. Ce laendler viennois chante le bonheur sans ombre, simple et paradisiaque, dans lequel une tension serait totalement hors sujet.
Le troisième mouvement dégage une atmosphère ironique assez forte. Or la limite de la vision du chef se fait davantage sentir dans cette partie, trop noble dans l'épisode central, sorte de valse populaire frustre et volontairement un peu vulgaire. On frise le beau son pour lui-même et le travail bien fait, trop bien fait.
Avec le mouvement suivant, intervient la première voix. La mezzo-soprano doit assumer un contraste énorme avec les mesures précédentes. Bernarda Fink propose une ligne vocale peu émouvante, aux tenues brèves, mais toujours dans l'optique de la simplicité expressive du chef, placée irrémédiablement sous le signe de l'apaisement.
Chœur mixte, chanteuses solistes et orchestre se retrouvent dans le très long final. Tout à son honneur, la soprano Ricarda Merbeth ne chante pas sa partie de manière ostentatoire afin de se détacher du reste des troupes. Ses interventions, à l'inverse, sont discrètes et se fondent dans la masse chorale. On appréciera en particulier la douceur avec laquelle elle gère les mesures initiales, très difficiles à tenir. Quelques plans sur les instrumentistes derrière la scène donnent un sens visuel à ces appels de l'au-delà. Dans le choral des cuivres, la lenteur se fait davantage sentir qu'auparavant, et le manque de contraste flagrant depuis le début parvient à alourdir quelque peu et tirer vers le bas un discours qui se veut pourtant proche du ciel…
Dans cet enregistrement, la vision calme et sereine répond à une optique qui se défend en soi. Mais la concurrence est importante, tant au niveau discographique que vidéo. À moins d'être un fan de Mariss Jansons, c'est , avouons-le, plus spécialement vers les couleurs de l'orchestre du Concertgebouw que nos oreilles seront tournées tout au long de cette captation.
À noter : Le documentaire est proposé en allemand stéréo PCM (51'39) ; la Symphonie No. 2 de Mahler est encodée en 5.0 DTS HD Master Audio et stéréo PCM (90'11).
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Nicolas Mesnier-Nature